Clous, barbelés, pneus… la panse des vaches, une vraie poubelle

Chaque année, 60 000 gros bovins se retrouvent avec des morceaux de métal dans l’estomac. Une ONG réclame un plan pour assainir les prairies où elles paissent.

 Les principaux déchets ingérés par les bovins sont des canettes en aluminium, des résidus de pneus usagés ou encore des morceaux de fil de clôture barbelé.
Les principaux déchets ingérés par les bovins sont des canettes en aluminium, des résidus de pneus usagés ou encore des morceaux de fil de clôture barbelé. LP/ Arnaud Journois

    Elles ont toutes fière allure dans les allées du Salon de l'agriculture. Traitées comme des stars, bichonnées par leur propriétaire, il y a les normandes à la peau blanc tachetée de brun, les salers arborant une jolie couleur rouge bordeaux ou les charolaises à la robe blanc crème. Mais au-delà des apparences, mieux vaut ne pas aller fouiller ce que ces reines de beauté agricoles cachent à l'intérieur de leur panse. Car ce n'est parfois pas beau à voir.

    Fils de fer barbelés, clous, morceaux de ferraille, résidus de pneus, aiguilles cassées… Chaque année, des dizaines de milliers de bêtes ingurgitent, lorsqu'elles broutent l'herbe dans les champs, ce que les agriculteurs appellent des « corps étrangers ». D'après Interbev, l'interprofession du bétail et des viandes, pas moins de 60 000 gros bovins sont concernés et certains finissent par contracter la « maladie des déchets ».

    Outre des problèmes d'abcès, des risques de péritonite (NDLR : une infection du péritoine, qui peut provoquer la mort) et de péricardite (inflammation du péricarde, qui entoure le cœur), l'ingestion d'un morceau de métal pointu peut aussi percer la paroi abdominale. En cas d'affections sévères, les éleveurs constatent une baisse de la production laitière de l'animal, qui développe souvent de la fièvre, présente des signes d'abattement et a moins d'appétit.

    Des canettes avalées entières

    Certains paysans en viennent préventivement à adopter une stratégie pour le moins insolite : faire ingérer au bovin malade un… aimant. Afin que les morceaux de ferraille soient en quelque sorte « fixés » dans la panse et ne se baladent plus.

    « La majorité des déchets ingérés seraient des canettes de boisson entières, jetées dans les prairies par des usagers de la route ou des promeneurs puis écrasées par le piétinement du bétail ou broyées par les engins agricoles », détaille l'association écologiste Robin des bois, qui affirme que ce phénomène des « vaches poubelles » est mondial.

    « Aux États-Unis, les déchets retrouvés à l'abattoir dans les panses des vaches sont, par ordre décroissant, des filins métalliques en provenance de pneus hors d'usage, des barbelés de clôture, des tournevis, des clous, des bouts de fer, d'acier, de cuivre et d'aluminium », énumère l'ONG.

    Le problème des pneus usagés

    Robin des bois estime que l'utilisation préventive d'aimants n'est pas « une solution viable » et qu'il vaudrait mieux « assainir les prairies » de tous ces objets qui n'ont rien à y faire plutôt que de « faire le tri une fois dans la panse de l'animal ». Le président de l'association, Jacky Bonnemains, déplore par ailleurs que l'on retrouve dans le ventre des bovins de nombreux résidus de pneus, utilisés dans les fermes pour recouvrir les bâches de fourrage.

    « Il y a environ 800 000 t de pneus hors d'usage dans les élevages, soit environ 80 millions de pneus, qui exposent les animaux à l'ingestion accidentelle de 120 000 t de fils d'acier qui se délitent au fil du temps et sortent de la gomme cuite par l'usure, les pluies et le soleil », explique-t-il.

    L'ONG souhaiterait que les éleveurs et les ministères en charge de l'Écologie et de l'Agriculture s'engagent à mettre en place un plan progressif de retrait de ces pneus hors d'usage, qui hébergent par ailleurs des colonies de moustiques et participent parfois à alimenter des incendies.