Des étudiants syriens manifestent contre la fermeture de plusieurs universités par les jihadistes de l'organisation Hayat Tahrir al-Cham (HTS), à Idleb (nord-ouest de la Syrie), le 9 février 2019

Des étudiants syriens manifestent contre la fermeture de plusieurs universités par les jihadistes de l'organisation Hayat Tahrir al-Cham (HTS), à Idleb (nord-ouest de la Syrie), le 9 février 2019

afp.com/OMAR HAJ KADOUR

Parce qu'ils n'avaient pas les autorisations requises, une dizaine d'établissements privés dans ce secteur du nord-ouest de la Syrie ont été fermés depuis janvier après que les jihadistes de HTS ont étendu leur emprise sur la majeure partie de la province, au terme de combats meurtriers.

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Ces universités, dans des régions autrefois sous contrôle rebelle, fonctionnaient sans contraintes.

Mais l'administration civile mise en place par les jihadistes, le "Gouvernement du Salut", cherche désormais à encadrer l'enseignement universitaire et seuls quelques établissements ont les accréditations nécessaires.

Les frais de scolarité y sont exorbitants, dénoncent les étudiants mécontents qui refusent tout transfert et militent pour la réouverture de leurs facultés.

"Notre avenir est compromis par les décisions injustes prises à l'encontre de notre université et nous ne le permettrons pas", tonne Moudar al-Darwich, jeune étudiant de Maaret al-Noomane, s'adressant à une foule de manifestants.

Pour cet étudiant en médecine de 28 ans, la fermeture des universités est une forme de racket de la part des autorités.

A Maaret al-Noomane, le jeune homme ne payait que 300 dollars de frais annuels. Dans les universités agréées, il devra débourser des sommes bien plus élevées.

"Ils nous disent aujourd'hui +Allez vous inscrire dans d'autres universités+. Mais on n'a pas les moyens de payer 1.800 dollars", lâche M. Darwich.

Rien que dans son université, 1.700 étudiants sont concernés, explique-t-il.

- "Université du dollar" -

A Maaret al-Noomane, le campus est désert, a constaté un journaliste de l'AFP. Les entrées principales ont été cadenassées. Le bâtiment porte encore les séquelles d'anciens bombardements.

"Les universités du +Gouvernement du Salut+ sont comme des entreprises commerciales", déplore Mohamed al-Chahoud, 23 ans, étudiant en soins infirmiers. "Ce sont les universités du dollar", ironise-t-il.

Après deux semaines de manifestations, les étudiants ont transféré leur mouvement dans la ville d'Idleb, devant le siège du Conseil de l'Enseignement supérieur qui collabore avec le "Gouvernement du Salut".

Ils y ont brandi des banderoles et scandé des slogans contre le président du Conseil, avant de bloquer l'accès au bâtiment.

Mais la mobilisation a tourné court: HTS a érigé des barrages de contrôle pour empêcher l'entrée des étudiants dans la capitale provinciale. Les jihadistes ont aussi menacé de procéder à des arrestations.

Il y a aussi les bombardements du régime du président Bachar al-Assad, qui ont repris ces deux dernières semaines, ou encore les attentats suicide et les attaques à la bombe qui ont frappé Idleb dernièrement, alors que des luttes intestines opposent jihadistes et rebelles.

Dans un pays ravagé depuis 2011 par une guerre ayant fait plus de 360.000 morts, la province d'Idleb échappe depuis 2015 au régime.

Si les diplômes dispensés ne sont pas reconnus par le pouvoir de Damas et à l'étranger, ils peuvent permettre de trouver un travail localement.

- Cours dans la rue -

Seules huit universités sont aujourd'hui accréditées par le Conseil de l'Enseignement supérieur.

Selon son président, Majdi al-Hassni, l'objectif de l'institution est "d'encadrer" et d'harmoniser les cursus, pour assurer un "enseignement de qualité".

"Il existe plus de 13 institutions éducatives qui fonctionnent sans régulations ni aucune surveillance", déplore-t-il.

"Les programmes universitaires ne doivent pas être identiques à 100%, mais il faut qu'il y ait un certain consensus", avance-t-il.

Il dit comprendre la réaction des étudiants, et promet la création d'une commission spéciale pour examiner les cas concernés.

Certains enseignants ont pris part à la mobilisation, à l'image d'un médecin-légiste et d'un autre professeur de la faculté de médecine qui ont brièvement donné cours dans la rue devant l'entrée du campus à Maaret al-Noomane.

Sur des photos relayées sur les réseaux sociaux, un homme aux cheveux blancs vêtu d'une blouse médicale apparaît devant des étudiants assis sur des chaises en plastique.

Le trottoir lui sert d'estrade, devant le portail vert et le mur d'enceinte de l'université, où sont calligraphiés des versets coraniques.

Mais ces cours improvisés ont aussi été interrompus en raison, notamment, des bombardements du régime.

Avec la fermeture des universités, "c'est notre avenir qui est perdu", déplore Mohamed al-Chahoud. "Beaucoup de jeunes vont abandonner les études, pour rester à la maison ou chercher du travail".

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