Le sommet de Hanoï n’a pas seulement été un échec diplomatique cinglant. Il a aussi donné l’occasion à Donald Trump de déclencher une nouvelle tempête politique aux États-Unis, en défendant Kim Jong-un sur un sujet ultrasensible : la mort de l’étudiant américain Otto Warmbier à sa sortie des geôles nord-coréennes, en 2017.

USA Today rappelle que l’étudiant, alors âgé de 21 ans, avait été arrêté à Pyongyang en 2016 pendant un voyage organisé. Accusé d’avoir volé une affiche de propagande, “il avait été condamné à quinze ans de travaux forcés”. Après dix-huit mois de torture, il avait été libéré et rendu à ses parents, dans l’Ohio, “aveugle, sourd et incapable de se déplacer seul”. Il était mort “quelques jours plus tard”.

Interrogé jeudi sur le sujet, en clôture du sommet de Hanoï, Donald Trump a choisi son camp. Kim Jong-un “me dit qu’il n’est pas au courant, et je le crois sur parole”, a déclaré le président américain, selon le Los Angeles Times. Et d’ajouter : “Je ne pense pas qu’il aurait laissé cela arriver.”

Pour The Atlantic, aussi stupéfait que résigné, “le fait que Trump croit sur parole un dictateur à la tête d’un vaste réseau de prisons barbares dépasse l’entendement, mais cela s’inscrit dans la droite ligne de ses positions antérieures”. Le magazine souligne que le président “avait cru le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (sur le meurtre de Jamal Khashoggi) et le président russe Vladimir Poutine (sur son ingérence dans l’élection présidentielle américaine de 2016) en dépit des conclusions de ses propres services de renseignements”.

“Inconcevable”

Les réactions indignées n’ont pas tardé à tomber, chez les démocrates comme chez les républicains. Selon le Washington Post, Kevin McCarthy, chef de la minorité républicaine à la Chambre des représentants, a lancé : “Nous savons ce qui est arrivé à Otto. Nous savons ce que ce pays (la Corée du Nord) a fait. Je soutiens le président dans son effort de dénucléarisation, mais je ne me méprends pas sur la nature du leader nord-coréen.”

Le sénateur républicain Lindsay O. Graham, habituellement ardent défenseur de Donald Trump, a déclaré pour sa part qu’il ne croyait “pas une minute” que Kim n’ait rien à voir avec l’affaire Warmbier. Quant à Nancy Pelosi, chef de la majorité démocrate à la Chambre, “elle trouve ‘étrange’ que Trump continue à croire des ‘brutes’ comme Kim et Poutine”, ajoute le quotidien.

Le sénateur démocrate de l’Ohio Sherrod Brown, contacté par le New York Times, considère quant à lui que “Trump fait savoir à tous les dictateurs du monde qu’il croit les autocrates quand ils mentent, dissimulent leurs actes ou justifient une politique responsable de la mort d’êtres humains”.

Les spécialistes de la Corée du Nord, à l’instar de Bill Richardson, ancien ambassadeur à l’ONU de l’administration Clinton, sont formels : il est “totalement impossible” que le leader nord-coréen ait ignoré le sort de l’étudiant. “Il est inconcevable que Kim Jong-un ne sache rien d’un prisonnier américain comme Otto Warmbier”, a martelé M. Richardson sur la chaîne MSNBC.

Le Cincinnati Inquirer, enfin, a interrogé Rosa Park, responsable du Comité pour les droits de l’homme en Corée du Nord. Elle non plus ne croit pas un mot de la défense de Kim Jong-un : “La Corée du Nord est une dictature totalitaire. Tout ce qui est fait par les dirigeants doit être approuvé par le numéro un.”