Caster Semenya, la sportive qui doit se battre pour concourir avec les autres femmes

Publié le Mercredi 20 Février 2019
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Caster Semenya
Caster Semenya
L'athlète sud-africaine Caster Semenya se bat cette semaine devant le Tribunal arbitral du sport pour pouvoir concourir dans la catégorie féminine. En cause, un taux trop élevé de testosterone.
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Les femmes produisent de la testostérone naturellement. Cette hormone, extrêmement proche des oestrogènes, est associée à tort à la seule virilité, pas aux femmes.


Saviez-vous par exemple que les femmes ont aussi de la testostérone ? Ou qu'un homme qui prendra trop de testostérone pour faire grossir ses muscles aura des seins qui pousseront parce qu'en grande quantité, cette hormones se transforme en oestrogène ?


La championne du 800 mètres Caster Semenya est une Sud-africaine qui aura dû passer sa vie d'athlète à se justifier du fait d'être une femme. En cause, son taux de testostérone est trois fois supérieur à la moyenne des autres femmes.


À 28 ans, celle à qui on reproche un corps trop masculin, est double médaille d'or olympique du 800 mètres. En 2009, après ses premières victoires, on lui a imposé un "test de féminité" et elle s'est vue interdite de compétition pendant onze mois.


Alors depuis 2017, l'Association internationale des fédérations d'athlétisme (IAAF) oblige les femmes dans le même cas que Caster Semenya, "hyperandrogènes", à prendre des médicaments pour faire baisser ce taux de testostérone pour les courses de moyenne distance, du 400 mètres au mile (1,609km). Les capacités que procurent l'hyperandrogynie seraient en effet les plus visibles, selon les expertises de l'IAAF, sur ces distances.


Pour contester cette décision, Caster Semanya est cette semaine devant le Tribunal arbitral du Sport à Lausanne, en Suisse, où elle est arrivée lundi (18 février) avec ses avocats.


L'IAAF voudrait la classer comme "mâle biologique" alors que son corps de femme produit plus de testostérone que la normale. Sont aussi pointées du doigt la Burundaise Francine Niyonsaba et la Kenyanne Margaret Wambui qui avait partagé le podium avec Caster Semenya en 2016 aux Jeux olympiques de Rio.

Dans un communiqué publié le 13 février, l'IAAF déclare ne pas classer les athlètes ayant des troubles du développement sexuel (TDS) "dans la catégorie masculine".

"Nous acceptons leur sexe légal sans poser de questions et leur permettons de concourir dans la catégorie féminine. Cependant, si un athlète TDS a des testicules et des niveaux masculins de testostérone, il obtient la même augmentation de la taille et de la force des os et des muscles et la même augmentation de l'hémoglobine qu'un homme quand il passe la puberté, ce qui donne aux hommes un tel avantage sur les femmes [...] Pour préserver une compétition équitable dans la catégorie féminine, il est nécessaire d'exiger que les athlètes TDS réduisent leur taux de testostérone à un niveau féminin avant de participer à des compétitions internationales."

"Son don génétique devrait être célébré, pas discriminé"

Durant toute cette semaine, les expert·es des deux camps vont se livrer bataille. Pour les avocat·es de Caster Semenya cités par le Times , ce règlement "tente de manière erronée et douloureuse de régir les caractéristiques sexuelles des athlètes femmes".


Jim Bunting, l'avocat de Semenya, explique : "Mme Semenya est incontestablement une femme, une héroïne et une source d'inspiration pour tant de personnes dans le monde. Elle attend avec impatience de répondre à l'IAAF lors de la prochaine audience du TAS, y compris d'établir pourquoi ces règlements sont discriminatoires, injustes, profondément nuisibles et inutiles."

De son côté, Caster Semenya ne s'est pas exprimée depuis le début de ces auditions. Dans des propos repris par le Times et datant de l'année dernière, elle expliquait : "Je suis très contrariée d'avoir été poussée à nouveau sous les feux de la rampe. Je n'aime pas parler de cette nouvelle règle. Je veux juste courir naturellement, comme je suis née. Ce n'est pas juste qu'on me dise que je dois changer. Ce n'est pas juste que les gens remettent en question qui je suis. Je suis Mokgadi Caster Semenya. Je suis une femme et je suis rapide."

Pour ses avocat·es, Caster Semenya n'a qu'un souhait : "Qu'on la respecte et qu'on la traite comme n'importe quel autre athlète : son don génétique devrait être célébré, pas discriminé."


Ouest-France réexplique que certaines athlètes se sentent incapables de concourir face à des athlètes comme Caster Semenya. Mais la sauteuse à la perche Ekaterini Stefanidi a tout de même pris sa défense : "Je me sens mal vis-à-vis de Semenya. Ils veulent créer de l'égalité mais où met-on le curseur ? Je suis l'une des plus petites femmes sur la piste, est-ce que ça veut dire qu'on va couper les jambes des plus grandes parce qu'il y a une corrélation entre la taille et les performances à la perche ?"


La décision du Tribunal arbitral du Sport sera rendue en mars.