Des dizaines de milliers d'organes prélevés sans consentement alimentent un vaste marché de la transplantation en Chine. L'horreur est connue depuis plus de dix ans. Ce qu'on savait moins, c'est que les prélèvements effectués qui - de fait - condamnent à mort les détenus, ainsi que les greffes qui s'en suivent, sont utilisés pour fournir la recherche en données médicales... pour les publier dans les plus grandes revues scientifiques anglo-saxonnes. Plus de 400 études nourrissant la recherche sur la transplantation d'organes et le développement de médicaments anti-rejets seraient concernées. C'est ce que révèle une équipe australienne de médecins, philosophes et membres d'ONG qui a fait les comptes dans le BMJ.
Plus de 80.000 transplantations suspectes
Dirigée par Wendy Rogers, professeure d'éthique médicale à l'université Macquarie (Sydney, Australie), l'équipe a analysé les 445 études scientifiques publiées entre 2000 et 2017 dans des revues médicales anglophones portant sur des transplantations faites en Chine. Ce qui représente 85.477 opérations, pour autant d'organes : foies, reins et cœurs essentiellement. Pour 439 d'entre elles, il était impossible de trouver trace écrite du consentement des "donneurs". 412 étaient dans l'incapacité de dire si, oui ou non, les organes utilisés provenaient de personnes exécutées. Même les revues prestigieuses du domaine comme le Journal of American Transplantation et le journal officiel de la Transplantation Society qui sont dotées de règles claires en la matière n'étaient pas épargnées.
Des dizaines de milliers d'organes prélevés sans consentement alimentent un vaste marché de la transplantation en Chine. L'horreur est connue depuis plus de dix ans. Ce qu'on savait moins, c'est que les prélèvements effectués qui - de fait - condamnent à mort les détenus, ainsi que les greffes qui s'en suivent, sont utilisés pour fournir la recherche en données médicales... pour les publier dans les plus grandes revues scientifiques anglo-saxonnes. Plus de 400 études nourrissant la recherche sur la transplantation d'organes et le développement de médicaments anti-rejets seraient concernées. C'est ce que révèle une équipe australienne de médecins, philosophes et membres d'ONG qui a fait les comptes dans le BMJ.
Plus de 80.000 transplantations suspectes
Dirigée par Wendy Rogers, professeure d'éthique médicale à l'université Macquarie (Sydney, Australie), l'équipe a analysé les 445 études scientifiques publiées entre 2000 et 2017 dans des revues médicales anglophones portant sur des transplantations faites en Chine. Ce qui représente 85.477 opérations, pour autant d'organes : foies, reins et cœurs essentiellement. Pour 439 d'entre elles, il était impossible de trouver trace écrite du consentement des "donneurs". 412 étaient dans l'incapacité de dire si, oui ou non, les organes utilisés provenaient de personnes exécutées. Même les revues prestigieuses du domaine comme le Journal of American Transplantation et le journal officiel de la Transplantation Society qui sont dotées de règles claires en la matière n'étaient pas épargnées.
Les auteurs relèvent ainsi qu'il "existe un grand nombre de recherches non éthiques publiées, ce qui pose des questions de complicité, dans la mesure où le milieu de la transplantation utilise les résultats de cette recherche et en tire des avantages. Notre étude a identifié l’étendue de ce problème ainsi que des documents spécifiques contenant des affirmations manifestement fausses sur l’approvisionnement en organes. Les examinateurs, les rédacteurs en chef et les éditeurs (des revues scientifiques, ndlr) ont manqué de vigilance et n’ont pas respecté les normes éthiques reconnues. Les chercheurs et les cliniciens qui utilisent ce corpus risquent d’être complices en acceptant implicitement les méthodes chinoises d’obtention d’organes. Nous appelons à la rétractation immédiate de tous les documents faisant état de recherches fondées sur l’utilisation d’organes provenant de prisonniers exécutés, et à la tenue d’un sommet international pour élaborer une politique future en matière de recherche sur la transplantation chinoise."
Interdiction officielle en 2015
Autrement dit, quiconque, médecin, chercheur, revue scientifique ou laboratoire pharmaceutique utiliserait de près ou de loin les données de ces études se rendrait complice du système chinois d'obtention des organes. Très loin des règles d'éthique médicale qui prévalent en Occident. La question se pose : une étude scientifiquement valide peut-elle être rétractée en raison d'une transgression éthique ? Oui, cela arrive. Début 2017, Wendy Rogers, déjà, avait convaincu le journal spécialisé Liver International de retirer une étude portant sur les suites de 564 greffes de rein réalisées à l'hôpital universitaire de Zhejiang. Elle avait montré qu'il était impossible que ce seul hôpital ait pu récupérer autant de reins utilisables en quatre ans dans les conditions rapportées par les auteurs. Mais supprimer 400 études du corpus serait une autre affaire.
Le prélèvement d'organes sur prisonniers condamnés à mort n'a été officiellement interdit qu'en 2015 en Chine. Mais dans les faits, les registres nationaux de donneurs d'organes mis en place pour normaliser les circuits et garantir l'arrêt de ces prélèvements non éthiques ne permettent toujours pas de s'assurer de la fin de cette pratique. Il est de fait impossible de tracer les origines des organes. En 2016, l'ancien député canadien David Kilgour, qui avait été le premier en 2006 à dénoncer la situation en Chine, a publié un nouveau rapport accablant. Montrant qu'entre 60.000 et 90.000 opérations de ce genre avaient eu lieu en Chine en 2015, contre seulement 10.000 greffes d'organes officiellement déclarées. Des données d'autant plus inquiétantes que la Chine est soupçonnée de réaliser les prélèvements forcés d'organes sur ses prisonniers d'opinions comme les Ouighours et les pratiquants du Falun Gong, deux minorités persécutées.