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François Ruffin chronique sa haine et son « rejet viscéral » d’Emmanuel Macron

Dans un livre pamphlet intitulé « Ce pays que tu ne connais pas », le député de La France insoumise se pose en adversaire numéro un du chef de l’Etat.

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Publié le 22 février 2019 à 11h23, modifié le 23 février 2019 à 06h02

Temps de Lecture 3 min.

Le réalisateur et député La France Insoumise (LFI), Francois Ruffin lors de la première de son film « J’veux du soleil », à Grenoble, le 15 février.

C’est un livre qui raconte une haine. Une haine pas ordinaire mais politique, et aussi personnelle. Celle de François Ruffin envers Emmanuel Macron, le président de la République. Dans un pamphlet intitulé Ce pays que tu ne connais pas (Les Arènes, 208 pages, 15 euros), le député (La France insoumise) de la Somme s’adresse directement au chef de l’Etat pour lui faire part de tous ses reproches. Et ils sont nombreux.

Le point de départ du « député reporter » pouvait paraître séduisant : à quelques années d’écart, les deux politiques quadragénaires ont fréquenté le même établissement privé d’Amiens. Les deux hommes ont pris des chemins différents et s’affrontent aujourd’hui durement. Un scénario à la Amicalement vôtre qui pouvait donner lieu à un jeu de ping-pong, arguments contre arguments, vision politique contre vision politique. Malheureusement, François Ruffin tombe dans le piège de toute construction duale : le manichéisme.

Emmanuel Macron incarne donc le mal, et lui, le bien. M. Macron et ses amis sont des capitalistes sans foi ni loi ; M. Ruffin, lui, est le porte-voix des sans voix, des pauvres, des chômeurs, de ceux qui souffrent.

Le député et journaliste met ainsi en parallèle les histoires des gens qu’il rencontre à travers ses reportages (des témoignages souvent touchants sur les victimes de la crise économique) et le parcours de M. Macron, les lieux qu’il fréquente avec ses amis « de l’oligarchie ».

Il revient ainsi longuement sur le passage d’Emmanuel Macron à la banque Rothschild. « C’est vrai : à ce seul nom de “Rothschild”, sans chipoter, je vous avais classé “salopard de banquier ultralibéral”, comme vous ironisez vous-même », reconnaît l’auteur. Il précise : « Autant prévenir d’emblée vos sous-entendus : la synagogue, l’église ou le temple, je m’en fiche bien. Les protestants de JPMorgan, dans votre CV, m’auraient fait le même effet. Banquier, banquier d’affaires, ça me suffisait. »

« Vous posez avec vos mines pour catalogue des 3 Suisses »

A la vérité, ce ne sont pas ces aspects-là qui sont dérangeants, mais les pages entières consacrées à décrire « le rejet physique, viscéral » de M. Macron, un « atlantiste, mondialiste, libre-échangiste ». Aucune once de politique dans ces passages : « Votre tête ne me revient pas » ; « Partout, vous posiez avec vos mines pour catalogue des 3 Suisses : les traits réguliers, le nez droit, la peau lisse, la mâchoire carrée » ; « C’est physique. C’est viscéral. C’est très mal. Je ne m’en vante pas (…), mais ce rejet nous sommes des milliers à l’éprouver. »

Tout au long de son livre, M. Ruffin, qui a refusé de répondre aux sollicitations du Monde, décrit un président Tartuffe doublé d’un Rastignac, ce qui fait beaucoup. Un financier, un banquier, sans talent, arriviste, ambitieux, ne pensant qu’à ses profits et à ses amis.

Pourtant, çà et là, le journaliste arrive à toucher juste, voire à émouvoir. Par exemple quand il parle de ses souffrances, de ses moments de doute et de dépression, et de « l’envie d’en finir » qui peut le prendre à la gorge.

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En installant un face à face avec le chef de l’Etat, François Ruffin se place évidemment dans la perspective de la présidentielle de 2022 en incarnant l’anti-Macron, une sorte d’antidote à un poison. Le député s’en défend, même s’il avoue rêver d’un « président reporter ».

Provocation en duel

« Président, c’est une malédiction. Je ne vous veux plus comme président, c’est évident. Mais je ne veux plus de président tout court, plus de président-soleil, astre autour duquel la vie tourne, avec sa cour et ses députés-toutous », écrit-il. Avant d’ajouter : « Cette élection pervertit tout, et je le sens jusqu’en moi-même : ça vous effleure, ça grossit en vous comme une tumeur, ce “pourquoi pas moi ?” (…). Il faut y résister, alors, à la présidentielle, sans quoi on glisse dedans comme sur un toboggan, saisi par un tourbillon. Etre fidèle à soi-même, s’inventer un rôle personnel, “feu follet de la République”, ranimant la flamme du peuple. »

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Avec ce livre, François Ruffin (qui a également réalisé avec Gilles Perret Je veux du soleil, un film consacré aux « gilets jaunes », qui sortira en salles le 3 avril) continue aussi sa route solitaire, de plus en plus éloigné de La France insoumise et de Jean-Luc Mélenchon. Et se posant, de fait, en rival du député des Bouches-du-Rhône.

« “Electron libre”, cette épithète me paraît juste. J’appartiens à un groupe parlementaire, mais, il faut l’avouer, je suis à la fois ici et ailleurs, je fais un peu bande à part, avoue ainsi M. Ruffin. Je plaisantais avec Jean-Luc Mélenchon : “Déjà, dans un couple, j’ai l’impression qu’il y en a un de trop. Alors imagine dans un groupe !” »

Finalement, Ce pays que tu ne connais pas, plus qu’un pamphlet, est une provocation en duel faite par M. Ruffin au président de la République. L’épilogue pourrait avoir lieu en 2022.

« Ce pays que tu ne connais pas », de François Ruffin, Les Arènes, 208 pages, 15 €.

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