Santé Cancer : un premier médicament pour guérir la leucémie inventé à Besançon

Nouvelle première mondiale à l’Établissement français du sang (EFS) de Besançon qui vient d’élaborer un médicament innovant pour guérir de la leucémie. Reste à trouver 2 millions d'euros pour pouvoir le mettre en pratique.
Textes Pierre LAURENT - 26 févr. 2019 à 05:05 | mis à jour le 26 févr. 2019 à 16:43 - Temps de lecture :
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Extraire des globules blancs puis les armer, les gonfler à bloc et les multiplier afin de les réinjecter dans le patient pour qu’ils attaquent en mode commando et éliminent les cellules cancéreuses. Tel est le plan de bataille mis au point par l’équipe de recherche de l’EFS bisontin.

Forts de leur découverte (déjà une première mondiale) qui avait abouti en 2016 à la validation d’un MTI (médicament de thérapie innovante) contre les rejets et complications liées aux greffes de moelle osseuse , les chercheurs francs-comtois viennent à nouveau d’innover. Concernant la leucémie cette fois, une maladie que l’on sait traiter mais qu’il s’agirait ici de guérir grâce à des CART-cells (récepteurs antigéniques chimériques).

« Partis d’une feuille blanche en 2012, nous espérons pouvoir soigner un premier patient en 2022 », indiquent les Drs  Christophe Ferrand et Marina Deschamps, inventeurs de ce nouveau MTI, créé en collaboration avec le Dr  Fabrice Larosa, hématologue au CHRU de Besançon, sans oublier la vingtaine d’étudiants en médecine et futurs ingénieurs qui ont gravité autour du projet.

« L’immunothérapie, thérapie par le système immunitaire, consiste à rediriger le système immunitaire contre la tumeur », expliquent les chercheurs. « Quand le système immunitaire est dépassé par le cancer, il s’agit de le reprogrammer pour qu’il gagne. Et cette reprogrammation passe par les leucocytes ou globules blancs. »

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Si l’équipe bisontine de l’EFS sait manipuler ce fameux globule blanc depuis maintenant vingt ans, l’innovation réside dans l’angle d’attaque de la tumeur. « Nous avons réussi à trouver son talon d’Achille. À partir de là, il s’agissait de cibler l’attaque des CART-cells pour qu’elle soit le plus efficace possible et cause le moins de dégâts. » Une frappe chirurgicale autrement dit. Le tout élaboré dans les quelque 400 m² de l’EFS bisontin quand, aux États-Unis par exemple, les équipes de recherche dans le même domaine disposent d’infrastructures grandes comme la moitié de Besançon.

« C’est vrai que nous avons pour l’instant une longueur d’avance », sourient les chercheurs, heureux d’avoir démontré au passage l’efficacité d’une UMR française (unité mixte de recherche 1098 entre EFS, Université, Inserm). Une pole position qu’il reste cependant à concrétiser.

L’étape de la recherche validée, il s’agit maintenant de passer des flacons de culture pour des souris de 100 g à des poches injectables à des patients de 70 à 80 kg.

Cette étape cruciale, celle de l’autorisation de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament), coûte 2 M€. Les scientifiques sont maintenant à la recherche de financements. C’est seulement ensuite qu’ils pourront passer aux essais cliniques chez l’humain.

Une thérapie cellulaire qui pourrait notamment bénéficier aux quelque 5 000 patients atteints de leucémie en France. Mais aussi un espoir pour ceux qui se trouvent en impasse thérapeutique. Sans compter les portes que cela ouvre pour le traitement des autres cancers.

Nous espérons pouvoir guérir un premier patient en 2022

Drs  Christophe Ferrand et Marina Deschamps

La petite fille traitée il y a 7 ans aux États-Unis est considérée comme guérie. Photo DR

Repères

Immunothérapie CART-Cells

« Il y a maintenant sept ans aux États-Unis », rappellent les chercheurs bisontins, « une petite fille qui se battait depuis quatre ans contre la leucémie s’est trouvée en impasse thérapeutique. Des cliniciens de l’université de Philadelphie ont proposé leur protocole de CART-cells, les parents ont accepté et, 30 jours après avoir reçu ses cellules reprogrammées, la maladie n’était plus détectable. Sept ans après, c’est toujours le cas, de sorte qu’on considère qu’elle est guérie. C’est ce qui a révolutionné la technique de l’immunothérapie CART-cells. »

Coût : 350 000 € par traitement

« Le coût de cette technique est important mais il est celui d’une guérison. À mettre en regard avec les traitements (5 000€ par mois environ) qu’il faut sinon prendre à vie. » Ce qui explique ce montant ? « La logistique. Et surtout le contrôle qualité. Il y a pour l’instant autant de contraintes que pour la fabrication d’un médicament. Or là, c’est du vivant. »

La France très en retard

« Si la Chine et les États-Unis ont investi des milliards dans cette recherche prometteuse, de même que les grands laboratoires pharmaceutiques, hormis l’Allemagne et la Hollande, l’Europe est très en retard en la matière. La France notamment. »