Numérique : l'urgence de la parité

Cyril Pierre de Geyer (Rocket School), Sophie Viger (42) et Frédéric Bardeau (Simplon.co) veulent que les femmes comptent davantage dans les écoles d'informatique. Explications.

Par Guillaume Grallet

Les trois signataires Cyril Pierre de Geyer (Rocket School), Sophie Viger (42) et Frédéric Bardeau (Simplon.co) souhaitent que le nombre de femmes progresse dans les écoles d'informatique.

Les trois signataires Cyril Pierre de Geyer (Rocket School), Sophie Viger (42) et Frédéric Bardeau (Simplon.co) souhaitent que le nombre de femmes progresse dans les écoles d'informatique.

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Les femmes ne comptent que pour 28 % des personnes suivant des cours de science, technologie, ingénierie et mathématiques, chiffre une étude de la Société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF). C'est près de deux fois moins qu'il y a vingt ans. Pourtant, comme l'explique l'entrepreneuse Géraldine Le Meur dans son livre Comme elles, entreprenez votre vie (Editions Diateino), les femmes ont des idées souvent détonantes et qui sortent des sentiers battus dans le secteur high-tech et numérique. Ainsi de Rania Belkahia, ingénieure passée par Telecom ParisTech et créatrice d'Afrimarket, une entreprise de e-commerce basée en Afrique. « Nous étions très peu de femmes dans ma promo », explique l'ancienne élève ingénieure.

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Comment expliquer ce déséquilibre alors que la personne qui a posé les bases de la programmation était une femme ? Ada Lovelace, fille de Lord Byron, avait en effet travaillé sur la machine analytique de Charles Babbage, l'ancêtre de l'ordinateur. Souffrant de problèmes de santé (elle mourra d'un cancer à l'âge de 36 ans, en 1852), la jeune Britannique n'a découvert les mathématiques qu'à l'âge de 24 ans. Elle en est ensuite devenue une passionnée, allant jusqu'à écrire : « Je crois que je possède une singulière combinaison de qualités, qui semblent précisément ajustées pour me prédisposer à devenir une exploratrice des réalités cachées de la Nature. » Puis, plus tard : « La Machine peut arranger et combiner les quantités numériques exactement comme si elles étaient des lettres, ou tout autre symbole général ; en fait, elle peut donner des résultats en notation algébrique, avec des conventions appropriées. »

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La mathématicienne Kay McNulty (à gauche) a été une des premières programmeuses de l’Eniac, le premier ordinateur numérique électronique générique, ici à l’Université de Pennsylvanie.


Passionnée de trigonométrie sphérique

Plus tard, l'actrice autrichienne naturalisée américaine Hedy Lamarr a, en parallèle de sa carrière à Hollywood (La Dame des tropiques, Viens avec moi...) mis au point, au début des années 1940, avec le pianiste George Antheil, un système de codage des transmissions par étalement des spectres, qui peut être considéré comme un ancêtre du Wi-Fi et a ouvert la voie à des techniques toujours utilisées pour les liaisons chiffrées militaires. Enfin, toujours durant la Seconde Guerre mondiale, six femmes, Kay McNulty, Betty Jennings, Betty Snyder, Marlyn Meltzer, Fran Bilas ou encore Ruth Lichterman, ont été les premières personnes à programmer l'ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer), le premier ordinateur numérique électronique à usage générique. Il s'agissait d'un programme à calcul balistique destiné à aider les troupes au combat. Kay McNulty par exemple était passionnée de trigonométrie sphérique, calcul différentiel, géométrie projective, équations aux dérivés partielles ou encore statistiques !

Bref, comme le relevait à la mi-février Bernard Ourghanlian, le responsable technologique de Microsoft France : « La présence des femmes dans la programmation était plus importante aux débuts de l'informatique que maintenant. » Il est donc temps de rééquilibrer la balance, et c'est maintenant que cela se prépare... Trois responsables d'écoles informatiques, Cyril Pierre de Geyer (Rocket School), Sophie Viger (42) et Frédéric Bardeau (Simplon.co), soucieux d'avoir une « responsabilité dans l'éducation et dans la mixité », ont décidé de prendre le problème à bras le corps. Voici, en exclusivité pour LePoint.fr, le texte de leur tribune :


Les écoles du numérique veulent plus de femmes : l'appel pour la parité de Cyril Pierre de Geyer (Rocket School), Sophie Viger (42) et Frédéric Bardeau (Simplon.co)

« Le numérique est présent dans toutes les innovations contemporaines : réseaux sociaux, intelligence artificielle, smartphones, Big Data… Les femmes autant que les hommes baignent dans le numérique au quotidien. Pourtant, la parité est loin d'être atteinte dans ce domaine : les femmes sont sous-représentées. Pire encore, les femmes ne font pas le choix des formations du numérique et sont une minorité dans les start-up ! Ada Lovelace, à l'origine du premier programme informatique au milieu du XIXe siècle, serait certainement estomaquée de constater qu'en 2019 les entreprises innovantes restent des sociétés essentiellement masculines.

Nous, écoles du numérique 42, Rocket School et Simplon, appelons tous les acteurs du numérique à mettre en œuvre la parité ! Nous nous engageons pour que les femmes deviennent actrices et pas simplement utilisatrices du numérique.

Alors même que le secteur du numérique est en pleine explosion, nous ne pouvons pas nous permettre de renoncer à la parité. C'est une question fondamentale et c'est même l'avenir de ce secteur qui est en jeu. Car les implications sont à la fois économiques et sociétales.

Implications économiques, car nous faisons face à une pénurie de recrutements [1] qui pourrait être en partie résorbée si les étudiantes choisissaient de s'orienter vers les filières numériques. Nous ne pouvons pas nous passer de 50 % de nos talents dans ce contexte où il est difficile de recruter sur certains métiers. Cyril Pierre de Geyer, CEO de Rocket School : Cette situation est absurde : nous peinons à recruter de bons profils, il y a une vraie pénurie et en même temps nous laissons échapper les potentiels talents que sont les femmes en ne leur favorisant pas l'accès aux métiers du numérique. Par ailleurs, plusieurs études montrent les bienfaits de la parité dans les entreprises et démontrent une corrélation entre mixité et performance économique [2].

Nous peinons à recruter les bons profils

Les implications sont aussi sociétales. En effet, les femmes doivent investir le monde du digital dès à présent pour préparer le monde de demain. Elles ne participeront pas aux projets numériques du futur s'ils restent pensés par et pour des hommes. Sophie Viger, CEO de 42 : L'informatique souffre d'une image trop masculine, parfois même sexiste. En attirant plus de femmes dans nos formations numériques, nous allons changer cette image progressivement, et ainsi devenir attractifs auprès des femmes. Elles doivent pouvoir se dire qu'une carrière dans ce domaine est autant faite pour elles que pour les hommes.

Nous prenons à cœur cette question qu'est l'égalité homme-femme. En tant qu'acteurs éducatifs, nous avons une responsabilité dans l'éducation à la parité et à la mixité. Nous allons mettre en place des accompagnements spécifiques pour intégrer plus de femmes dans le secteur du numérique, ce qui contribuera à rétablir un équilibre paritaire et permettra, dans le futur, d'attirer plus de femmes dans ce secteur.

42 forme actuellement plus de 550 femmes gratuitement au développement informatique avec une pédagogie qui permet une flexibilité d'emploi du temps. De nombreuses actions sont menées pour attirer plus de femmes vers le numérique : réunions d'information, mise en avant de rôles modèles féminins internes ou externes à 42, événements dédiés, groupe de travail sur le sujet de la mixité…

Rocket School accueillera sa première section 100 % féminine le 8 mars, date de la Journée internationale du droit des femmes. En plus des cours de la formation en vente ou en marketing digital, des séances de coaching seront organisées pour les armer à gérer un milieu souvent masculin.

Simplon.co affiche 35 % de femmes parmi les plus de 3 000 personnes qui sont passées par ses formations gratuites grâce à une politique volontariste : formation de ses formateurs, préférence pour les formatrices, communication inclusive à toutes les étapes (information collective des candidats, recrutement, sélections, etc.), locaux et pédagogie women friendly, plaidoyer sur le sujet depuis six ans. Mais c'est surtout avec Hackeuses (session d'acculturation de 6 semaines réservée aux femmes) que cette volonté s'inscrit dans une stratégie globale en faveur de l'augmentation de la proportion des femmes dans les métiers techniques du numérique et la déconstruction des stéréotypes de genre qui leur sont associés.

Cependant, l'effort doit être global, nous encourageons donc tous les acteurs du monde du numérique à participer à cet effort en faveur de la mixité. »


[1] http://www.leparisien.fr/economie/emploi/numerique-un-secteur-en-penurie-ou-le-recrutement-reste-tres-ouvert-05-11-2018-7935516.php [2] Comme par exemple l'étude McKinsey (https://www.mckinsey.com/fr/our-insights/women-matter-2016)

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Commentaires (6)

  • Bonsens2019

    J'ai beaucoup aimé votre commentaire (une fois de plus)... Dommage qu'on ne puisse "chater" en dehors du forum du Point... Bref, vous avez raison d'en conclure que les femmes n'ont peut-être pas tous les gênes non pas de l'informatique (vos camarades étaient aussi bonnes que vous... ) mais de la direction d'équipe voire même ceux qui permettent de s'autoriser à rêver, imaginer, dans le domaine technologique en tout cas. Question de caractère (d'hormones?:) ou de "conditionnement" dans l'enfance ? Je pencherais plutôt pour la 2ème explication. Leur but dan la vie était tout simplement ailleurs... C'est triste mais c'est ainsi !. Alors faut-il les "forcer" ? Non surtout pas, elles choisissent en effet ce qu'elles veulent ; mais l'informatique perd des talents en écartant justement (inconsciemment, admettons) des femmes qui pourraient apporter d'autres approches, visons, projets, etc. Or la plupart des jeunes filles sont entraînées vers la facilité et l'usage plus que la construction. L'idée ici est de leur donner envie de construire aussi, d'avoir plus de pouvoir sur leur vie en développant des technologies qui les intéressent... Je pense que tout est dans la présentation des choses, il est vrai que l'informatique apparaît très froide... Mais quand on pense à ce que sa maîtrise permet de réaliser, cela devient attirant. Il faut avouer tout de même que la plupart des messieurs des DSI ne sont pas super attirants ni ouverts... (la plupart, pas tous)... Ceux du marketing sont nettement plus "appealing"... Les geek sont carrément repoussants ; doit-on forcément avoir les cheveux sales, le t shirt noir qui pue et manger des chips pour être un bon développeur. ? (et je passe sur le sexisme... ) Bon voilà, rien n'est prévu pour attirer les femmes dans ce secteur mais si les pionniers étaient des femmes, c'est bien que ce'n'est pas un problème (uniquement) de génétique. Offrez des mini ordinateurs avec des jeux de codes à des petites filles, et vous verrez 15 ans plus tard...

  • Tj85710

    J'ai travaillé pendant plus de trente ans dans l'informatique bancaire, à l'époque où lorsqu'on était informaticien on savait tout faire plutôt bien sinon on changeait de métier. J'ai eu des collègues féminines, dans une équipe de plus de cent personnes. Si l'une était exceptionnellement compétente dans le domaine des bases de données et leur maintenance technique, la plupart de celles qui étaient au développement ne participaient qu'à minima à tout ce qui était nouveauté et recherche. Comprenons-nous bien : Elles étaient compétentes, faisaient leur travail proprement, mais n'étaient pas intéressées à découvrir et mettre au point le truc qui facilitait la vie des utilisateurs voire des administrateurs systèmes. Elles ne suivaient pas non plus les progrès des technologies.
    Bien avant ça, pour l'obtention de notre diplôme nous avons travaillé en petites équipes à la création d'un logiciel de gestion commerciale pour une entreprise fictive de textiles. Nous étions quatre dans mon équipe, trois femmes et moi. Nous étions la tête de la classe, et au final aux examens je suis sorti second derrière une de mes condisciples. Pourtant lorsqu'il a fallu nous partager les rôles, mes amies n'ont jamais voulu prendre en mains la conception de notre partie du logiciel.
    J'en déduis que la non-parité reflète surtout des variations de caractères, et que décidément, il n'est pas totalement exclu que la biologie ait un rôle là-dedans. D'autant que dans le contexte de cette formation je suis le seul des quatre à avoir poursuivi une carrière à bon niveau (analyse, architecture, développement, pilotage de projets, etc. Etc. L'Informatique, quoi)

  • nominoe

    Les discothèques attirent les hommes en rendant gratuite les entrées des femmes. Si on fait pareil dans le monde du numérique ce n'est pas très glorieux pour les femmes qui s'y essairaient. Désolé mais travailler sur un clavier numérique avec des faux ongles et des poussières de fard entre les touches n'est pas le meilleur choix. Ce que he veux dire c'est que les femmes sont aussi bonnes ou meilleures que les hommes dans tous les domaines y compris numériques surtput quand elles fuient les codes et modes des femmes faciles. Ou qui font simplement de l'ordinateur pour tchatcher sur Facebook et fureter les articles de mode pour faire cramer la CB.