Ce que révèle l’enquête sur les enregistrements de Benalla

Les investigations prouvent que les portables d’Alexandre Benalla et de Vincent Crase ont été localisés le 26 juillet dans le XVIe arrondissement de Paris. Au même endroit et au même moment que ceux de l’ancienne cheffe de la sécurité de Matignon et de son compagnon…

 Alexandre Benalla, le 26 février à Paris.
Alexandre Benalla, le 26 février à Paris. AFP/Jacques Demarthon

    L'enquête sur les enregistrements d'une conversation entre Alexandre Benalla et Vincent Crase, diffusés par Mediapart, progresse à grands pas. Les policiers de la brigade criminelle de Paris, chargés de faire la lumière sur les conditions dans lesquelles ces derniers ont été réalisés, ont découvert des éléments accréditant la thèse d'une rencontre au domicile de Marie-Elodie Poitout, l'ex-chef de la sécurité de Matignon, le 26 juillet dernier. C'est ce qui ressort de l'analyse comparative des données téléphoniques.

    Ainsi, ce jour-là, le portable de la commissaire Poitout émet depuis un relais couvrant son domicile dans le nord du XVIe arrondissement. Or, à 12h01, la ligne d'Alexandre Benalla borne dans le même quartier. Il y a encore plus troublant. Deux heures plus tard, le téléphone de Vincent Crase active un relais situé à proximité de l'appartement de la chef de la sécurité de Matignon.

    À 19h46, les policiers constatent que les téléphones de Benalla, de Crase et de Marie-Elodie Poitout émettent tous depuis la même zone. Trente-sept minutes plus tard, c'est au tour de la ligne de Chokri Wakrim, compagnon de la commissaire et sous-officier des forces spéciales, d'être localisée près du domicile de cette dernière.

    La version de la commissaire Poitout mise à mal

    Les quatre protagonistes se trouvent donc au même moment dans le même périmètre, qui va de l'intersection des rues de Longchamp et de la Pompe aux abords de la place de l'Etoile. La date de la rencontre a son importance : s'il s'agit du 26 juillet. Alexandre Benalla et Vincent Crase, mis en examen pour les violences du 1er mai, n'avaient pas le droit de se rencontrer. C'est d'ailleurs ce qui a valu à l'ex-collaborateur de l'Élysée et à son acolyte d'être brièvement incarcérés.

    Ces découvertes téléphoniques affaiblissent la version de la commissaire Poitout. Interrogée le 5 février par les enquêteurs, elle reconnaissait avoir déjà accueilli à son domicile Alexandre Benalla à la fin du mois de juillet, évoquant sans plus de précisions la date « du 30 ou du 31 ». Mais elle réfutait connaître Vincent Crase, répétant que ce dernier n'est jamais venu dans son appartement.

    De même, elle assurait avoir interrogé son compagnon sur l'hypothèse d'une rencontre organisée à son insu : celui-ci aurait nié catégoriquement. Ce vendredi soir, la commissaire Poitout n'avait pas répondu à nos sollicitations.

    Y a-t-il eu un montage ?

    Les déclarations de son conjoint, Chokri Wakrim, devront elles aussi être vérifiées à l'aune de ces nouveaux éléments. Selon sa version, une seule rencontre avec Benalla aurait eu lieu à la fin juillet, sans autre participant, dans le XVIe. Sollicité, l'avocat de Wakrim n'a pas donné suite. Quant à Alexandre Benalla, entendu le 19 février par les juges, il a refusé de répondre à toute question sur ces enregistrements.

    Comment ces extraits sonores ont-ils été captés ? Les enquêteurs de la crim ont reçu le premier rapport d'expertise. Dans ses conclusions du 12 février, un spécialiste de la police technique et scientifique indique que ces captations n'ont « pas transité par une ligne téléphonique » (il ne s'agirait donc pas d'une écoute). Il estime a contrario qu'ils « ont pu être réalisés par un microphone d'un smartphone », sans écarter totalement la piste d'une sonorisation de l'appartement.

    L'expertise devra bien sûr déterminer si les enregistrements ont été modifiés. Devant les juges, Vincent Crase a dit ne pas exclure qu'un montage ait été réalisé, précisant qu'il ne peut pas dire s'il s'agit de sa voix. À l'oreille, l'expert estime que les voix correspondent bien à celles de Benalla et de Crase, même si « les données techniques apportent quelques différences par endroits », ce qui nécessite des analyses plus poussées.

    La géolocalisation des quatre téléphones portables au même moment dans un périmètre identique renforce l'hypothèse d'une rencontre chez la chef de la sécurité de Matignon. Et ce d'autant que les appareils ont ensuite été éteints quasi simultanément. Ces soupçons ont cependant été jugés insuffisants par la chambre de l'instruction de Paris pour maintenir en détention Alexandre Benalla et Vincent Crase. Tous deux ont été remis en liberté mardi et placés sous contrôle judiciaire.