On a beau, à Marseille, l’appeler « la Maison du fada », la Cité radieuse construite sur le large et cossu boulevard Michelet, par Le Corbusier en 1952, fait partie des emblèmes du patrimoine local. Mondial, aussi, puisque l’ensemble de l’œuvre du génial architecte franco-suisse a été inscrit en juillet 2016 par l’Unesco dans son classement.

Voilà cette inscription potentiellement menacée. Au sein du tout nouveau Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de la métropole Aix-Marseille, dont l’enquête publique vient de s’achever, le secteur autour du village vertical du « Corbu » fait l’objet d’une orientation d’aménagement et de programmation (OAP) spécifique.

Elle envisage, aux abords immédiats de la Cité, la construction d’un millier de logements répartis entre pavillons, immeubles de différentes hauteurs et trois « tourelles » d’une cinquantaine de mètres de haut.

Critiques contre un aménagement « non respectueux »

« C’est très bien d’aménager la ville. Seulement, il faut respecter un certain nombre de procédures, notamment de signalement à l’Unesco, et là ce n’est pas le cas », regrette Brigitte Bouvier, directrice de la Fondation Le Corbusier qui détient le droit moral sur le travail de l’architecte.

Elle déplore, notamment, « un aménagement non respectueux des préconisations de l’Unesco que connaît parfaitement la Ville de Marseille », comme le non-respect des exigences de la « zone tampon » qui protège le site ou la détérioration des « cônes de vue » (ces cônes angulaires sous lesquels on peut apprécier un édifice). Aucune enquête d’impact patrimonial n’a, en outre, été entreprise.

Comme le rapport de l’Architecte des Bâtiments de France qui, cité par le journal Marsactu, déplore un maillage d’immeubles trop dense, Brigitte Bouvier craint que ces travaux viennent « dégrader la valeur du site » et remettre en cause le label décerné par l’Unesco à la Cité radieuse marseillaise. Mais aussi, par ricochet, à toute l’œuvre internationale de Le Corbusier.

Ces dix-sept édifices ont été labellisés d’un seul bloc : si l’un d’entre eux ne respecte pas le cahier des charges, c’est l’ensemble qui pourrait être déclassé. À l’Unesco, à Paris, on explique que « les processus de déclassement sont rares et le fruit d’une procédure spécifique », mais on assure suivre l’affaire avec une attention soutenue.

La métropole marseillaise cherche à rassurer

Perdre le label de l’Unesco ? « Jamais de la vie ! », rétorque Laure-Agnès Caradec vice-présidente de la métropole marseillaise, en charge du PLUi. L’élue cherche à calmer les esprits : « L’objectif est de réfléchir à l’évolution de ce secteur en prenant évidemment en compte les éléments patrimoniaux que sont la Cité radieuse et l’immeuble Le Brasilia (érigé dans les années 1960 et classé également au patrimoine du XXe siècle). Ce projet n’est pas encore abouti, le travail va continuer. Les trois tourelles mentionnées n’auront, par exemple, pas forcément la même hauteur. »

Rien qui apaise la colère des habitants et défenseurs de l’Unité d’habitation. Les membres du collectif Michelet-Sainte-Anne-Le Corbusier ont lancé une pétition signée par près de 2 800 personnes. Elle rejette l’idée d’un site qui « enserré entre de denses îlots » ne serait « plus visible que depuis quelques fenêtres étroites. »