Définition : qu'est-ce que l'endométriose ?
L’endométriose est une maladie gynécologique fréquente. Elle se caractérise par la présence pathologique de tissu utérin dans des régions autres que l’utérus. Le plus souvent, les régions touchées sont les organes génitaux, urinaires et anaux, bien que d’autres parties du corps soient parfois atteintes. Les cellules de ces tissus se comportent comme celles retrouvées dans la cavité utérine, c’est-à-dire sous l’influence des hormones sexuelles féminines (estrogènes et progestérone).
Lors de modifications hormonales comme les menstruations, la patiente peut ressentir des douleurs dans les parties du corps touchées. Ces douleurs résultent de lésions formées par ces cellules. Alexandra Arfi, gynécologue- obstétricienne à l’Hôpital universitaire Est Parisien site Tenon AP-HP.
L’autre symptôme caractéristique de la maladie est une infertilité : « Certaines patientes découvrent leur endométriose lors d’une consultation gynécologique alors qu’elles ne parviennent pas à tomber enceintes », ajoute la spécialiste. Il arrive que ces signes permettent le diagnostic, mais « certaines patientes sont asymptomatiques et l’endométriose n’affecte finalement pas leur qualité de vie ».
Les causes de la maladie restent à clarifier. Les traitements visent d’abord à soulager la douleur par les anti-inflammatoires. Si ces derniers ne sont pas efficaces, le médecin peut proposer des traitements hormonaux, voire la chirurgie en dernière intention.
Combien de femmes sont concernées ?
L’endométriose est une pathologie fréquente : en France, elle affecterait près d’une femme sur dix (source 1) soit 2 millions de femmes (source 2). En réalité, 40 % des femmes qui souffrent de douleurs pelviennes lors de leurs menstruations seraient touchées par la maladie.
Quelles sont les zones affectées ?
Les patientes ressentent des douleurs :
- dans la majorité des cas au niveau des ovaires, du vagin, les ligaments utéro-sacrés du rectum et de la vessie ;
- plus rarement d’autres régions sont touchées comme les poumons et exceptionnellement le cerveau (seuls deux cas d’atteintes cérébrales ont été rapportés (source1).
Les lésions de l’endométriose peuvent être des nodules (formations anormales, arrondies, palpables dans ou sous la peau, qui peuvent être des tumeurs bénignes ou malignes) superficiels ou profonds ou des kystes (tumeurs bénignes remplies de liquide) qui siègent et tendent à se multiplier sur les organes concernés.
Ajoutons que l’endométriose est parfois responsable d’une adhérence entre les organes : la maladie tend à « coller » les organes entre eux par des phénomènes inflammatoires.
Quelles sont les différentes formes d’endométriose ?
Selon la localisation des lésions, il existe deux formes d’endométriose :
- l’endométriose externe : des morceaux de tissu endométrial se développent soit dans le péritoine pelvien (recouvre les organes de la cavité abdominale dans sa partie inférieure), soit au niveau des ovaires ou de la cloison rectovaginale (séparant le rectum du vagin) ou du ligament utéro-sacré (entre l’utérus et le sacrum). Exceptionnellement, elle peut se situer au niveau d’autres organes dans l’abdomen (intestin…) ;
- l’endométriose interne (ou adénomyose) localisée au niveau de la paroi musculaire de l’utérus (myomètre).
Alors que l’endométriose externe se manifeste généralement chez la femme de 25-30 ans et est souvent la cause d’une stérilité (dans 25 à 50 % des cas), l’adénomyose se développe plus souvent chez la femme de 40-50 ans, avant la ménopause.
L’étendue des lésions permet de définir le score de gravité (stade 1 à 4).
Il s’agit d’une maladie douloureuse qui réclame une prise en charge adaptée.
Causes : qu'est-ce qui provoque cette maladie gynécologique ?
Les mécanismes de l’endométriose
Il existe un grand nombre de théories qui tentent d’expliquer le développement de l’endométriose. La principale est celle du reflux menstruel : elle suggère que des reflux de sang pendant les menstruations sont à l’origine de la maladie. En effet, pendant les règles, tout le sang n’est pas évacué. Une partie est retenue dans le vagin et atteint la cavité abdominale en passant par les trompes. Le sang transporte alors avec lui des cellules utérines et des fragments d’endomètre. Un nouveau foyer de cellules endométriales est alors susceptible de se propager au niveau du péritoine puis d’autres organes. Néanmoins la rétention de saignements pendant les règles concernerait pratiquement toutes les femmes, alors que seulement 10 % d’entre elles développent une endométriose.
D’autres théories optent pour un phénomène de métaplasie (source 3) : le tissu du péritoine pourrait se transformer en d’autres tissus tels que le tissu endométrial. Des travaux suggèrent que cette transformation serait liée à l’action des hormones sexuelles. Certains suggèrent que cette transformation en cellules utérines pourrait aussi concerner les vestiges du canal de Müller.
Enfin certains scientifiques soutiennent simplement qu’à l’instar des cellules cancéreuses, les cellules endométriales pourraient s’étendre à l’organisme par l’intermédiaire de la circulation sanguine et lymphatique (source 4). C’est la thèse métastatique.
Il est possible que la réalité corresponde à une conjonction de ces trois grandes théories ainsi que certains facteurs de risques d’ordre génétique et environnemental.
Des facteurs de risques génétiques et environnementaux
L’origine de la maladie reste encore mystérieuse. Cependant il existe à ce jour un grand nombre d’hypothèses pouvant expliquer le développement de l’endométriose.
La piste génétique
Des mutations génétiques ont été identifiées (source 5), notamment celle du gène Kras (source 6). « Toutefois, l’endométriose n’est pas une maladie génétique. Nous retrouvons des patientes qui n’ont aucun antécédent familial par exemple. Il est préférable de parler de susceptibilité génétique », selon la spécialiste.
La piste environnementale
- Les diotoxines : il existerait une relation possible entre l’exposition aux organochlorés et la prévalence accrue de l’endométriose dans les pays développés, et la dioxine serait incriminée dans cette augmentation (sources 7 et 8). Les mécanismes ne sont pas clairs et aujourd’hui fortement remis en cause. Toutefois des travaux démontrent des dysfonctionnements hormonaux et inflammatoires liés aux dioxines.
- Les phtalates contenus dans les tampons hygiéniques : trois études évaluant l’impact possible d’une exposition des femmes aux phtalates sur le risque d’endométriose ont été répertoriées (source 9). Au vu de ces travaux, l’Inserm a conclu que les preuves de l’existence d’un lien entre phtalates et endométriose restent à ce jour très limitées (source 10).
La piste auto-immune
Des travaux mettent en évidence une plus grande activation des cellules immunitaires et inflammatoires telles que les macrophages, les cytokines, les interleukines… (source 3). Cependant nous ignorons si l’augmentation de ces marqueurs est la cause ou la conséquence de la maladie. En outre, l’endométriose n’est associée à aucune autre maladie auto-immune.
Principaux symptômes de l'endométriose
Les deux grands symptômes de l’endométriose sont la douleur et l’infertilité.
Les douleurs endométriales
- Des douleurs pelviennes fréquentes et surtout pendant les menstruations. Nous parlons dans ce cas de dysménorrhée ;
- Des douleurs lors de la miction et de la défécation ;
- Des douleurs lors des rapports sexuels ;
- Des douleurs dorsales et lombaires ;
- Des crampes abdominales…
Ces douleurs sont généralement violentes, cycliques, résistantes aux antalgiques, permanentes ou ponctuelles.
L’infertilité
Il n’est pas rare que la patiente découvre la maladie lorsqu’elle et son partenaire ne parviennent pas à concevoir un enfant. « Près de la moitié des femmes qui ont la maladie présentent une infertilité », selon la gynécologue. L’explication scientifique du lien entre la maladie et la stérilité n’est pas clairement élucidée. Des études démontrent néanmoins que les utérus des femmes affectées présenteraient des caractéristiques défavorables à l’implantation d’un embryon (source 1).
Des saignements
- Des règles abondantes et douloureuses.
- Des saignements entre les menstruations.
Des troubles mictionnels
- Gêne ou douleur lors de la miction ou de la défécation.
- Présence de sang dans les urines et les selles.
Des kystes ovariens
Ils passent généralement inaperçus et sont parfois découverts au cours d’une échographie.
Comment faire face à l'endométriose ?
Il n’est pas possible de prévenir, ni de prévoir le déclenchement de l’endométriose. Cependant, une fois la maladie déclenchée et diagnostiquée, il est recommandé :
- d’avoir un suivi gynécologique régulier ;
- de prendre la pilule contraceptive afin d’éviter les crises ;
Examens : comment diagnostiquer une endométriose ?
L’endométriose est une maladie diffuse qui peut atteindre plusieurs organes et provoquer de multiples douleurs. La variation des douleurs, des lésions et des zones touchées explique l’errance médicale à laquelle ont longtemps été confrontées les femmes atteintes d’endométriose. Heureusement, les lignes bougent depuis quelques années et les médecins connaissent mieux la maladie.
Depuis 2016, il existe plusieurs centres de référence qui permettent une meilleure accessibilité pour les femmes touchées par l’endométriose (source 11). Parmi ces derniers, on compte :
- AFENA en Nouvelle-Aquitaine ;
- Endaura en Auvergne, Rhône-Alpes ;
- EndoBFC en Bourgogne et Franche-Comté ;
- Endo’Breizh en Bretagne ;
- EndoCentre en Centre Val de Loire ;
- Endo-IDF est le site internet qui regroupe les 4 filières d’Ile de France ;
- Endoccitanie en Occitanie ;
- EndoSud Paca ;
- FEnM Filière endométriose en Martinique.
Pour avoir la confirmation de la maladie, il est essentiel de pratiquer un bilan complet qui intègre à la fois :
- un examen clinique de la patiente (interrogatoire et toucher vaginal). Lors du toucher vaginal, le médecin peut reconnaître des indurations nodulaires caractéristiques.
- un examen radiologique : plusieurs types d’imageries peuvent être réalisés :
- une échographie pelvienne ;
- une hystérographie (radiographie de l’utérus) ;
- une hystéroscopie (examen endoscopique de l’utérus) ;
- une IRM pelvienne.
Petite révolution dans le dépistage avec l’arrivée d’une nouvelle méthode non invasive de diagnostic en cours d’essai clinique : depuis février 2025, un test salivaire est déployé auprès de 25 000 femmes âgées de 18 à 43 ans, dans 80 établissements de l’Hexagone et en outre-mer. Entièrement remboursé par la Sécurité sociale, les résultats sont disponibles une dizaine de jours plus tard et permettent de diagnostiquer la maladie avant même qu’elle ne soit visible à l’imagerie. Si l’expérimentation est fructueuse, les tests pourraient être accessibles à toutes les femmes.
Les traitements de l'endométriose
La prise en charge de la douleur
Le traitement des douleurs endométriales repose sur :
- La prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, pour soulager les douleurs pendant les règles. « C’est le traitement de première intention, il est ensuite complété si la patiente souffre encore malgré ce dernier », selon la Dre Alexandra Arfi, gynécologue obstétricien.
- La mise en place de traitements hormonaux pour mettre au repos le tissu endométrial particulièrement actif (progestatifs, analogues de la GnRH…) : « C’est le traitement de seconde intention. Généralement, nous prescrivons la pilule contraceptive qui libère des hormones qui se substituent aux hormones naturelles et qui vont perturber, voire bloquer le cycle menstruel naturel », selon la spécialiste.
Les différentes opérations chirurgicales possibles
La chirurgie intervient lorsque le traitement médicamenteux a échoué. La prise en charge chirurgicale de l’endométriose repose sur l’exérèse de l’ensemble des lésions d’endométriose. La complexité du geste chirurgical va dépendre de l’extension de la maladie qui est évaluée le plus précisément possible en préopératoire par un bilan d’imagerie complet.
La chirurgie est effectuée le plus souvent par cœlioscopie. Dans certains cas, en raison de conditions techniques, la chirurgie peut être réalisée par incision directe (laparotomie). Les gestes opératoires possibles sont :
- La résection du torus utérinum et d’un ou des deux ligaments utérosacrés. Il s’agit de la résection d’une lésion envahissant le torus utérinum, une zone située sur la face postérieure de l’utérus au niveau de l’insertion de deux ligaments, que l’on appelle les ligaments utéro-sacrés.
- L’exérèse de kyste (par vaporisation ou fenestration). Il s’agit du traitement des kystes ovariens dus à l’endométriose. Le choix de la technique va dépendre de la taille des kystes et de la réserve ovarienne (stock d’ovocytes). En effet, pour chaque patiente, il faut mettre en balance le risque de récidive par rapport au risque d’altération de l’ovaire par la chirurgie.
- L’hystérectomie totale. Dans certains cas, en fonction de l’étendue des lésions et de l’âge de la patiente, on peut associer une hystérectomie totale, c’est-à-dire une ablation totale de l’utérus (corps de l’utérus et col de l’utérus) le plus souvent conservatrice des ovaires. Lorsqu’elle est réalisée avant la ménopause, cette chirurgie a pour conséquence l’arrêt définitif des règles. En revanche, la conservation des ovaires permet un maintien de la sécrétion hormonale et n’engendre donc pas de ménopause.
- La colpectomie partielle : Il s’agit de l’exérèse d’une pastille de vagin atteint par l’endométriose.
- L’urétérolyse extensive : afin de libérer l’uretère lorsque l’atteinte est très proche de l’uretère, cela peut nécessiter la mise en place en pré-opératoire d’une sonde dans le rein, voire une ré-implantation de l’uretère dans la vessie
- La cystectomie partielle : il s’agit d’une résection d’une partie de la vessie.
- La chirurgie pour lésion digestive : en cas d’atteinte digestive par l’endométriose il existe plusieurs chirurgies possibles. Selon les cas, on effectue une résection superficielle (shaving) sans ouverture du tube digestif, une résection d’une pastille intestinale ou une résection d’un segment intestinal.
La prise en charge de la stérilité
Elle est primordiale pour les femmes jeunes en âge de procréer. En effet, le traitement médicamenteux n’a pas de rôle dans le traitement de la stérilité. L’intérêt de la chirurgie paraît incontestable chez les patientes qui ont des formes modérées ou sévères de la maladie, groupes ou les taux de fertilité spontanés sont faibles voire quasi nuls. Les techniques de procréation médicalement assistée (PMA) et de stimulation ovarienne sont utilisées dans le cadre de l’endométriose.