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Antalgiques : les chiffres inquiétants de l’addiction aux opiacés en France

EN GRAPHIQUES - Un état des lieux de la consommation des dix dernières années a été rendu public, alors qu’une épidémie d’overdoses d’opioïdes frappe les Etats-Unis.

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Publié le 22 février 2019 à 19h03, modifié le 22 février 2019 à 19h03

Temps de Lecture 3 min.

Dans un état des lieux publié mercredi 20 février, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) met en garde contre les risques de dépendance résultant d’une surconsommation des médicaments antidouleur contenant des opiacés ou des dérivés, qualifiée de « préoccupation majeure des autorités de santé ».

Le nombre d’hospitalisations liées à la consommation de ce type de médicaments a ainsi presque triplé (avec une hausse de 167 %) entre 2000 et 2017, tandis que le nombre de décès a augmenté de 146 % entre 2000 et 2015. D’après les données de l’Assurance-maladie, près de dix millions de Français ont eu une prescription de ce type d’antalgiques en 2015.

Avec un total estimé entre deux cents et huit cents décès chaque année (le haut de la fourchette inclut une consommation illégale de médicaments opiacés), les opioïdes constituent la première cause de morts par overdose en France. Par comparaison, l’héroïne a tué quatre-vingt-dix personnes en 2016, la méthadone cent quarante. Premiers responsables de cette mortalité : le tramadol, la morphine et la codéine.

« L’héroïne de M. et Mme Tout-le-Monde »

Pour mieux comprendre, il faut savoir que les antalgiques sont classés par paliers :

  • le palier 1 : les non-opiacés, comme le paracétamol et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (aspirine, ibuprofène…), de très loin les plus utilisés (environ 80 % de la consommation totale) ;
  • le palier 2 : les opiacés faibles, dérivés « allégés » de l’opium et de la morphine, comme la codéine (Codoliprane) ou le tramadol (Ixprim, Zaldiar, Contramal…) ;
  • le palier 3 : les opiacés forts, la morphine et ses dérivés (Skenan, Fentanyl, OxyContin…).

Le tramadol, premier opiacé consommé en France en 2017

Entre 2006 et 2017, la prescription d’opioïdes forts a augmenté d’environ 150 %. L’oxycodone est l’antalgique opioïde qui marque l’augmentation la plus importante.
Source : ANSM

Tout en haut du tableau des coupables, le tramadol, qui est venu prendre la place du Di-Antalvic. Grand succès des laboratoires Aventis-Sanofi, ce dernier et ses génériques ont été retirés de la vente en 2011, en raison d’un nombre élevé de décès par intoxication volontaire (suicide) ou accidentelle. La consommation du tramadol seul ou en association a fortement augmenté (68 % entre 2006 et 2017), exclusivement en ville, précise l’ANSM (par opposition à l’hôpital).

Suivent la codéine et la poudre d’opium, puis la morphine. Cette dernière est l’antalgique opioïde fort le plus impliqué dans les décès directs depuis plusieurs années, un fait qui peut s’expliquer par l’importance de son usage détourné par les consommateurs de drogues, selon l’agence sanitaire, qui dit aussi surveiller l’augmentation rapide des décès liés à l’abus d’oxycodone.

Mais cette mortalité n’est pas seulement liée aux consommateurs habituels de drogues : dès la fin 2013, Jean-Pierre Couteron, alors président de la Fédération addiction, et Pierre Chappard, président de l’association PsychoActif, alertaient ainsi sur la codéine et le tramadol comme « l’héroïne de M. et Mme Tout-le-Monde » dans leur blog Psychoactif. Des pratiques qui « concernaient plutôt des personnes socialement insérées », insistaient-ils.

Selon l’ANSM, les consommateurs d’antalgiques sont majoritairement des femmes, que ce soit pour les opioïdes faibles ou forts (respectivement 57,7 % et 60,5 % en 2015), consultant pour une affection de longue durée (ALD) impliquant une douleur aiguë. Les prescripteurs sont à près de 90 % des médecins généralistes.

Risque de dépendance et « doctor shopping »

Tout en reconnaissant l’intérêt des opioïdes dans la prise en charge de la douleur, notamment des cancers, l’ANSM souligne le risque de dépendance, qui se manifeste par des comportements de « doctor shopping » (nomadisme médical et pharmaceutique), comportements associés à un risque de décès beaucoup plus élevé pour ses pratiquants.

Certes, en raison d’un accès contrôlé à ces médicaments, la France n’est pas encore au niveau des Etats-Unis, où l’on compte plus d’une centaine de morts par jour, soit plus que par armes à feu et accidents de la route combinés. La France est même plutôt « raisonnable », si on la compare à ses voisins européens.

La France au 3e rang de la consommation des opioïdes faibles

Concernant les antalgiques opioïdes forts, la France et l’Italie sont les pays dans lesquels ces médicaments sont le moins consommés.
Source : ANSM

Les modalités de prescription et de délivrance des opioïdes varient d’un pays à l’autre (il faut être spécialiste en Italie ou inscrit sur un registre en Allemagne) ; mais aussi la durée maximale de prescription de quelques jours à une durée non restreinte. Le Royaume-Uni, particulièrement concerné par la question de la surconsommation, est confronté depuis quelques mois à un scandale d’Etat : plusieurs centaines de patients d’un hôpital du pays seraient morts dans les années 1990 d’une overdose d’opioïdes.

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