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Tribune

Opinion | Le gouvernement ignore-t-il le rapport MIT sur le nucléaire ?

Un rapport du MIT montre que les scénarios fortement nucléarisés sont beaucoup plus efficaces que les autres. Le Gouvernemnt français n'en tient pas compte.

Par Hervé Nifenecker (président de l'Association des cafés des sciences du Pays Vizillois)

Publié le 12 févr. 2019 à 10:36

Fin septembre 2018, le célèbre MIT publiait un rapport intitulé "The future of nuclear energy in a Carbon constrained World" (le futur de l’énergie nucléaire dans un Monde sous contrainte Carbone).

Ce prestigieux organisme, qui a plusieurs fois dénoncé le manque de compétitivité du nucléaire, a établi une classification des systèmes électriques en fonction de leurs émissions de CO2 par kWh. Pour chaque classe d’émissions, il a recherché le mix énergétique économiquement optimum en prenant en compte toutes les technologies disponibles : fossiles avec capture et stockage du CO2, renouvelables, nucléaire et stockage de l’électricité.

Ce rapport est particulièrement détaillé pour la Nouvelle-Angleterre, une région dont les caractéristiques sont proches de celles de l’Europe de l’Ouest. Pour le coût d'investissement du nucléaire, le rapport distingue deux valeurs : un coût nominal basé sur celui d’installations actuellement en fonctionnement et un coût optimisé plus faible. Ces coûts sont respectivement de 5500 $/kWe et 4100 $/kWe (le kWe est la puissance électrique disponible).

Actuellement, pour le monde dans son ensemble, les émissions de CO2 se situent autour de 500 gCO2/kWh (Allemagne 490 gCO2/kWh) ce qui reflète une forte proportion de centrales à charbon ou lignite. Le coût moyen de l’électricité est d'environ 80 $ le MWh.

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Pour produire une électricité décarbonée, le rapport du MIT recourt essentiellement aux énergies renouvelables et nucléaires. Avec une puissance nucléaire représentant 60 % de la puissance de pointe demandée le coût de l’électricité atteindrait 110 $/MWh, alors que dans le cas de sortie du nucléaire ce coût dépasserait les 200 $/MWh.
Il est intéressant de remarquer que la puissance nucléaire française de 63 GWe représente près de 60 % de la demande de pointe qui est proche de 100 GWe (GWe = Mds de Watts electriques).

Puisque ce rapport du MIT était disponible peu avant que le compte rendu du débat sur la PPE soit rendu public, on est en droit de se demander pourquoi il n’a pas été pris en compte et, s'il l'avait été, si ses rédacteurs auraient maintenu l’objectif d’une réduction de 30 % de la puissance nucléaire. On peut d’autant plus s’interroger que ce compte-rendu ne justifie cette réduction de 30 % que par des arguments vagues du genre "il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier" !

Ce qui est certain c’est, comme nous l’avions expliqué dans notre article "Réduire la part du nucléaire coûtera très cher aux ménages français" publié sur le Cercle le 29 juin 2018, qu’on ne peut faire n’importe quoi si l’on a le souci de garder le prix de l’électricité à un niveau raisonnable. Rappelons que les Allemands payent leur électricité deux fois plus cher que les Français, ce qui conforte l'analyse du rapport MIT

Si on peut admettre l’absence de référence au rapport MIT dans le compte-rendu de la PPE, compte tenu de la proximité des dates de leur publication, il en va autrement du Contrat Stratégique de la Filière Nucléaire signé en grande pompe le 28 janvier. Ce contrat enterre, en effet, le projet de prototype de surrégénérateur ASTRID (voir notre article publié sur le Cercle le 17 octobre 2018) bien qu’au plan mondial, le développement nucléaire soit de plus en plus souvent considéré comme incontournable pour contenir les émissions de gaz carbonique et qu’à terme, il nécessitera obligatoirement le recours à la surrégénération.

Ce triste contrat stratégique signe également la fin des activités nucléaires du CEA (qui sera sans doute rebaptisé Commissariat aux Énergies Alternatives). Un enterrement de troisième classe pour ce qui fut une page glorieuse de la recherche française, initiée par Frédéric Joliot Curie à la demande du Général de Gaulle, un enterrement qui témoigne qu’une fois encore notre pays va capituler devant des postulats infondés, aussi déprimants que stériles, qui ne résistent pas un tant soit peu à une analyse rationnelle.

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