Médecin-chef de la police soupçonné d’agressions sexuelles : «Il a essayé de me faire passer pour folle»

Un médecin-chef de la police, basé à Metz (Moselle), a été suspendu, suspecté d’au moins neuf agressions sexuelles. Le témoignage d’Eva*, policière d’un commissariat de l’Est de la France, qui vient de déposer plainte contre X pour harcèlement moral.

 Eva se demande si le docteur F. ne l’a pas filmée ou photographiée lors d’examens médicaux.
Eva se demande si le docteur F. ne l’a pas filmée ou photographiée lors d’examens médicaux. LP/Carol Amar

    Elle était une fonctionnaire de police prometteuse, et toujours bien notée. Elle est aujourd'hui une jeune femme à la carrière brisée. Pour Eva*, sa disgrâce a débuté au printemps 2017, lorsque sa hiérarchie voit d'un mauvais œil ses demandes de détachement pour encadrer, l'été, des jeunes en difficulté. Dans la foulée, Eva est victime d'une grave hernie discale, qui l'oblige à interrompre sa grossesse.

    C'est là que cette policière affectée à un commissariat de l'Est de la France va croiser la route du docteur Christian F., 63 ans; Ce médecin chargé des examens médicaux obligatoires pour ceux qui veulent devenir policiers dans le Grand Est, ou qui veulent reprendre leur travail après un arrêt de plus de quinze jours, est suspecté d'au moins neuf agressions sexuelles.

    Déclarée apte, elle devra être réopérée

    En août 2017, alors qu'elle souhaite reprendre le travail, celui-ci la convoque à Metz. « Il m'a demandé d'enlever mon soutien-gorge, puis a pris un appel en ligne », se remémore-t-elle. Nageuse de haut niveau, habituée à évoluer en maillot, elle subit l'examen, non sans le trouver « curieux. » Les remarques du praticien le sont tout autant. Lui se rappelle l'avoir ausculté dix ans auparavant, lui fait remarquer qu'avant, elle ne faisait « pas ce poids ». Avec le recul, Eva se demande si le docteur F. ne l'a pas filmée ou photographiée.

    En tout état de cause, elle est arrêtée, contre son gré. En octobre, alors qu'elle a cette fois été opérée de sa hernie, Eva est reconvoquée. « Là, il était très froid, presque agressif », raconte la policière. À nouveau, il lui demande « d'enlever le haut », sans toutefois jamais ausculter son dos. Une première fois, elle refuse, avant de s'exécuter.

    Comme à son habitude, le praticien interrompt l'examen pour passer un appel. À l'issue, elle est déclarée « apte », alors même qu'un médecin expert judiciaire, qu'elle a sollicité par ailleurs, juge son état « non compatible avec une reprise. » Quelques jours plus tard, elle ressent une violente douleur. Son dos est comme paralysé. La policière devra être réopérée…

    Plainte contre X pour harcèlement moral

    S'ensuit « un imbroglio médico-administratif interminable », comme l'écrit le généraliste d'Eva, qui déplore de la part du docteur F. des convocations médicales « non respectueuses de l'état de la patiente », ainsi qu'« une hiérarchie qui semble remettre en cause systématiquement le point de vue des médecins extérieurs à l'administration ». Dans la foulée, Christian F. ne désarme pas, et décrit Eva comme « paranoïaque envers les médecins de l'administration ».

    « Il a essayé de me faire passer pour folle », s'insurge celle-ci. Mais aucun des médecins de ville consultés n'accréditera la moindre pathologie psychiatrique. La policière vient de déposer plainte contre X pour harcèlement moral. Considérée actuellement comme en « service non fait », Eva est interdite d'accès à son commissariat, alors même qu'elle souhaite reprendre le travail. L'administration exige qu'elle rembourse son salaire de janvier.

    *Le prénom a été changé.