"Un film sur les règles a gagné un Oscar !"

Publié le Lundi 25 Février 2019
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Melissa Berton à gauche et Rayka Zehtabchi à droite récompensées aux Oscars 2019
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Melissa Berton à gauche et Rayka Zehtabchi à droite récompensées aux Oscars 2019
Le court-métrage primé aux Oscars 2019, "Period. End of Sentence", raconte le quotidien des femmes d'une ville rurale en Inde, et comment le tabou des règles, qui veut que les menstruations soient sales et honteuses, les affecte au quotidien.
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Dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 février, avait lieu la 91e cérémonie des Oscars, au Théâtre Dolby de Los Angeles. L'occasion de se faire une liste de films à voir absolument, et de découvrir comment l'Academy of Motion Pictures Art and Sciences a résolu son problème d'absence de présentateurs et de présentatrices officiel·les (Kevin Hart, prévu pour le rôle, s'était finalement retiré suite au scandale d'anciens tweets homophobes trouvés sur son compte).

Résultat le jour J : plusieurs petits sketchs et interventions d'acteurs et d'actrices qui n'auront malheureusement pas tiré la soirée de son ennui mortel, même si l'ambiance restait plus tolérable qu'avec Kad Merad aux César, deux jours auparavant.

Parmi les grands gagnants de la soirée, on retrouvait Olivia Colman pour The Favorite, Rami Malek pour Bohemian Rhapsody, et le film Green Book : Sur les routes du sud.

Mais une autre récompense nous est apparue comme une victoire de taille : celle de Period. End of Sentence (traduit "Les règles de notre liberté" en français, disponible sur Netflix), réalisé par l'Américano-iranienne Rayka Zehtabchi et produit par Melissa Berton, au titre de meilleur court-métrage documentaire.

L'histoire est celle de femmes d'un village rural à l'extérieur de Delhi qui mènent une révolution contre le tabou qui entoure la menstruation. Là-bas, elles devaient opérer la nuit pour confectionner leurs propres serviettes hygiéniques avec des morceaux de coton déjà utilisés (et non lavés) car elles étaient trop gênées de le faire pendant la journée, les règles étant considérées comme un secret sale et honteux dans leur communauté. Un risque hygiénique extrêmement important.

Pendant les 26 minutes du film, on découvre le quotidien de ces villageoises, à quel point le tabou est ancré dans la société (des jeunes hommes interrogés sur les règles évoquent même "une maladie dont les femmes souffrent") et comment elles vont apprendre à s'émanciper grâce à de nouvelles protections fabriquées grâce à une machine pratique et peu coûteuse.

Un film touchant et nécessaire.

Recevant son Oscar, la réalisatrice Rayka Zehtabchi a plaisanté en disant "Nous ne pleurons pas parce que nous avons nos règles, mais parce qu'un film sur les règles a gagné un Oscar !"

On ajoutera également que le prix est d'autant plus savoureux qu'il est attribué après que l'un des votants de l'Académie ait déclaré qu'il n'allait pas donner de voix à Period. End of sentence car : "C'est bien fait, mais il s'agit de femmes qui ont leurs règles, et je ne pense pas qu'un homme vote pour ce film parce que c'est 'dégoûtant' pour les hommes".

La vengeance est un plat qui se mange parfois brûlant...