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Les ruptures de stocks de médicaments, un phénomène mondial


L'équilibre fragile entre l'offre et la demande de produits pharmaceutiques est bouleversé par les nouveaux besoins des gros pays émergents, surnommés les "pharmerging", Chine en tête. (illustration AP)

Les ruptures de stocks de médicaments et vaccins, qui se font ressentir crescendo en France depuis quelques années, sont un phénomène mondial dont les causes peuvent être très diverses. Voici les principales d’entre elles.

La chaîne de production du médicament est « complètement éclatée dans la plupart des cas. La recherche-développement se fait à un endroit, les différentes phases de production dans d’autres, comme on produirait une voiture », explique Nathalie Coutinet, économiste de l’université Paris 13 spécialiste du secteur de la santé.

Depuis quelques décennies, l’industrie pharmaceutique a massivement recours à des sous-traitants en Asie pour diminuer ses coûts. La Chine et l’Inde accaparent ainsi entre 60% et 80% de la production mondiale des « principes actifs », les molécules à effet thérapeutique des médicaments d’origine chimique. Au point que pour de nombreuses molécules, « seulement deux ou trois fournisseurs » mondiaux existent aujourd’hui, relève la fédération française des industriels du médicament (Leem).

Phénomène du « pharmerging »

Les laboratoires pharmaceutiques tendent aussi à spécialiser toujours davantage leurs usines par type de procédés et molécules fabriquées. Une conséquence de la concentration croissante du secteur, mais aussi « de l’augmentation du niveau technologique requis et des contraintes réglementaires », selon le Leem. Ainsi, tout aléa de production chez un fournisseur ou dans une usine pharmaceutique (non-conformité aux normes de qualité ou normes environnementales, panne de matériel, incendie, catastrophe naturelle, etc.) peut engendrer des ruptures de stocks.

C’est par exemple le cas actuellement de plusieurs médicaments cardiovasculaires à base de valsartan, un principe actif produit en Chine dans lequel des impuretés potentiellement cancérogènes ont été détectées. Ou encore du Sinemet, médicament contre la maladie de Parkinson du groupe américain Merck & Co : le sous-traitant a dû fermer temporairement son usine pour une remise aux normes.

L’équilibre fragile entre l’offre et la demande de produits pharmaceutiques est bouleversé par les nouveaux besoins des gros pays émergents, surnommés les « pharmerging », Chine en tête. La Chine est déjà devenue depuis 2017 le deuxième marché mondial du médicament derrière les États-Unis, et le cabinet d’études Iqvia lui prédit une croissance annuelle de 6% à 10% d’ici 2022. Pékin s’est fixé pour objectif de rattraper d’ici 2030 les niveaux de santé publique des pays développés, ce qui passe par une plus grande ouverture aux médicaments importés et par des programmes de vaccination colossaux.

Disparité européenne des prix

La forte augmentation de la demande de vaccins dans les pays émergents a d’ailleurs été « la principale cause de tensions d’approvisionnement et de ruptures de stocks de vaccins » observées en 2015-2017, selon le Leem. Le processus de fabrication des vaccins, très contrôlé, particulièrement complexe et s’étalant sur six mois minimum, est par ailleurs peu flexible en cas de hausse mal anticipée de la demande ou de changements réglementaires.

Si les pays émergents ne peuvent pas proposer à l’industrie pharmaceutique les niveaux de prix des pays développés, ils compensent par des appels d’offres importants en volume, du fait de leur poids démographique. Et dans les marchés développés, les laboratoires pharmaceutiques « préfèrent approvisionner d’abord les pays dans lesquels les prix des médicaments sont les plus élevés », selon Nathalie Coutinet.

Dans l’Union européenne, les prix sont fixés à l’échelon national, en raison de la grande disparité des budgets et des systèmes de santé entre États membres. C’est « une très grosse faiblesse » dans les négociations avec l’industrie pharmaceutique, estime l’universitaire. « Le différentiel de prix entre les différents États membres est souvent un handicap pour la France », où les prix des médicaments sont généralement plus bas que dans les pays voisins, notait l’Académie nationale de pharmacie dans un rapport publié l’an dernier.

Les industriels peuvent aussi décider d’arrêter la commercialisation de médicaments anciens quand ils jugent que leurs prix ne sont plus suffisamment attractifs. Même si les fabricants sont censés prévenir les autorités longtemps à l’avance, des tensions dans l’approvisionnement peuvent apparaître, notamment quand il existe peu ou pas de produits équivalents.

LQ/AFP

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