L’archipel du Cap-Vert, au large des côtes sénégalaises, s’est lancé dans une ambitieuse politique de valorisation de son potentiel dans les énergies renouvelables. Le pays est poussé par des impératifs climatiques, mais aussi par le coût exorbitant de sa dépendance aux combustibles fossiles. Objectif : une autonomie renouvelable dès 2025.

Les territoires insulaires sont bien souvent à la pointe de la transition énergétique. Cela s’explique par une conjonction de facteurs. Les îles sont tout d’abord les premières victimes d’un réchauffement climatique trop importants, entre montée des eaux menaçant de purement et simplement les engloutir, et les dérèglements climatiques qui les frappent de plein fouet.

Les énergies renouvelables, une évidence pour les territoires insulaires

Au-delà, un territoire insulaire n’est en général pas relié à un réseau électrique plus vaste, et il dispose rarement de combustibles fossiles dans son sous-sol. Dès lors, il est dépendant d’importations pour produire de l’électricité. Pire, dans de nombreux cas, les îles ne disposent pas de grandes centrales électriques mais doivent utiliser des générateurs au diesel pour fournir l’électricité à l’échelle d’un village, d’un quartier, d’un immeuble. Des solutions onéreuses et au bilan carbone catastrophique.

Se tourner vers les énergies renouvelables (EnR) est donc la solution privilégiée. Les territoires insulaires disposent souvent d’un potentiel élevé en la matière, qu’il s’agisse d’éolien (presque toujours), de géothermie (très souvent) ou de solaire (notamment pour les territoires équatoriaux et tropicaux). La baisse du coût des EnR rend des investissements massifs rentables assez rapidement, surtout comparés à des importations massives de charbon ou de fioul.

Le Cap-Vert, une électricité issue à 100% de générateurs diesel

Dès lors, de plus en plus de territoires insulaires développent les EnR à grande échelle, parce qu’elles répondent à trois problématiques : économie, écologie, autonomie.

Ces trois raisons ont ainsi poussé de nombreuses îles à investir largement dans les EnR: c’est ainsi le cas des DOM français, comme la Guadeloupe ou l’île de la Réunion, mais aussi de territoires indépendants, comme les îles Samoa et, donc, le Cap-Vert.

Cet archipel de dix îles, assez éloignées les unes des autres, est situé à 600 km à l’ouest des côtes du Sénégal. Peuplé de 540 000 habitants, la République du Cap-Vert ne dispose d’aucune centrale électrique conventionnelle (gaz, charbon, nucléaire). Jusqu’à une période récente, toute l’électricité du pays était produite par des générateurs au diesel.

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Coupures régulières, dans un pays dont la consommation d’électricité va doubler en 5 ans

Le pays voulait trouver une alternative à cette électricité aussi chère et polluante, d’autant qu’entre 2015 et 2020, l’archipel devrait voir sa consommation d’électricité pratiquement doubler, passant de 360 GWh à 670 GWh annuels.

Par ailleurs, le Cap-Vert ne correspond pas aux clichés énergétiques de l’Afrique subsaharienne  : la quasi-totalité de la population a accès à l’électricité, et la consommation par personne est largement supérieure à la moyenne régionale (727 kWh par an, contre 488 kWh). Le réseau électrique n’est tout de même pas exempt des faiblesses endémiques des générateurs diesel, et les coupures demeurent fréquentes.

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Un potentiel EnR hors du commun

C’est donc avant tout pour limiter le coût de son énergie que l’archipel s’est lancé dans une vigoureuse politique en faveur des énergies renouvelables. Le Cap-Vert dispose en effet de considérables ressources en la matière, qui plus est variées : « le pays possède des ressources éoliennes équivalente à celles du Maroc, le potentiel solaire du Sahel, des ressources géothermiques proches de celles du Kenya et une énergie marine comparable à celle de nombreux pays côtiers » détaille Erik Nordman, enseignant chercheur à l’université de Grand Valley State.

Est-il besoin de rappeler que le Maroc, le Sahel et le Kenya sont numéro 1 africains, en terme de potentiel, pour les énergies évoquées ? Autant dire que le Cap-Vert est, naturellement, un paradis pour installer des EnR.

L’éolien comme figure de proue

L’éolien fut la première de ces ressources à être mise en valeur : « Les alizés du nord-est du Cap-Vert sont considérés comme excellents pour la production d’énergie éolienne » précise Erik Nordman. Les vents sont en effet forts et réguliers, dépassant souvent les 9,0 m/s à 50 m du sol (on estime que l’éolien est rentable à partir de 6,4 m/s).

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Plusieurs fermes éoliennes ont déjà été mise en service. La première d’entre elles a été construite dans l’île de Santiago (la plus peuplée de l’archipel), par Cabeolica, un consortium public-privée : composée de 11 éolienne fournies par le danois Vestas, la centrale produit déjà 16% de l’électricité de l’île.

100% d’EnR en 2025 ?

Au total, l’électricité éolienne fournit déjà 25% de la consommation des trois principales îles de l’archipel. Les coupures électriques sont moins fréquentes, mais l’intermittence du vent impose une vigilance accrue: « C’est l’équation que nous tentons de résoudre actuellement : augmenter la part des renouvelables tout en conservant l’équilibre du réseau » expose Ana Monteiro, ingénieure de Cabolica.

Pour autant, l’archipel s’est donné de grands objectifs : le Cap-Vert ambitionne d’être autonome en électricité 100% renouvelable à l’horizon 2025. Cela va nécessiter un déploiement massif de fermes éoliennes et photovoltaïques, ainsi qu’une valorisation du potentiel géothermique de ses îles volcaniques.

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Expérimentations locales

Au-delà, pour sécuriser le réseau, le Cap-Vert va investir dans des solutions de stockage. Des unités de batteries Lithium-Ion seront livrées en complément des prochains parcs éoliens ou solaire. Des smart grids seront par ailleurs associés aux plus grands de ces parcs.

Le pays teste également une solution originale : coupler le stockage par station de pompage-turbinage avec le dessalement de l’eau de mer. Cette solution permettrait à la fois de produire de l’électricité hydraulique en cas de besoin et de produire de l’eau douce.

Autre expérimentation en cours : des études visent à valoriser l’énergie maréthermique dans les eaux au sud de l’île de Santiago. Enfin, les zones isolées de l’archipel seront équipées de micro-grids photovoltaïques avec unité de stockage.

Le plan n’en demeure pas moins ambitieux, et va nécessiter de lourds investissements pour un petit pays. Mais la certitude qu’ils seront très rapidement amortis devraient aider le Cap-Vert à trouver les financements internationaux nécessaires.

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