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La « bombe scatologique » du président brésilien Bolsonaro sur Twitter

En voulant attaquer le Carnaval de Rio, le chef d’Etat brésilien, qui partage avec Trump un usage frénétique des réseaux, a diffusé une vidéo obscène.

Par  (Sao Paulo, correspondante)

Publié le 06 mars 2019 à 22h41, modifié le 07 mars 2019 à 07h47

Temps de Lecture 10 min.

Le chef d’Etat brésilien Jair Bolsonaro moqué lors du carnaval, ici à Sao Paulo, le 22 février.

Le carnaval touchait à sa fin, quand soudain, Jair Bolsonaro fut pris d’une pulsion moralisatrice. Celui qui prône la défense des valeurs chrétiennes s’est fendu d’un tweet que beaucoup au Brésil qualifiaient, mercredi 6 mars, de « bombe scatologique ».

Le chef d’Etat brésilien a rendu publique une vidéo obscène et non sourcée montrant, notamment, deux hommes se prêtant sur une estrade à l’exercice de la golden shower (une douche d’urine) lors d’un prétendu bloco, un défilé de rue de carnaval. Il a écrit :

« Je ne me sens pas à l’aise de montrer cela, mais nous devons exposer la vérité pour que la population sache et définisse ses priorités. Voilà ce que sont devenus beaucoup de blocos de rue. Commentez et tirez en les conclusions ».

Le carnaval, symbole d’un hédonisme honni par les Eglises évangéliques qui soutiennent Bolsonaro, s’était montré cruel avec le chef de l’Etat, devenu l’objet de caricatures.

Quelques heures plus tard le président s’interrogeait sur Twitter :

« Qu’est-ce qu’une golden shower » ?

Sans tarder, les deux publications ont déchaîné un flot de moqueries et de réactions outrées, allant jusqu’à réclamer la destitution de Jair Bolsonaro. L’attitude du chef de l’Etat « est incompatible avec la dignité, l’honneur et le prestige de sa charge », rappelle le quotidien O Globo, citant le juriste Miguel Reals Junior, coauteur de la demande d’impeachment (destitution) lancée contre la présidente Dilma Rousseff en 2015.

« Médiocre et pathétique »

« Le Brésil est devenu la risée du monde. Le pays semble gouverné par un garçon polisson de douze ans, dont le sujet préféré se résume à la sexualité d’autrui, avec l’intention de diaboliser le carnaval. Bolsonaro n’a pas dépassé le stade anal de Sigmund Freud », a commenté pour sa part le député Chico Alencar, du Parti socialisme et liberté (PSOL, gauche). « Bolsonaro n’est pas à la hauteur de la charge qu’il occupe. Médiocre et pathétique, il démontre chaque fois davantage son impréparation, faisant honte aux Brésiliens », a ajouté Humberto Costa, sénateur pour le Parti des travailleurs (PT, gauche).

Face à ces détracteurs, les soutiens du chef de l’Etat ont riposté avec le mot-clé #BolsonaroTemRazao (Bolsonaro a raison). « Parmi tant de choses que j’admire chez JB [Jair Bolsonaro] il y a sa fidélité à ce qu’il croit. Le pouvoir ne lui est jamais monté à la tête, il n’a pas tourné le dos au peuple, ne s’est pas laissé influencer par les sangsues. Il est vrai ! Une humilité digne d’être applaudie », écrit notamment une internaute, Fernanda Nunes.

Devant l’ampleur du tollé, le palais présidentiel a publié, dans la soirée de mercredi une note affirmant que le président n’avait « pas l’intention de critiquer le carnaval de façon générique », soulignant le caractère précieux d’une « fête populaire » et « démocratique ».

Jair Bolsonaro est un habitué des polémiques. Lors de sa carrière de député, de 1991 à 2018, l’ancien capitaine d’infanterie a multiplié les déclarations vulgaires, les propos homophobes, misogynes ou racistes, qui n’ont pas empêché son élection haut la main en octobre 2018. Mais au grand dam d’une partie de son entourage, ce style ne l’a pas quitté depuis son arrivée au sommet de l’Etat.

« Jair Bolsonaro démontre peu à peu l’étendue de sa futilité. Depuis son investiture il donne, non pas l’impression d’être un président mais une figure décorative qui commente un film qui lui déplaît, s’attaque à des actrices et maintenant s’en prend au carnaval, qui est extrêmement populaire au Brésil. Il se transforme progressivement en une sorte de reine d’Angleterre dans une version macabre », analyse le philosophe Vladimir Saflate.

Plus que 39 % d’opinions favorables

L’impulsivité du chef d’Etat brésilien et son usage frénétique des réseaux sociaux, à l’instar de son homologue américain Donald Trump, qu’il admire sans nuance, masque aussi une fragilité que le président traduit en agressivité.

En moins de deux mois, le leader de l’extrême droite a dévissé dans les sondages, perdant peu à peu son crédit. Quelques jours après sa prise de fonctions, plus de 70 % de la population jugeait que Jair Bolsonaro et son gouvernement étaient sur la bonne voie selon Datafolha. Mais fin février, une étude de l’institut CNT/CMA révélait que les Brésiliens n’étaient plus que 39 % à avoir une opinion positive sur le président.

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Aux affaires de détournement de fonds visant sa formation politique – le Parti social-libéral (PSL) – se sont ajoutés les soupçons de malversations visant son fils, Flavio. Jair Bolsonaro a aussi suscité le malaise au sein de la communauté financière, qui s’est affligée de sa prestation au Forum économique mondial de Davos (Suisse).

En politique étrangère, ses accents belliqueux envers le Venezuela de Nicolas Maduro ont obligé les militaires, présents en masse au sein de son gouvernement, à reprendre en main le dossier de la crise vénézuélienne pour éviter au Brésil de se lancer dans un conflit coûteux, impopulaire et incertain. Impulsif, agressif, médiatique, Jair Bolsonaro laisse planer le sentiment d’être débordé par sa fonction.

« Il est peu probable que Bolsonaro soit, à ce stade, victime d’un impeachement. Mais il est clair qu’il perd peu à peu le contrôle de la situation au profit des militaires », observe le politologue Ruda Ricci.

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