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High-tech

Où en est l'hyperloop ? Le point sur les technologies-clés de ce train du futur

Souvent considéré comme la création d'Elon Musk, l'hyperloop est en fait développé par des sociétés n'ayant aucun rapport avec lui. De quoi entrevoir plusieurs solutions technologiques pour permettre son application industrielle.

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Illustration de l'hyperloop conçu par Transpod.

Ne l'appelez plus hyperloop au singulier ! Les différentes solutions commerciales envisagées pour ce train du futur diffèrent en effet sur plusieurs points techniques.

Transpod

Il est présenté comme le train du futur. L'hyperloop, train propulsé à très haute vitesse dans un tube sous vide, a été remis au goût du jour en 2013, par l'entrepreneur sud-africain Elon Musk. Une idée issue du répertoire de la science-fiction...  au départ signée par Jules Verne en 1889 ! L'écrivain décrit dans un texte de fiction un moyen de transport nouveau : des tubes pneumatiques dans lesquels l'on peut se déplacer à 1500 km/h au travers des océans. D'un rêve avant-gardiste, l'hyperloop s'est mué en défi technique et industriel. Fonctionnera, fonctionnera pas à l'horizon 2020 ? État des lieux des technologies et rappel des protagonistes en lice.

Un principe remis au goût du jour par Elon Musk

Plutôt que de développer avec ses propres équipes la technologie hyperloop, Elon Musk s'est contenté de poser des bases... et de laisser faire. Six ans plus tard, en 2019, on constate l'émergence d'un véritable écosystème : plusieurs sociétés sont concurrentes dans la course à l'hyperloop, chacune avec sa propre vision technologique de ce "transport à grande vitesse sous vide" (THV), ainsi que l'appelle le mathématicien et député de l'Essonne Cédric Villani dans sa note rédigée en 2018 pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT). Quant à Musk, même s'il ne travaille pas directement sur l'hyperloop, il creuse toutefois des tunnels qui pourraient un jour en accueillir via sa société The Boring Company. Et espère utiliser des éléments de la technologie de circulation dans des tubes vidés de leur air pour la colonisation de Mars, avec son autre firme SpaceX... 

ÉCOSYSTÈME. De la R&D aux premiers passagers, la route est encore longue. Les premières lignes commerciales sont toutefois attendues pour 2020, avec notamment l'Inde et les Émirats arabes unis dans la course. Mais sur le terrain des expérimentations, la France est à l'honneur : la société Hyperloop Transport Technologies (HTT) créée en 2013 par l'Allemand Dirk Ahlborn a investi l'ancienne base militaire de Toulouse-Francazal, tandis que la canadienne Transpod, fondée en 2015, mène ses essais à Droux, dans le Limousin. D'autres expériences sont également conduites aux États-Unis par Virgin Hyperloop one (créée en 2014). Sans parler des start-up universitaires issues du concours Hyperloop Pod Competition régulièrement organisé par SpaceX... Comme on peut le constater, il n'existe donc non pas un hyperloop, mais des hyperloops.

 

La promesse : ultra-rapide, à la demande et plus écologique

Le point commun de ces projets ? Tous dérivent du livre blanc publié en 2013 par Elon Musk, et cherchent à concrétiser la même promesse  : celle d'un moyen de transport ultra-rapide, capable de s'affranchir des frottements de l'air en circulant dans un tube dépressurisé soit creusé en sous-terrain, soit perché sur des pylônes en hauteur afin de limiter le risque sismique. Comme les coûts d'infrastructure dépassent largement ceux des capsules unitaires, l'idée est aussi celle d'un transport à la demande : c'est "la vitesse d'un avion, avec la fréquence d'un métro", se réjouissait en 2018 le Français Sébastien Gendron, co-fondateur de Transpod. 

ÉCOLOGIQUE ? Même l'OPESCT le reconnaît : si l'hyperloop transforme l'essai, il présenterait plusieurs avantages écologiques. Il présente un "très faible niveau sonore", et "décongestionnerait les routes". Son fonctionnement à très basse pression, en limitant les frottements de l'air, économise du carburant : "70% de la consommation d'énergie d'un train à grande vitesse son dus aux frictions de l'air et des roues", rappelle dans son rapport Cédric Villani.  De plus, "le THV étant alimenté électriquement, il n'émet pas de CO2 en exploitation", rappelle l'office parlementaire, un bon point par rapport aux gaz de combustion polluants produits par le secteur aéronautique.

Elon Musk allait jusqu'à présenter le projet comme écologique, arguant qu'il pouvait être alimenté en électricité grâce à des panneaux solaires le long des tubes. L'argument écologique d'un système "à 100% non carboné" (site de l'Hyperloop One) doit toutefois être nuancé : l'énergie solaire est intermittente, or la capsule doit arriver à destination même en cas de couverture nuageuse. L'électricité utilisée peut tout autant provenir de sources renouvelables que de centrales nucléaires ou à énergies fossiles.  

Plusieurs variantes technologiques 

Cette même promesse est toutefois déclinée différemment selon les sociétés. S'il est difficile de connaître le détail des technologies développées pour des raisons de propriété intellectuelle, on peut recenser les points-clés de l'hyperloop. Et identifier quelques différences dans les choix technologiques réalisés par les principaux compétiteurs.

  • Sustentation magnétique ou coussin d'air ?

Il ne s'agit pas seulement de s'affranchir des frottements de l'air : il faut aussi éliminer la friction des roues ! Pour cela, le projet initial d'Elon Musk envisageait de faire flotter l'hyperloop sur un mince coussin d'air pressurisé, une idée déjà exploitée pour l'aérotrain, innovation française de 1969 qui s'est soldé par un échec commercial. Une technologie qui, pour l'hyperloop, pose des soucis de faisabilité : "D'infimes irrégularités sur la surface du rail, de l'ordre du centième de millimètre, suffisent à déstabiliser la capsule, ce qui pose le risque d'un accident", écrivait en 2017 Ryan Janzen, directeur technique de Transpod

C'est pour ces raisons que la plupart des sociétés ont choisi la lévitation magnétique. Par exemple en adaptant des technologies déjà utilisées pour le Maglev japonais (train à très haute vitesse capable de dépasser les 600 km/h !), à base d'aimants supraconducteurs déposés sur les voies et alimentés en énergie, sur lesquels lévite la capsule munie de bobines supraconductrices. C'est le cas de l'Hyperloop One. À l'inverse, HTT a fait le choix d'une sustentation magnétique dite passive, où ce sont les bobines, non alimentées, qui sont positionnées sur les voies, les aimants permanents étant positionnés dans la capsule. 

  • Comment assurer la propulsion et l'aérodynamisme ?

Les différents hyperloops ont choisi d'utiliser des moteurs linéaires à induction, qui génèrent un champ magnétique entraînant le déplacement de la capsule. Des infrastructures doivent être installées sur les voies à intervalles réguliers. Hyperloop One précise sur son site web que les stators (parties fixes du moteur) sont disposées le long des voies, tandis que le rotor (partie mobile d'un moteur) est installé sur la capsule. Autant de dispositifs gourmands en électricité ! Afin d'améliorer le rendement de l'hyperloop, on envisage aussi de récupérer l'énergie de freinage. 

L'avant de la capsule est généralement muni d'un compresseur axial, chargé d'aspirer le surplus d'air qui s'accumule en amont, et de le rejeter à l'arrière de la cabine. Son intérêt n'est pas directement lié à la propulsion, mais plutôt à l'aérodynamisme : sans cela, se produit une surpression à l'avant du train qui augmente les forces de frottements, et donc les contraintes mécaniques sur la capsule et le tube. La géométrie des capsules est également optimisée pour limiter les frictions.

  • Comment s'assurer de l'étanchéité du tube sous vide ?

C'est la pierre angulaire de la technologie : la capsule doit circuler dans un tube où règne une pression de quelques millibars (alors que la pression normale sur terre est d'environ 1 bar), afin de s'affranchir des frottements de l'air. Mais encore faut-il que ce tube soit parfaitement étanche ! Ce qui impose des normes de qualité draconiennes pour la construction, pour des raisons de résistance des matériaux (et surtout des joints de dilatation qui relieront deux tronçons de tube) face à l'usure, aux tassements de terrain, voire au risque sismique...  

VITESSE. Elon Musk envisageait au départ que l'hyperloop puisse atteindre la vitesse du son (mach 1), ce qui aurait mis les matériaux du tube à rude épreuve à cause de l'onde de choc provoquée. En 2015, des travaux de simulation numérique de l'écoulement des fluides de la NASA ont permis d'établir qu'il fallait construire des tubes plus larges, et réduire la vitesse à mach 0,85 maximum (soit tout de même plus de 1000 km/h, ce qui est à peine plus élevé que la vitesse d'un avion commercial en vitesse de croisière). L'hyperloop sera donc subsonique. C'est aussi l'occasion de limiter l'accélération à laquelle seront soumis les passagers.

  • La question de la sécurité

Reste la question de la sécurité : comment procéder à l'évacuation des passagers en cas d'accidents ? Pour cela, les acteurs de l'hyperloop s'inspirent de l'exemple aéronautique. Il leur faut envisager "des dispositifs de sécurité hérités de l'aviation [...] avec des scénarios d'urgence en cas de repressurisation rapide du tube (sas, évacuation des passagers)", écrit encore Cédric Villani dans le rapport de l'OPESCT. Un impératif pris au sérieux : Transpod, par exemple, prévoit dans une analyse de coûts de 2017 d'installer 4 sorties de secours tous les 1,2 km, munies de rampes d'évacuation.

Le coût économique de l'hyperloop revu à la hausse

Dans son livre blanc, Elon Musk estimait le coût d'un billet simple en hyperloop entre San Francisco et Los Angeles à 20 dollars. Un tarif sous-estimé : Transpod, par exemple, annonce aujourd'hui un ticket à environ 80 dollars pour un trajet de 45 minutes. Quant à l'OPESCT, il prédit que "le prix du billet resterait inférieur ou égal à celui d'une ligne de train à haute vitesse". Pour un coût d'infrastructure représentant tout de même "60 à 100% celui d'une ligne à grande vitesse", soit "20 millions d'euros le kilomètre". Et ce pour une capacité moindre : 4800 passagers par heure, contre 12.000 passagers par heure pour le TGV. Mais en réalisant un changement de modèle radical : pas besoin de réservations, une rame peut partir à la demande, dès qu'elle est pleine.

PRUDENCE. Pour autant, le train et l'aérien gardent, selon l'OPESCT, leur légitimité. L'hyperloop ne saurait les remplacer, notamment "pour les trajets nécessitant de traverser la mer", et pour l'accès direct aux villes permis par le rail. "L’hypothèse d’une réussite de cette technologie ne peut pas être exclue à cette date, même s’il serait prudent d’attendre le bilan des premières réalisations, annoncées au début des années 2020. À ce stade, cette technologie prometteuse doit encore faire ses preuves", rappelle l'office parlementaire. Rendez-vous dans un an.

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