La victoire des vaincus à propos des gilets jaunes, c’est le titre du nouvel essai d’Edwy Plenel. Au micro de Pascal Claude, dans Matin Première, le cofondateur de Mediapart est revenu sur ce mouvement qui signera son 17e acte ce samedi 9 mars. Pour le journaliste, la leçon qu’il retient de ce qu’il a vu, lors des manifestations de ces gilets jaunes, est que « quelle que soit la diversité de ce mouvement, ses beautés ou ses laideurs, il y a eu un événement inouï qui est le fait qu’une partie du peuple, des travailleurs pauvres, des retraités et des femmes notamment, impose leur propre agenda. C’est ça la victoire des vaincus. Et c’est un événement encore plus inouï car nous n’avions, je crois, jamais vu un mouvement s’emparer de la question démocratique en France ».
Dans son essai, Edwy Plenel défend l’hypothèse que les gilets jaunes, mais aussi tous ces jeunes qui manifestent pour la cause climatique, sont en quelque sorte les passagers d’un train qui tirent la sonnette d’alarme, déclenchent le frein d’urgence pour que ce train d’enfer s’arrête. « Nous savons que nous avons des classes dirigeantes qui nous envoient dans le mur, qui ont déclenché la catastrophe qu’elle soit climatique ou une autre, en grande part par leur avidité et par la destruction des richesses naturelles. La démocratie, ce n’est pas seulement élire des représentants, c’est délibérer et écouter aussi ce qui surgit comme lucidité au coeur du peuple lui-même. »
La violence manifestée par les gilets jaunes lors de leurs protestations sur la place publique a fait la une des médias et fait couler beaucoup d’encre. Dans son essai, Edwy Plenel écrit que « la violence populaire est en écho aux violences étatiques ». Pour autant, il ne soutient pas la violence de certains manifestants en gilets jaunes. Mais, il constate que la violence fait partie de l’histoire française et que parfois, elle est nécessaire pour décrocher certaines conquêtes démocratiques. « C’est être un peu ignorant de notre histoire de croire qu’elle est figée, de ne pas savoir que beaucoup de nos conquêtes démocratiques qui nous paraissent évidentes aujourd’hui, sont nées du fait qu’il a fallu faire levier face à des dominants et face à des pouvoirs qui ne voulaient pas bouger ».
De là à dire que cette violence est légitime ? Il distingue la violence de "ceux qui protègent cet ordre de celle des personnes qui ne sont pas entendues et que l’on ne veut pas écouter. On a regardé les comparutions immédiates des gilets jaunes. Ceux qui ont été déférés en masse avec des peines de prison n’étaient pas des extrémistes. Ce sont des travailleurs pauvres, pour lesquels cette manifestation des gilets jaunes était la première. Ils étaient surpris de voir à quel point ils étaient, non pas considérés, mais tout de suite réprimés". Cette violence s’est aussi exprimée vis-à-vis des journalistes. Il cite dans son essai, "quand la critique illégitime des médias bascule en haine aveugle des journalistes, ce n’est pas seulement le journalisme qui trinque, c’est la démocratie qui trébuche". Pour regagner la confiance des citoyens, le journaliste doit revenir à sa première mission : informer le peuple. "Le journaliste ne doit pas prétendre faire l’histoire à la place de ceux qu’ils doivent servir, c’est-à-dire les citoyens. Il doit être au service d’un droit fondamental des citoyens : le droit de savoir. Le journaliste doit être un Robin des bois qui irait non pas dépouiller les riches, mais qui prendrait ces secrets illégitimes aux pouvoirs politiques et au pouvoir économique et qui les donne au peuple qui a le droit de savoir. Ce journalisme-là rétablira la confiance avec le peuple."