Récit

Maternité : des fermetures au forceps

Des 814 établissements français dédiés à la naissance il y a un peu plus de vingt ans, seuls 470 sont encore en activité, dont plusieurs menacés. Si des raisons de sécurité sont régulièrement avancées par les autorités, la désertification obstétrique est elle-même source de risques.
par Eric Favereau
publié le 11 mars 2019 à 19h56

Elle a surgi sans crier gare. La fermeture de maternités s’est imposée dans le grand débat national alors même que les questions d’accès aux soins ne figuraient pas au programme. Au fil des rencontres, de plus en plus de maires, d’élus, mais aussi de simples citoyens ont soulevé cette problématique, s’inquiétant des déserts médicaux. Et cette peur s’est cristallisée autour de la fermeture des maternités, alimentée par le double discours des autorités, qui d’un côté parlent de l’importance des territoires mais de l’autre ferment des établissements de santé.

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Des exemples ? Lourdes (Hautes-Pyrénées), Die (Drome), Le Blanc (Indre), et depuis lundi, Bernay (Eure). A chaque fois, une forte mobilisation s’est mise en place pour défendre la maternité. A chaque fois en vain. Et selon la Cour des comptes, il y aurait encore près d’une dizaine de maternités à deux doigts de la fermeture. Certaines en raison d’un nombre de naissances insuffisant (moins de 300, chiffre officiel retenu), d’autres faute d’un personnel compétent suffisant.

Situation tendue

Ainsi, les maternités de Creil (Oise), d'Altkirch (Haut-Rhin) ou de Guingamp (Côtes-d'Armor) ont un avenir incertain. A Montluçon (Allier), la situation est «critique du fait d'une attractivité faible», selon la cour. A Beaumont, près de Clermont-Ferrand, la maternité de la clinique de La Châtaigneraie «a connu une baisse importante de sa fréquentation depuis la mise en service» de la maternité du CHU voisin. En 1996, la France comptait 814 maternités, contre 470 en 2019. Jusqu'où va-t-on aller ? Les autorités sanitaires mettent en avant l'argument de la sécurité : lorsqu'il y a peu de naissances, les équipes peuvent perdre en vigilance, et donc en qualité. «Un accouchement n'est pas un acte médical anodin. Il peut mal se passer, et s'il se passe mal, il faut un bloc opératoire prêt à intervenir, répète le professeur Israël Nisand, à l'origine d'une pétition récente qui justifie ces fermetures. Si l'on garde les choses en l'état, cela va coûter des vies humaines et on dira que c'est la faute des médecins.»

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Certes. Mais aujourd'hui, la situation est tendue. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) publiée fin janvier, 167 000 Françaises vivent désormais dans un désert obstétrique. Ces femmes «résident dans une commune sous-dense en sages-femmes». Et si l'on prend le critère de localisation, à savoir habiter «à quarante-cinq minutes ou plus de la maternité la plus proche», l'Hexagone présente environ 13 000 communes. Ce qui correspond à «près de 8,3 millions de personnes, dont 1,6 million de femmes âgées de 15 à 49 ans, dites en âge de procréer».

Drame

Le problème est donc bien réel : comment concilier proximité et sécurité, surtout à un moment où la démographie médicale flanche ? Ces derniers jours, un drame s’est déroulé à Die. Alors que depuis janvier 2018, la ville ne dispose plus de maternité ni de bloc chirurgical, une jeune femme a perdu son enfant in utero le 18 février, faute d’un hélicoptère rapidement disponible. Une enquête a été ouverte par les autorités de santé.

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