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"Quand elle a dit ses premiers mots, je n'étais pas avec elle"

Nounous étrangères
Nounous étrangères / Mise au point / 13 min. / le 10 mars 2019
Aujourd’hui, en Suisse, 30'000 femmes gardent des enfants alors qu’elles sont elles-mêmes séparées de leurs enfants restés au pays. L'émission Mise au point lève un coin du voile sur une réalité peu connue.

Migrantes, certaines de ces femmes passent plus de temps avec les enfants qu’elles gardent qu’avec leurs propres enfants. A l’image d’Eladet Arcade, 39 ans.  Née aux Philippines, elle est arrivée en Suisse en 2007 pour travailler comme nounou. Mais en quittant son pays, elle a également quitté ses deux enfants: un garçon âgé de 8 ans et une petite fille de 9 mois.

Elle les a confiés à leurs grands-parents. "C’était très difficile pour moi en tant que maman de quitter ma fille de 9 mois. Je l’allaitais toujours", raconte Eladet Arcade. "Quand elle a dit ses premiers mots, je n’étais pas avec elle. J’étais en Suisse". Lorsqu’elle a pu rentrer aux Philippines pour la première fois, sa fille fêtait ses 6 ans.

Ce sacrifice, elle le fait pour assurer un avenir à ses enfants. Avec son travail en Suisse, Eladet Arcade gagne entre 1200 et 2500 francs par mois. Elle envoie une partie de cet argent à sa famille. Elle a également pu construire une maison aux Philippines.

Très longue séparation

Dans une étude sur les femmes migrantes et l’externalisation du travail domestique, l’ethnologue Laetitia Carreras explique: "Ces travailleuses sont attirées par une offre de travail dans les ménages privés. Il y a d’une part, un manque patent d’infrastructure dans le secteur de la petite enfance et des personnes âgées. À cela s’ajoute l’"inégale" répartition du travail domestique entre femmes et hommes, situation qui oblige fréquemment les femmes en couple et qui ont une activité professionnelle à le déléguer.

Principalement venues des Philippines ou d’Amérique du Sud (Brésil, Colombie, Equateur ou Bolivie), ces femmes restent parfois séparées de leurs enfants pour une longue durée. Plus de 10 ans. Certaines font des allers-retours, d’autres ne peuvent pas pour des raisons de visas. Il arrive aussi qu’une partie seulement des enfants soient restés au pays.

Toutes espèrent faire venir leurs enfants une fois la situation en Suisse stabilisée. Mais les retrouvailles peuvent être compliquées.

Viviane Gabriel/nr

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