Publié

Des objets personnels, témoignage du vécu de migrants, exposés à Genève

Le photographe Thierry Dana expose sa série "Etre et avoir" avec des clichés d'objets de migrants à Genève
Le photographe Thierry Dana expose sa série "Etre et avoir" avec des clichés d'objets de migrants à Genève / 19h30 / 2 min. / le 9 mars 2019
Le photographe Thierry Dana présente dès vendredi à Genève une exposition qui met en lumière les objets personnels que des requérants d'asile ont réussi à emporter en quittant leur pays. Un travail à découvrir dans le cadre du FIFDH.

Et moi, quel objet aurais-je emporté? C'est la question que le photographe Thierry Dana instille dans l'esprit du visiteur de l'exposition "Être et avoir" à la Maison des arts du Grütli de Genève.

Celui qui a remporté l'émission "La Course autour du monde" en 1981 a composé ce projet avec 25 photographies d'objets personnels de résidents de foyers de l'Hospice général du canton de Genève. Une petite voiture, un permis de conduire, un bracelet ou une mèche de cheveux qui représentent souvent le seul lien fragile de ces requérants avec leur vie d'avant.

Je me suis rendu compte que, depuis que je fais de la photographie, je parle de la mémoire, de ma famille, de notre identité.

Thierry Dana, photographe

Une réalité que Thierry Dana comprend, lui qui a quitté la Tunisie avec sa famille à l'âge de 4 ans. "Évidemment, c'est la raison pour laquelle inconsciemment j'ai traité ce sujet", explique dans le 19h30 le photographe.

"En souvenir du pays"

Dans leurs bagages, en 1961, les parents de Thierry Dana ont amené un petit poisson métallique en Suisse "en souvenir du pays". Et aussi "parce que là-bas, quand on veut porter chance à quelqu'un, on dit: 'Que le poisson soit avec toi'", ont écrit les deux octogénaires en bas de la photographie prise par leur fils.

Car dans son exposition, Thierry Dana ne présente pas de visage, uniquement des objets et trois lignes de témoignages qui permettent d'entrer dans l'intimité des vies qui se cachent derrière ces vestiges.

Le photographe a pu constituer cet inventaire à la Prévert grâce à l'Hospice général, qui lui a ouvert les portes de quatre centres de requérants. "La plupart des gens n'ont rien pu emporter", raconte-t-il. "Soit ils ont perdu leurs possessions lors du voyage, soit ils ont été dévalisés, soit ils ont dû vendre leurs objets pour pouvoir payer leurs différents passeurs."

"Face à un objet neutre, on entre en communication avec le propriétaire"

Pour le photographe, un objet n'a ni sexe, ni religion, ni couleur de peau. "C'est neutre", estime-t-il. "Et face à un objet neutre, on entre en communication avec le propriétaire de l'objet."

Avec Roine par exemple, un requérant mal-voyant de 25 ans qui porte toujours sur lui une photographie de sa mère. "Je ne peux pas voir ma maman sur cette photo de visu, mais rien que le fait de savoir que je l'ai me rappelle les derniers moments que j'ai passés avec elle sur son lit d'hôpital", confie le jeune Camerounais. "Quand j'ai de la peine ou que je suis angoissé, je prends cette photo et cela me guérit."

Des objets du quotidien qui revêtent une importance particulière aux yeux des requérants et devenus oeuvres d'art aux yeux des visiteurs.

Julie Evard/tmun

>> L'exposition "Être et avoir" est à découvrir à la Maison des arts du Grütli du 8 au 17 mars dans le cadre du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH)

Publié