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Profanation d'un cimetière juif en Alsace : "Il y a un vrai travail de fond à faire sur nos jeunes", juge le grand rabbin du Bas-Rhin

Harold Avraham Weill plaide pour que les plus jeunes se rendent sur des lieux de mémoire pour qu'ils "puissent prendre conscience de ce qu'est notre histoire".

Article rédigé par franceinfo - Édité par Thomas Pontillon
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Plusieurs dizaines de stèles du cimetière juif de Quatzenheim dans le Bas-Rhin près de Strasbourg en Alsace ont été profanées dans la nuit de lundi à mardi. Des croix gammées ont été tracées sur des tombes. 19 février 2019. (LUCILE GUILLOTIN / FRANCE-BLEU ALSACE (+ FB ELSASS))

"Il y a un vrai travail de fond à faire sur nos jeunes", a affirmé mardi 19 février sur franceinfo Harold Avraham Weill, le grand rabbin du Bas-Rhin, après la profanation du cimetière juif de Quatzenheim (Bas-Rhin) dans la nuit de lundi à mardi. Le religieux souhaite que les scolaires puissent se rendre sur les lieux de mémoire "pour qu'ils puissent prendre conscience de ce qu'est notre histoire et espérer qu'en grandissant, ils ne s'adonnent pas à ce genre d'actes aussi odieux". Pour Harold Avraham Weill, la profanation de la nuit dernière n'est pas "un acte isolé". 

franceinfo : Le président de la République a parlé de "bêtise" à propos de la profanation du cimetière juif alsacien. "C'est notre échec, et au-delà de l'émotion, la lutte doit durer", a affirmé Emmanuel Macron. C'est ce que vous vouliez entendre ?

Harold Avraham Weill : C'est ce que nous voulions entendre. Au-delà de la bêtise, il y a quelque chose de particulièrement dangereux qui est en train de se mettre en place. On n'est plus dans l'acte isolé. Il y a là répétition d'actes antisémites. On en est déjà à plusieurs cimetières profanés dans notre région d'Alsace. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose de beaucoup plus pernicieux qui est en train de se mettre en marche. C'est contre cela qu'il va falloir lutter dans les prochaines semaines. Pour la première fois, j'ai ce sentiment, pas de peur, il s'agit d'inquiétude quant à notre capacité à réagir par rapport à un mouvement extrêmement dangereux qui s'est mis en marche.

Emmanuel Macron promet des actes forts. Qu'attendez-vous ?

C'est toute la difficulté. J'ai du mal à imaginer de quoi il s'agit. Nous entendons de nombreuses réactions depuis plusieurs années. Ces réactions se sont multipliées ces dernières semaines. Je ne peux que saluer l'appel qui a été lancé ce soir. Mais au-delà de ces grandes déclarations, de ces grands rassemblements, il faut engager un véritable travail de fond. Il y a trois axes sur lesquels nous nous devons de réagir très rapidement : l'axe éducatif – il y a un vrai travail de fond à faire sur nos jeunes – essayer de comprendre ce silence qui s'est installé d'une manière beaucoup trop pesante ces dernières années autour de l'antisémitisme et bien sûr, le problème de la répression. Avec une répression forte, on arrivera sans doute à effrayer certains et à les dissuader de continuer à s'attaquer de manière aussi lâche à nos cimetières, à nos écoles, tout simplement à nos coreligionnaires. Il faut punir plus fortement ces actes-là mais pas seulement. Sur les trois axes, je pense que l'acte éducatif est primordial. Au camp de Struthof, à quelques kilomètres de Strasbourg, je me réjouissais d'apprendre que sur près de 200 000 visiteurs, plus de la moitié sont des scolaires. Il faut accentuer ces visites. Il faut absolument que nos jeunes puissent se rendre sur ces lieux de mémoire pour qu'ils puissent prendre conscience de ce qu'est notre histoire et espérer qu'en grandissant, ils ne s'adonnent pas à ce genre d'actes aussi odieux.

Est-ce qu'il y a un échec de transmission et le risque que l'histoire s'efface ?

C'est le risque. Plus les années passent, plus les témoins de cette mémoire disparaissent les uns après les autres. Forcément, il y a ce risque que cette mémoire s'efface. Pour cela, on doit multiplier ces visites. On a la chance d'avoir des gens extrêmement bien formés. Ce sont des témoins indirects, mais qui ont pu côtoyer des témoins directs de la Seconde Guerre mondiale. Il faut absolument que le gouvernement mette les moyens pour pouvoir financer un maximum de voyages. Lorsque j'apprends que l'enseignement de la Shoah dans les écoles devient un sujet tabou, qu'on le supprime dans certaines classes, cela me hérisse le poil. Je pense qu'il y a un véritable travail de fond à faire sur ce sujet.

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