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5 idées reçues sur la mémoire

Mathieu Blard
Publié le 03/08/2018 à 10:31 Modifié le 03/08/2018 à 10:46
5 idées reçues sur la mémoire

« La mémoire est une spécificité humaine », « Internet la détruit » ou encore « La mémoire, c’est seulement pour les souvenirs »… Voici quelques idées reçues, parfois dotées d’un fond de vérité, sur notre mémoire. Francis Eustache, neuropsychologue à l'observatoire B2V des mémoires a accepté de les décrypter.

La mémoire est une spécificité humaine

Les animaux ont une mémoire, et pas seulement les éléphants. « Nicolas Clayton, à l’université de Cambridge, a démontré avec ses équipes que le geai comprend le « quoi », le « où », et le « quand », déclare Francis Eustache. Il est capable notamment de cacher sa nourriture et la retrouver à l’endroit où il l’a laissée. Dans l’une des expériences, il parvient à se montrer prévoyant, voire se concocter son petit déjeuner du lendemain ! » Ce charmant petit oiseau fait donc preuve d’une mémoire prospective ! « Dans une autre étude, les scientifiques ont mis des corbeaux face à un dispositif où ils devaient insérer des formes dans des creux pour obtenir de la nourriture. Lorsqu’ils n’avaient plus accès à ces formes, ils s’en rappelaient et découpaient un morceau de carton pour les reproduire ! » s’émerveille le neuropsychologue.

La mémoire se conjugue au passé

Quand nous pensons mémoire, naturellement, nous pensons souvenirs.  Pourtant, si elle nous permet de revenir en arrière, c’est pour mieux anticiper et préparer l’avenir. « La mémoire est prospective, explique Francis Eustache. Les grands amnésiques ont un trouble de mémoire autobiographique, mais également une grande difficulté à se projeter dans le futur. En imagerie, nous avons demandé à des personnes de penser à des évènements passés, et d’autres qu’ils prévoyaient. Une partie des activations cérébrales sont les mêmes dans les deux cas ». La mémoire est donc une formidable machine à voyager dans le temps.

Internet détruit notre mémoire

Nous entendons souvent qu’Internet aurait une incidence purement néfaste sur notre capacité à nous rappeler de ce que nous apprenons. Une telle allégation n’est pas totalement vraie. Les scientifiques s’accordent cependant sur un point : le net modifie notre mémoire.

« Notre mémoire est alimentée, car en quelques clics, nous avons accès à une multitude de connaissances », décrypte Francis Eustache. En revanche, il est vrai que certains autres phénomènes ont une incidence qui peut s’avérer plus inquiétante. Avec les smartphones, nous sommes en permanence en situation de « stimulus-réponse », et croulons sous des informations trop nombreuses et sur divers supports. La conséquence ? « Nous traitons ces informations avec moins de profondeur, expose Francis Eustache. Le temps de synthèse de la mémoire, qui permet de se souvenir et d’analyser ce que l’on reçoit, nous manque ».

Le neuropsychologue conseille de « faire attention à une utilisation outrancière d’Internet chez les plus jeunes. Il ne s’agit pas d’interdire l’accès à la toile, évidemment, mais de leur préserver des moments de synthèse pour consolider leurs souvenirs ». Une étude de Betsy Sparrow, professeure de psychologie, publiée dans Sciences souligne également un autre phénomène. Des étudiants américains, à qui l’on posait des questions relativement complexes avaient plus tendance à mémoriser les chemins conduisant à l’information, comme les recherches Google à effectuer, plutôt que l’information elle-même. En conséquence, on ne l’analyse plus, on cherche comment la retrouver.

La mémoire est un acquis qui ne se travaille pas

A tout âge, nous pouvons améliorer les performances de notre mémoire. Enfant, nous apprenons des tables de multiplication, des fables, des poésies… Cette notion de travail de la mémoire perdure tout au long de notre vie. Avoir des discussions diverses, lire, s’informer, prendre du temps pour des activités culturelles est excellent pour notre mémoire, mais aussi pour notre santé. « Ainsi, nous renforçons notre réserve cognitive, affirme Francis Eustache. C’est le capital qu’on se construit toute sa vie et qui fait que l’on va mieux résister à diverses situations, physiologiques, psychologiques ou physiopathologiques. Une bonne réserve cognitive permet de retarder l’apparition de maladies neuro-dégénératives, comme Alzheimer. On observe que les générations de femmes n’ayant pas bénéficié de l’école obligatoire avaient plus de chances de développer un Alzheimer que les hommes. Cet écart a aujourd’hui tendance à se resserrer ». 

Pour aller plus loin

Pour aller plus loin

L’observatoire B2V organise du 17 au 21 septembre 2018 la 3e édition de la semaine de la mémoire.

Le régime alimentaire influe sur la mémoire

« Mangez du poisson pour améliorer votre mémoire », pouvons-nous lire à longueur d’articles nutritionnels. Si le régime méditerranéen est conseillé pour le cerveau, le neuropsychologue tempère : « Aucun aliment n’a d’effets bénéfiques majeurs. En revanche, les conséquences néfastes peuvent s’avérer notables. Trop boire, manger trop riche ou trop salé a des conséquences. Les répercussions d’une trop grande consommation gras sont indirectes. Cela entraîne des problèmes cardiovasculaires qui peuvent provoquer des dégénérescences. Un vaisseau bouché dans le cerveau atteint les compétences cognitives. En outre, un individu qui a un problème de santé important voit souvent sa mémoire fonctionner moins bien ».

La mémoire au futur, Le Pommier, sortie en septembre 2018

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