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Pierre Bonnard en 2 minutes

En bref

Celui que l’on surnomme le « Nabi japonard » à ses débuts, puis le « peintre du bonheur », est un peintre inclassable. Pierre Bonnard (1867–1947) s’inscrit d’abord dans le mouvement nabi avec un style décoratif marqué par le japonisme, avant de mêler ses apports à ceux de l’impressionnisme. Sélectif dans ses amitiés, ce solitaire dialogue avec Édouard Vuillard et Henri Matisse. L’art de Pierre Bonnard a comme source inépuisable sa propre vie : les intérieurs qu’il habite et le nu, dont sa femme Marthe est le modèle immuable. On a tôt fait d’en faire une peinture joyeuse car, sous une palette incandescente, l’art de Pierre Bonnard est pétri de mélancolie. La subjectivité de son œil sert aussi le dessein d’être un grand peintre de la nature.

Pierre Bonnard au Relais, la maison des Natanson à Villeneuve-sur-Yonne
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Pierre Bonnard au Relais, la maison des Natanson à Villeneuve-sur-Yonne

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© Bridgeman Images

Il a dit

« Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture. »

Sa vie

Pierre Bonnard naît à Fontenay-aux-Roses en 1867. Parallèlement à des études de droit qui le mènent à une brève carrière d’avocat en 1890, il suit des cours de dessins à l’Académie Julian. C’est là qu’il rencontre, parmi d’autres, Édouard Vuillard et Maurice Denis. En 1888, il partage avec eux le choc du Talisman de Paul Sérusier, et intègre l’aventure nabi à ses débuts.

Le deuxième choc a lieu deux ans plus tard, lors d’une exposition d’estampes japonaises à l’École des Beaux-arts. Bonnard s’imprègne du style des maîtres de l’ukiyo-e, élargissant sa pratique de la peinture aux panneaux décoratifs et au mobilier. Il est remarqué lors de sa première participation au Salon des Indépendants en 1891 et abandonne définitivement le droit pour se consacrer à l’art, partageant, rue Pigalle, l’atelier de Maurice Denis et d’Édouard Vuillard.

En 1893, Pierre Bonnard rencontre Marthe, qui devient sa compagne et un modèle pour la vie. C’est elle qui lui inspire ses premiers nus. Il rompt avec les Nabis en 1895 pour se placer dans la continuité de l’impressionnisme, et obtient de nombreuses commandes. Parmi elles, les décors pour la première d’Ubu roi d’Alfred Jarry au Nouveau Théâtre rue Blanche, décors réalisés avec Paul Sérusier en 1896. C’est à la même époque qu’il achète un Pocket Kodak et fait de la photographie un pan entier de son art.

Comme d’autres avant lui, Pierre Bonnard est attiré par la lumière du Midi. Il voyage, souvent en compagnie d’Édouard Vuillard, et tombe sous le charme de Saint-Tropez, où il séjourne longuement chez Henri Manguin en 1909. Les années de maturité sont aussi celles de nouvelles amitiés, avec Paul Signac, Aristide Maillol et plus encore Henri Matisse, avec qui il expose chez Bernheim-Jeune en 1911.

Pierre et Marthe s’installent à Vernon en 1912. Les années suivantes sont marquées d’une crise créatrice profonde, accompagnant un repli progressif du couple sur lui-même. Malade, Marthe doit passer de longues heures au bain, où son époux la peint inlassablement. Il entretient pourtant d’autres liaisons, dont celle avec Renée Monchaty, qui se suicide quelques semaines après le mariage de Pierre et Marthe Bonnard en 1925.

Bonnard reste attaché au Sud et acquiert une propriété au Cannet en 1926. Baignant dans la nature, il se refuse toujours à peindre un paysage sur le motif pour privilégier le travail de mémoire. La mort de Marthe en 1942 le plonge dans une mélancolie qu’il combat par une peinture toujours plus lumineuse et colorée, avec comme apothéose finale L’Amandier en fleurs, terminé peu avant sa mort en 1947. Bien qu’il fut en marge des avant-gardes, Bonnard est immédiatement reconnu comme un père de la modernité. Il faut pourtant attendre 2011 pour qu’un musée à son nom ouvre au Cannet.

Ses œuvres clés

Pierre Bonnard, Femmes au jardin : femme à la robe à pois blancs
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Pierre Bonnard, Femmes au jardin : femme à la robe à pois blancs, 1891

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détrempe à la colle sur toile • 160 × 48 cm • Coll. Musée d’Orsay, Paris • © Photo Josse / Leemage

Femmes au jardin : femme à la robe à pois blancs, 1891

Le format et la technique étonnent et détonnent ! Les Femmes au jardin sont l’ensemble de quatre panneaux qui constituaient un paravent, exposé au Salon des Indépendants de 1891. Le « Nabi très japonard » mérite son surnom : au contact de l’art japonais, il exploite le format de ce nouveau support, dont l’artiste se joue par un jeu d’arabesques. La bi-dimensionnalité est assumée. Le goût du décoratif s’exprimant à travers le motif du tissu imprimé, la stylisation du chien, des branches et du fond : autant d’influences du Japon dans cette œuvre, qui a immédiatement séduit Henri de Toulouse-Lautrec.

Pierre Bonnard, Salle à manger à la campagne
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Pierre Bonnard, Salle à manger à la campagne, 1913

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Huile sur toile • 164,5 × 205,7 cm • Coll. The Minneapolis Institute of Art • © The Minneapolis Institute of Art

Salle à manger à la campagne, 1913

Peintre de l’intimité, Pierre Bonnard est aussi un amoureux de la nature. Ainsi, un intérieur n’en est plus tout à fait un, la figure de Marthe accoudée sur un rebord de fenêtre ouverte faisant entrer le paysage dans la salle à manger. L’opposition des tons rouges et orangés du dedans avec les verts et bleus pastels du dehors donne une impression de lumière puissante, redevable aux Impressionnistes. L’influence d’Henri Matisse est aussi frappante, dans le cadrage original, mais surtout dans la perspective libre où les plans s’entrecoupent pour ne faire qu’un, créant l’unité de la composition.

Pierre Bonnard, Femme à sa toilette ou Nu devant la glace
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Pierre Bonnard, Femme à sa toilette ou Nu devant la glace, 1934

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Tempéra sur toile • 103 × 50 cm • Coll. musée d’Art Moderne de la Ville de Paris • © Bridgeman Images

Femme à sa toilette ou Nu devant la glace, 1934

Marthe nue, qu’elle soit au bain ou face au miroir, reste le modèle de prédilection du peintre. Ici, le temps est arrêté. Pas seulement parce que l’artiste amoureux ne dépeint pas les stigmates de la vieillesse sur le corps de sa femme déjà d’âge mûr, mais aussi par l’attitude introspective de celle-ci. Elle ne donne à voir que son dos, fermée sur elle-même. Son visage ne se révèle que dans un reflet ombragé. Malgré la pudeur de ce nu, l’érotisme n’est pourtant pas absent. Par son regard, un deuxième personnage est omniprésent : le peintre lui-même.

Par • le 25 février 2019
Retrouvez dans l’Encyclo : Pierre Bonnard Nabi

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