Le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Pénicaud, le 26 février 2019 à Paris

Edouard Philippe et Muriel Pénicaud ont présenté, mardi 26 février 2019 , les pistes de travail prioritaires pour la réforme de l'assurance chômage effective à l'été.

afp.com/Christophe ARCHAMBAULT

Pas de mesures précises, mais des pistes de travail. Voilà ce qu'Édouard Philippe et Muriel Pénicaud ont esquissé, mardi 26 février, devant la presse. Six jours après l'échec officiel des négociations des partenaires sociaux sur la réforme de l'assurance chômage, le chef du gouvernement et la ministre du Travail ont repris la main.

Publicité

Une salve de cinquante réunions doit s'ouvrir dès jeudi 28 février avec la réception, rue de Grenelle, de l'ensemble des chefs de file patronaux et syndicaux représentatifs suivis des négociateurs. Les organisations syndicales et patronales non représentatives, les associations d'employeurs et de demandeurs d'emploi, ou les parlementaires seront également reçus d'ici au printemps.

LIRE AUSSI >> Assurance chômage: une négociation vouée à l'échec?

Cette grande concertation doit permettre au gouvernement d'approfondir les diagnostics sur le chômage et le marché du travail. Certes, ceux-ci sont déjà connus puisqu'une lettre de cadrage destinée à servir de feuille de route aux partenaires sociaux a été dévoilée en septembre dernier. Pas question d'ailleurs, de s'éloigner de cette boussole : le cadre des futurs échanges se fera bien dans la droite ligne du document, qui fixait notamment la réalisation de plus d'1 milliard d'économies par an afin de désendetter le régime. Le gouvernement souhaite toutefois aller plus loin sur certains points.

Premier d'entre eux : l'explosif dossier des CDD. Édouard Philippe et Muriel Pénicaud n'ont pas caché leur souhait de s'attaquer à la multiplication des contrats courts. Le sujet est sur la table depuis des mois et a contribué au désaccord entre patronat et syndicats. Pour le Premier ministre, il convient de "responsabiliser" les entreprises en leur demandant des "contreparties" après le récent assouplissement du code du travail. Le chef du gouvernement n'a pas assuré que le "bonus-malus" inscrit au programme de campagne d'Emmanuel Macron serait imposé, mais a admis que cette "solution" était sur la table. "Personne, à ce stade, ne nous en a proposé de meilleur", a-t-il ajouté.

1. Des indemnités chômage plafonnées ?

L'autre piste de la future réforme concerne les modalités de calcul et le montant des allocations des demandeurs d'emploi.

Première catégorie en ligne de mire : les cadres supérieurs. Le gouvernement estime que le plafond actuel fixé à 7 550 euros brut (6 600 euros net) d'indemnité par mois doit être discuté, notamment car il est largement supérieur à ce que pratiquent nos voisins européens. Muriel Pénicaud a cité le cas du Danemark où un montant maximal de 2 700 euros est versé aux demandeurs d'emploi. En France, en moyenne, la somme perçue par allocataire est de 1100 euros net.

Le projet de baisser les allocations des plus hauts salaires avait déjà été évoqué par Édouard Philippe en septembre 2018 et l'idée d'une adaptation des règles en fonction des "capacités à retrouver un emploi" figure dans la lettre de cadrage.

LIRE AUSSI >> Assurance chômage : les salaires élevés dans le viseur

Pour justifier de cette idée, combattue de longue date par les organisations syndicales comme la CFE-CGC, le gouvernement met en avant le faible taux de chômage des cadres, aujourd'hui à 3,8 %. Il établit aussi une corrélation entre l'importance du montant perçu et la durée du demandeur d'emploi au chômage. "À proximité de la fin de droits, le taux de retour à l'emploi des gens qui appartiennent au dernier quartile de rémunération augmente sensiblement", détaille l'exécutif, qui a extrait les demandeurs d'emploi les plus âgés du calcul. En clair, plus les gens touchent une allocation élevée au chômage, plus ils seraient incités à y rester.

Le gouvernement estime qu'en modifiant ces règles, on peut "accélérer le retour à l'emploi" des personnes concernées. 60 000 personnes sont actuellement indemnisées à plus de 3 000 euros par mois. Dégressivité, baisse drastique du plafond, forfaitisation ? Pour le moment aucune mesure précise n'est annoncée.

2. Des droits moins facilement rechargeables

Les règles du cumul emploi en vigueur depuis 2014 devraient également être revues. La convention signée il y a cinq ans permet aux demandeurs d'emploi de cumuler revenus et allocation, jusqu'à un certain plafond, afin d'inciter les demandeurs à reprendre un travail, même moins bien rémunéré.

Un nouveau principe, celui des droits rechargeables, a également été créé. Le principe est simple : travailler ouvre des droits à indemnisation. Tout contrat de travail effectué permet donc d'allonger et de prolonger la durée de couverture par l'assurance chômage. Seule condition : avoir travaillé au moins 150 heures dans toute sa période d'indemnisation.

Pour le gouvernement, ces règles incitatives au retour à l'emploi ont eu des effets pervers. "On a assisté à un quasi-doublement du nombre de personnes qui cumulent emploi et chômage depuis plus de deux ans. Ils représentent 16 % des chômeurs indemnisés."

Un relèvement du seuil des 150 heures pourrait faire partie des évolutions à venir. Lors des négociations, le patronat avait suggéré de le fixer à 300 heures. Les syndicats étaient contre.

3. Des allocations recalculées pour un chômeur sur cinq

Autre point dont l'exécutif souhaite reparler : le montant du "taux de remplacement" c'est-à-dire le rapport entre l'allocation perçue au chômage et le salaire précédent. Selon l'Unédic, celui-ci serait en moyenne de 72%. Le Premier ministre a lui évoqué "les cas où le montant de l'allocation-chômage mensuelle est plus élevé que le salaire mensuel moyen perçu antérieurement". Le gouvernement en fait une affaire "d'équité".

"Plus de 20% des demandeurs d'emploi, soit un sur cinq, ont une allocation supérieure à la moyenne de leurs revenus sur la période de référence, assure le ministère du Travail. Gagner plus quand on rentre au chômage que ce qu'on gagnait en moyenne sur la période de référence, ça pose question. Ce ne sont pas les gens qui sont en cause mais les règles de calcul du salaire journalier de référence."

LIRE AUSSI >>Assurance chômage : vers de nouvelles règles ?

Ce salaire journalier de référence est calculé en divisant le montant des salaires perçus sur les douze derniers mois par le nombre de jours travaillés, le tout multiplié par 1,4 (de façon à prendre en compte les jours travaillés, sept jours sur cinq). Pour le gouvernement, ce calcul peut favoriser les personnes qui ont été employées à temps plein, mais de façon fractionnée et non sur la durée, et à temps partiel, par exemple. La piste d'un décompte mensuel et non journalier pour les futurs calculs semble envisagée.

Publicité