Ces microtaxes que la Cour des comptes souhaite voir disparaître
Les magistrats ont proposé la réalisation d'un « inventaire exhaustif » des microtaxes dont le rendement est inférieur à 150 millions d'euros. Certaines d'entre elles sont inadaptées, juge la Cour.
Par Lucas Mediavilla
La Cour des comptes continue sa chasse aux microtaxes. Alors que le gouvernement s'est montré plutôt offensif sur le sujet, entérinant dans le projet de loi de Finances pour 2019 la suppression d'une vingtaine de taxes à faible rendement , les magistrats de la rue Cambon enjoignent l'exécutif à aller plus loin.
Dans un référé transmis en décembre à Edouard Philippe et rendu public mercredi, Didier Migaud le président de la Cour propose la réalisation d'un « inventaire exhaustif » des microtaxes dont le rendement (le montant collecté) est inférieur à 150 millions d'euros.
« Aucun inventaire exhaustif des impôts et taxes à faible rendement n'est établi ni mis à jour par l'administration française », alerte l'ancien socialiste, qui pointe « un manque de lisibilité et de transparence ». « Nombre de ces taxes, le plus souvent de faible montant, sont collectées par les organismes auxquels elles sont affectées, ce qui complique leur inventaire, peut entraîner des coûts de collecte élevés et rendre moins efficace le contrôle de leur recouvrement », ajoute-t-il.
Un rapport de l'IGF en 2013
En 2013, l'inspection générale des finances avait tenté de recenser l'ensemble des taxes françaises dont le rendement était inférieur à 150 millions d'euros. Les inspecteurs, qui dénonçaient déjà à l'époque l'absence d'une base de données exhaustive en matière de fiscalité, avaient ainsi listé 192 taxes, dont le rendement total était de 5,3 milliards d'euros en 2013.
L'IGF pointait alors une spécificité française en la matière, les taxes dont le rendement ne dépasse pas 100 millions d'euros étant « quasiment inexistantes en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, et autour d'une vingtaine en Italie et en Belgique ». A l'époque déjà (c'est encore le cas aujourd'hui), la France était le seul Etat membre à ne pas transmettre à la Commission européenne son inventaire de microtaxes.
De son côté, la Cour des comptes a identifié 125 impôts dont le produit annuel est de l'ordre de 3,5 milliards d'euros en 2017. Pour certaines de ces taxes, les magistrats financiers recommandent une suppression, où une réaffectation.
Taxes inadaptées
C'est le cas de la taxe sur les huiles végétales destinées à la consommation humaine, déjà visée dans le rapport de l'IGF de 2013. Créée en 1962, son coût de gestion s'avère trop élevé par rapport au produit collecté (130 millions d'euros) et ses objectifs en termes de politique publique restent flous, juge la cour.
C'est également le cas de la taxe de balayage, créée en 1873 mais qui ne concerne aujourd'hui que 5 communes françaises (dont Paris) pour un produit de 113 millions d'euros. La Cour des comptes recommande de la fondre dans la taxe foncière pour économiser les coûts de collecte.
Les taxes funéraires, créées en 1806 et conçues à l'origine pour permettre aux communes de financer l'inhumation des personnes indigentes, sont désormais comptabilisées comme des recettes de fonctionnement pour les communes. Mises en place dans 400 communes en 2017, elles rapportent 5,8 millions d'euros. La Cour des comptes recommande de supprimer cette taxe, en la répercutant sur le prix des concessions funéraires et cinéraires.
Simplifier le mille-feuille
Pour d'autres taxes, la Cour préconise davantage de simplifications pour éviter un cumul pour le contribuable. C'est le cas des taxes sur plus-values sur la cession de terrains devenus constructibles, ou celles liées au financement des contrôles sanitaires dans l'alimentation.
Certaines taxes, comme celle sur les passagers aériens et maritimes embarqués dans les départements d'outre-mer et le droit annuel de francisation et de navigation des navires de plaisance, doivent être réorganisées pour réduire le coût de la collecte jugent les magistrats. Et ainsi permettre de simplifier (un peu) le mille-feuille fiscal français.
Lucas Mediavilla