Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Au Liban, une femme à la tête du ministère de l’intérieur

Raya Haffar El-Hassan est la première femme à occuper le poste de ministre de l’intérieur dans le monde arabe. Le nouveau gouvernement de Saad Hariri compte quatre femmes ministres. Un record.

Par  (Beyrouth, correspondance)

Publié le 19 février 2019 à 07h15

Temps de Lecture 3 min.

Raya Haffar El-Hassan est la première femme à occuper le poste de ministre de l’intérieur dans le monde arabe

Sitôt annoncée la nomination de Raya Haffar El-Hassan comme ministre de l’intérieur au sein du nouveau gouvernement libanais, les blagues sexistes ont fusé sur les réseaux sociaux. En voici une : puisque ce portefeuille est désormais tenu par une femme, les voitures de police deviendront de couleur rose… Sa désignation est audacieuse, dans une société qui demeure patriarcale. Originaire du nord du Liban, âgée de 52 ans et mère de trois enfants, Raya Haffar El-Hassan est la première femme dans le monde arabe à diriger ce poste sensible. « Je dois démontrer la capacité des femmes à assumer ce portefeuille exceptionnel », a-t-elle déclaré, lors de la passation de pouvoir au ministère, le 6 février.

En même temps qu’elle, trois autres femmes ont rejoint le nouvel exécutif formé le 31 janvier autour du premier ministre Saad Hariri. Un nombre bien faible, quand l’équipe compte trente portefeuilles. Mais un record, en termes de représentation féminine au sein d’un gouvernement au Liban. Le pays arabe considéré comme le plus libéral reste à la traîne sur la place des femmes en politique : l’actuel Parlement, élu en mai 2018, ne compte que six députées. Et il avait fallu attendre 2004 pour que des Libanaises deviennent ministres.

« Avec elle, il resserre son contrôle autour d’un ministère-clé. Elle a un sens politique aiguisé, mais ce n’est pas une frondeuse, c’est la fille du parti. » Un observateur

Dans un précédent gouvernement, de 2009 à 2011, Saad Hariri avait déjà fait de Raya Haffar El-Hassan la première femme ministre des finances dans le monde arabe. En la propulsant à l’intérieur dans le cabinet actuel, qui inclut l’essentiel des formations politiques, le chef du gouvernement féminise un poste important et convoité. Et soigne, par la même occasion, son image de politicien favorable à l’empowerment du deuxième sexe.

Lors d’une rencontre internationale à Dubaï, le 10 février, Saad Hariri a réitéré les raisons de son choix. Soulignant que les femmes « représentent 54 % de la société libanaise », le leader sunnite s’est dit « persuadé que les femmes, dans le monde arabe en général et au Liban en particulier, peuvent faire les choses bien mieux que les hommes. (…) Les Libanais devraient s’habituer au fait que les femmes peuvent tenir des postes importants au sein de l’Etat. »

La ministre de l’intérieur est une cadre du Courant du futur, la formation de Saad Hariri. Divers commentateurs, tout en reconnaissant ses qualités, considèrent que Raya Haffar El-Hassan a avant tout été désignée pour sa loyauté sans faille. « Hariri a choisi une fidèle parmi les fidèles. Avec elle, il resserre son contrôle autour d’un ministère-clé, alors que le précédent titulaire avait un peu pris ses aises. Elle a un sens politique aiguisé, mais ce n’est pas une frondeuse, c’est la fille du parti », juge un observateur.

Cette analyse fait bondir Maha Yahya, directrice du Carnegie Middle East Center : « Certes, Raya n’a pas l’ambition de devenir première ministre. Mais Saad Hariri aurait pu sélectionner un homme à sa place, et qui ne fût pas un challengeur. C’est elle qu’il a choisie : elle est très compétente et mesure les défis. Sa nomination est un signal pour les femmes. » Au ministère de l’intérieur et des municipalités, Raya Haffar El-Hassan chapeaute plusieurs services de sécurité. Des univers très masculins, même si les femmes y ont fait leur entrée à partir de la fin des années 1990. Après avoir été longtemps cantonnées à des tâches administratives, certaines sont désormais recrutées comme ingénieures informatiques ou travaillent comme enquêtrices. Mais elles restent peu nombreuses à porter des galons d’officiers.

Les violences domestiques et les prisons

« La nomination de la ministre est une bonne surprise », réagit, un brin hilare, une source au sein de l’une de ces branches sécuritaires. « Dans une société patriarcale, il y a forcément des réticences au leadership d’une femme, quel que soit le ministère. A l’intérieur, peut-être plus qu’ailleurs. Raya Haffar El-Hassan devra composer avec ces résistances – et les esprits récalcitrants, avec elle ! », tacle Maha Yahya.

Dans son discours inaugural, la ministre a tracé quelques priorités : accroître la coopération entre les services de sécurité sous son contrôle, perméables aux influences politiques et souvent rivales. Améliorer les conditions de vie dans les prisons. Renforcer le combat contre les violences domestiques. « Sa première intervention nous rend très optimistes. La ministre a appelé les femmes en danger à chercher assistance auprès de la police et souligné la responsabilité de celle-ci à les protéger. Nous attendons d’autres gestes de ce genre », dit Zoya Rouhana, directrice de Kafa, une ONG qui lutte contre les violences faites aux femmes.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.