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En Algérie, des femmes en campagne contre le port du voile

Femmes dans les rues d'Alger
Sur Twitter, de nombreuses Algériennes expliquent être contraintes de porter le hijab. (Dans les rues d'Alger.) Monique Jaques / Corbis via Getty Images

Le hashtag «Prisonnières du hijab en Algérie» a fleuri sur les réseaux sociaux depuis le début du mois de février. Derrière, des femmes dénoncent le voile comme un «instrument d’oppression» dont le port, s’il n’est pas rendu obligatoire par la loi, l'est par le poids des conventions sociales.

En Algérie, les protestations ne se limitent pas à la réélection annoncée d'Abdelaziz Bouteflika. Depuis le début de l'année, les femmes algériennes partent elles aussi en campagne contre le port du voile qu'elles considèrent être un "instrument d'oppression". Déjà l'année dernière, en Iran, des femmes osaient se filmer sans leur voile avec le hashtag #MyCameraIsMyWeapon. Les situations ne sont pourtant pas vraiment équivalentes : en Iran, le port d'un voile couvrant tous les cheveux (et d'une tenue ample) est obligatoire pour les femmes selon la loi tandis qu'il ne l'est pas en Algérie où il relève en théorie de la liberté de chacune.

Pression sociale et culturelle

Ce que ces Algériennes dénoncent en réalité, c'est la pression sociale liée aux codes culturels et cultuels ou encore à l'environnement familial. Une pression qui condamnerait certaines femmes à porter le hijab malgré leur volonté et les empêcherait de l'ôter quand elles le souhaitent. Menée sur les réseaux sociaux, la campagne "Les prisonnières du voile en Algérie", initiée par plusieurs pages féministes algériennes qui expliquent "combattre le voile et non l'Islam", se situe dans la lignée d'une autre opération, de plus grande ampleur, nommée #FreeFromHijab (libérée du hijab). Cette initiative a été lancée en réponse au #HijabDay. Célébrée pour la première fois en 2013, cette "journée du hijab" destinée à faire la promotion du voile avait créé une vive polémique en France après la tenue d'un "Hijab Day" à Sciences Po en avril 2016.

La campagne s'est également répandue en réponse à un phénomène alarmant depuis le début de l'année 2019 dans l'est de l'Algérie : le suicide par pendaison avec leur voile d'une dizaine de femmes.

De nombreux témoignages sur Twitter

"Les femmes sont censées être parties prenantes de la société et de la vie politique", explique à Madame Figaro l'écrivaine et conférencière algéro-canadienne Djemila Benhabib, qui a été l'une des premières à soutenir la campagne sur son compte Twitter. "La propagation du voile islamique est un indicateur de l'avancée de l'islamisme dans la société", assure-t-elle, regrettant que la femme soit "l'éternel souffre-douleur", forcée de "se cacher" pour ne pas éveiller chez les hommes des "pulsions incontrôlées".

Le mouvement est soutenu également par la militante saoudienne Ensaf Haidar, épouse du blogueur Raif Badawi, condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet pour "insulte à l'islam".

Sur les réseaux sociaux, les témoignages se sont multipliés ces dernières semaines pour dénoncer cette insidieuse forme de pression sociale sous des dehors de libre choix.

"J'ai commencé à porter le hijab à l'âge de 11 ans et je l'ai tellement détesté que cela m'a ôté toute estime de moi ; je me sentais moche, je ne pouvais pas faire de sport et cela m'a rendue très timide. Maintenant, j'ai 24 ans et je suis constamment en train de lutter car je me sens fragile et esseulée", explique une internaute.

Une expérience traumatisante partagée par Sarah qui explique qu'après s'être vue forcée de porter le voile, ce qui lui a fait perdre son "sourire" et son "amour pour la vie", elle est allée voir son père pour le retirer ; ce dernier l'aurait battue pour toute réponse.

La liberté de se voiler en question

Pour ces jeunes femmes, l'absence d'obligation légale ne change rien au fait qu'elles soient obligées de le porter. "Mes parents m'ont forcée à porter le hijab pour sauver leur fierté, j'étais interdite de sortie et c'était atroce d'être dans une telle position dans le siècle dans lequel nous vivons. J'étouffe à chaque fois que je le porte, je le déteste tellement", écrit Haruhi Loo.

"Nos familles nous forcent à porter le voile car elles ont honte de nous si nous ne le faisons pas, explique une autre internaute. Nous voulons être libres, nous voulons pouvoir décider de le porter ou pas." En filigrane, se pose donc la question de la liberté et du poids des conventions sociales. Une problématique que l'on peut retrouver dans les sociétés occidentales qui ne sont pas "exemptes de formes de pression de la part du quartier ou de la famille", souligne Djemila Benhabib. Elle regrette qu'au "moment où les femmes en Iran ou ailleurs prennent tous les risques pour se dévoiler", un mouvement inverse en Occident revendique le voile comme un "fait identitaire, culturel ou cultuel".

"Les femmes doivent être des acteurs politiques à part entière et contribuer à la vie de la société au même titre que les hommes, souhaite-t-elle enfin. Pour ce faire, il faut qu'il existe une égalité de droit mais aussi de fait." Depuis, le mouvement s'est élargi et plusieurs hommes ont posté des photos d'eux, la tête couverte d'un voile - en signe de solidarité. Une initiative saluée notamment par la journaliste Zineb El Razhoui sur son compte Twitter. "Des hommes algériens se mobilisent contre l'infamie du voilement des femmes et montrent leur solidarité avec la campagne #FreeFromHijab", explique l'ancienne de Charlie Hebdo.

En Algérie, des femmes en campagne contre le port du voile

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173 commentaires
  • Axion 2017

    le

    Qu’elles ne lâchent rien !!

  • Marc ANTOINE 2

    le

    Une fois encore la machine révolutionnaire fait croire à la participation des femmes dans les sociétés musulmanes. Le retour au conformisme sociétal sera rapide !

  • MARIE EGLANTINE

    le

    surtout qu'elles ne lâchent rien, qu'elles montrent aux femmes musulmanes en France leur courage en refusant l'oppression de la religion qui est contre productive.

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