Des cloches qui sonnent trop longtemps et trop fort, c’est ce dont se plaignent une dizaine d’habitants de Colmar (Alsace). Ils exigent que le curé doyen fasse cesser le carillon de la collégiale Saint-Martin, située en centre-ville, qui tinte pour annoncer la messe de 10 h 30 et troublerait leur sommeil. Les plaignants ont adressé, par l’intermédiaire de leur avocat André Kornmann, une lettre au maire restée jusqu’ici sans réponse.

Le « droit » au silence

Les cloches de la collégiale Saint-Martin sonnent depuis plus de six siècles pour annoncer la grand-messe dominicale, pendant près d’un quart d’heure à 10 h 30. La quinzaine d’habitants mécontents estime le bruit insupportable et réclame des matinées silencieuses. Leur lettre au maire étant restée sans réponse, leur avocat a déposé une mise en demeure au curé doyen l’enjoignant de faire cesser les carillons du dimanche matin.

Les cloches ne sonnent plus comme elles veulent

« Les gens travaillent cinq, six jours par semaine, ils sont commerçants, infirmiers, profession libérale, paient une taxe d’habitation et ont le droit à leur grasse matinée », s’est indigné André Kornmann, interrogé par le journal « L’Alsace ». Les plaignants ont même installé des sonomètres pour chiffrer les décibels et déclarent que le résultat est « largement au-dessus des normes », rapporte le même journal.

Pour le diocèse de Strasbourg, la réaction de ces habitants semble démesurée. « S’il s’agissait de la prière de l’Angélus à 6 heures du matin, nous pourrions comprendre », assure à La Croix, le chanoine Bernard Xibaut, chancelier du diocèse de Strasbourg. Seule la durée durant laquelle les cloches sonnent pourrait éventuellement être sujette à discussion, comme un renforcement de l’abat-son. Le père Xibaut indique d’ailleurs que l’archevêché est en contact avec un campanologue (spécialiste des cloches).

S’exprimant sur les chances d’aboutir de cette plainte, le chancelier précise que dans un régime concordataire, il y a une différence entre les sonneries civiles qui relèvent du maire et les « sonneries religieuses » qui relèvent, elles, de l’archevêché et du préfet. Pour autant, le père Xibaut, qui souligne l’importance de ce carillon qui annonce la messe du dimanche à un horaire « tout à fait raisonnable », l’assure : « Il est certain que nous ne supprimerons pas le carillon. »

Nuisances sonores et carillons intempestifs

Ce n’est en effet pas la première fois que des habitants s’indignent de voir leur sommeil troublé par les cloches jugées intempestives des églises. En octobre 2008, des vacanciers en Lozère se disaient dérangés par le carillon d’une église à côté de laquelle ils logeaient qui sonnait à 7 heures du matin. Ces derniers avaient demandé que l’heure soit décalée. Arguant des raisons financières pour modifier le réglage, la municipalité avait refusé.

Autre illustration, l’horloge de l’église de Sainte-Ruffine (Moselle), ne sonne plus de 20 heures à 8 heures du matin depuis qu’un couple installé dans l’ancien presbytère a porté plainte en 2011. De même, depuis janvier 2014, le clocheton de l’église de Boissettes (Seine-et-Marne) ne tinte plus, ni le jour, ni la nuit car un couple résidant face à l’église du village avait déposé un recours dénonçant des nuisances sonores. La justice avait alors tranché par un arrêt municipal réduisant les cloches au silence.

Si ce genre d’affaires revient régulièrement, le Conseil d’État n’a pourtant établi à ce jour aucune jurisprudence sur le sujet. Cependant, à la demande d’une minorité de villageois et parfois même d’un seul riverain, les arrêtés municipaux se multiplient pour faire taire le tintement des « cloches civiles et religieuses », en accord avec l’article 27 de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État.