“Désastre”, “humiliation historique”, “calvaire”, “débâcle parlementaire”… Mardi soir, la presse européenne n’avait pas de mots assez durs pour décrire le nouveau camouflet imposé par Westminster à Theresa May.

À dix-sept jours de la date prévue du Brexit, les députés de la Chambre des communes ont rejeté, par 391 voix contre 242, l’accord de retrait que leur présentait pour la seconde fois la Première ministre, plongeant le Royaume-Uni dans une crise politique d’une gravité sans précédent depuis plusieurs générations. “En temps normal, dans des circonstances pareilles, tout chef de gouvernement aurait démissionné”, note Luigi Ippolito, le correspondant du Corriere della Sera à Londres. “Mais les temps dans lesquels nous nous trouvons ne sont plus normaux.”

“La gouvernance malheureuse de Theresa May est maintenant terminée”

Pour de nombreux journaux européens, ce nouveau revers signe toutefois clairement l’échec définitif de Theresa May à trouver une solution au Brexit. Au milieu des incertitudes générées par ce nouveau rejet d’un accord, “une chose est de plus en plus claire : la gouvernance malheureuse de Theresa May est maintenant terminée”, analyse The Irish Times. “Elle a montré son incapacité à faire voter un accord aux Communes. Et sa tactique consistant à lécher les bottes du lobby des Brexiters et du Parti unioniste nord-irlandais s’est retournée de manière spectaculaire contre elle.”

Immédiatement après avoir rejeté le traité de Brexit, les députés britanniques se prononcent mercredi sur la possibilité de sortir de l’Union européenne sans aucun accord. Une telle solution “ne fera qu’approfondir les divisions au sein de la société” britannique, prévient le journaliste de la Frankfurter Allgemeine Zeitung Jochen Buchsteiner.

Mercredi, un groupe de députés devrait mettre sur la table un plan alternatif prévoyant de repousser le Brexit jusqu’au 22 mai, avec une série d’accords provisoires avec l’UE jusqu’en 2021. Si l’option du “no deal” est rejetée mercredi, le Parlement votera à nouveau jeudi, cette fois sur une proposition de report “limité” du Brexit. L’Union européenne serait “prête à considérer” cette solution si le Royaume-Uni devait en faire une demande “motivée”, a déclaré une porte-parole de la Commission européenne.

“Un nouveau délai pourrait servir à convoquer un référendum”

L’acceptation de ce nouveau délai ne signifie pas pour autant que l’UE est “disposée à remettre une pièce dans la machine” juste “pour le plaisir de faire durer l’incertitude”, souligne Frédéric Rohart, éditorialiste du quotidien belge L’Écho.

“Theresa May, du haut de sa double humiliation, a-t-elle encore l’assise pour proposer au Conseil européen une alternative crédible ? Et si, comme l’opposition et une partie de sa majorité le disent, son échec signifie la convocation d’élections, comment les Vingt-Sept pourraient-ils considérer ce grand rebattage des cartes comme une perspective susceptible de stabiliser l’atterrissage du Brexit ?” s’interroge le journaliste. “Beaucoup plus acceptable : un délai pourrait servir à convoquer un référendum”, estime-t-il.

Pour le correspondant de La Libre Belgique Tristan de Bourbon, ce nouveau camouflet imposé à Theresa May marque “la fin du calvaire” pour la Première ministre, qui a, selon lui, “multiplié les mauvais choix en deux ans”. Aujourd’hui, “seul le départ de Theresa May et son remplacement par le travailliste Jeremy Corbyn via l’organisation d’une élection générale anticipée semblent pouvoir débloquer la situation”, conclut-il. “L’élection d’un conservateur Brexiter renforcerait le clivage alors que la stratégie du Parti travailliste vis-à-vis du Brexit – le maintien dans une union douanière avec l’UE – obtiendrait aisément le soutien de la majorité des députés.”