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Société

Paris: les rondes à l'honneur avant la Fashion week

La mairie de Paris

La mairie de Paris - JOEL SAGET / AFP

Les façades de la Caserne Napoléon, à deux pas de l'Hôtel de ville sont couvertes jusqu'au 9 mars de photos de femmes rondes prises lors d'un défilé organisé dans les salons de la mairie en décembre 2017.

"Tout le monde a le droit à la mode", lance Gerrie, professeure d'espagnol et mannequin ronde qui dévoile ses mensurations sur sa carte de visite. Sa photo est affichée sur une façade de la mairie de Paris, en campagne contre "la grossophobie" avant la Fashion week.

La ville de Paris met à l'honneur les femmes plantureuses le temps d'une exposition en plein air pour "interpeller" les Parisiens et les invités de la semaine du prêt-à-porter femme qui ouvre lundi pour dix jours. 

Une exposition en plein air

Les façades de la Caserne Napoléon, à deux pas de l'Hôtel de ville sont couvertes jusqu'au 9 mars de photos de femmes rondes prises lors d'un défilé organisé dans les salons de la mairie en décembre 2017, accompagnées de messages de chaque mannequin racontant l'influence positive de ce défilé.

"J'en suis sortie renforcée dans ma lutte contre les discriminations", peut-on lire à côté de la photo de Gerrie Palacios Bideau, en robe et escarpins noirs sur le podium. "Je suis grosse, je suis grande, je suis noire (...) J'ai assez souvent senti la discrimination dans ma vie", raconte cette femme de 36 ans, dégoûtée des "conseils" donnés par certains médecins et des gens de son entourage. "Tu devrais faire du sport : j'ai 15 ans de sport de combat derrière moi, je suis judoka ceinture marron... Tu devrais manger moins : c'est souvent quand je mange moins que je stocke le plus...".

"Nous ne sommes pas là pour faire l'apologie de notre pathologie, mais même en étant obèse, on a besoin de sortir de chez soi, de s'habiller, de s'insérer socialement", poursuit-elle.

L'exposition est organisée par Hélène Bidard, maire-adjointe chargée de l'égalité femmes/hommes et de la lutte contre les discriminations avec pour directeur artistique Vincent Mc Doom, star de la téléréalité et mannequin noir transgenre. "Ma grand-mère, mes soeurs étaient toutes rondes et se plaignaient tout le temps qu'elles ne pouvaient pas s'habiller, faire ci, faire ça, parce que le regard public les dérangeait, elles se renfermaient sur elles-mêmes et à ce moment là elles prenaient du poids", raconte Vincent Mc Doom, en robe rose, perché sur les talons aiguilles de ses escarpins dorés. 

Lagerfeld n'aimait pas les rondes

Mince, il a choisi la "grossophobie" comme thème de la lutte contre les discriminations, jugeant que les transgenres et les homosexuels étaient déjà bien représentés. Sur les podiums, on voit toutes les couleurs de peau, l'âge cesse d'être un tabou, mais il est extrêmement rare de voir des mannequins rondes, encore moins à Paris qu'à New York ou à Londres.

Connu pour son franc-parler, Karl Lagerfeld, la superstar planétaire de la haute couture décédé cette semaine, a résumé tout haut ce que d'autres stylistes des grandes maisons laissent entendre quand on les interroge sur le choix des modèles : "Personne n'a envie de voir des femmes rondes sur les podiums".

"Ce sont les grosses bonnes femmes assises avec leur paquet de chips devant la télévision qui disent que les mannequins minces sont hideux", ajoutait-il méchamment dans une interview au magazine allemand Focus en 2009, propos qui avaient suscité une plainte d'une association de défense des personnes rondes.

"La mode en retard"

Les choses changent grâce à nombreuses "influenceuses" rondes populaires sur les réseaux sociaux, estime Vincent Mc Doom. "Maintenant c'est la mode qui est en retard". Pour Hélène Bidard à l'origine d'une initiative pour faire valider le mot "grossophobie" par les dictionnaires Larousse et Robert (ce qu'elle a obtenu), le milieu de la mode "est en train de bouger, il y a un effet #Metoo dans tous les domaines". "Mais c'est trop lent et on part de très loin, c'est encore très dur d'avoir une diversité", déclare-t-elle. 

Accusée par de nombreux détracteurs de promouvoir l'obésité, elle répond : "nous faisons exactement le contraire. Lutter contre l'obésité ce n'est pas lutter contre les obèses, personne ne choisit de l'être, il faut accompagner ces personnes-là"

Cyrielle Cabot avec AFP