Paris : dans le métro, des niveaux de pollution jusqu’à 30 fois plus élevés que dans la rue

Nous avons mesuré sur les quais des taux de particules fines PM 2,5, qui présentent des risques pour la santé, douze fois plus élevés que dans l’air extérieur.

 L’air extérieur apporte aussi son lot de pollution dans le métro. LP/Olivier Boitet
L’air extérieur apporte aussi son lot de pollution dans le métro. LP/Olivier Boitet

    On s'en doutait. L'air du métro est plus pollué que l'air ambiant. Mais nous avons pu le constater en réalisant nos propres mesures, le jeudi 7 mars. La qualité de l'air était particulièrement bonne ce jour-là. Le niveau de particules PM 2,5 s'élevait à 5 µg (microgrammes)/m3 d'air à Paris. La moyenne annuelle est plutôt de 15 µg/m3.

    Nous avons aussi fait le choix de ne garder que la mesure des particules les plus fines, les PM 2,5. Plus petites, elles s'infiltrent plus profondément dans l'appareil respiratoire voire le réseau sanguin.

    Certaines stations ont des niveaux plus raisonnables

    Et le constat sur les quais est sans appel. On relève des niveaux jusqu'à 30 fois plus élevés qu'à l'extérieur de la station La Défense. Et encore ! Grâce à du matériel neuf et des portes palières, la ligne 1 du métro est plutôt préservée. La RATP elle-même relève plus de 200 µg/m3 à Châtelet !

    Heureusement, certaines stations, comme Franklin Roosevelt ou Nation, ont des niveaux plus raisonnables. « C'est pour cela qu'il faut cartographier le métro, identifier les points chauds, les expliquer et ainsi, pouvoir les traiter », suggère un spécialiste de la mesure de la qualité de l'air.

    Car les origines des particules sont diverses. Le freinage des trains émet de la matière, remise en suspension à chaque passage. On estime qu'environ 450 tonnes de matière sont ainsi émises chaque année dans le métro. L'usure du matériel dissémine également d'autres particules dans les couloirs. Et l'air extérieur apporte son lot de pollution : « Les arrivées d'air du métro sont au niveau des routes et des pots d'échappements. On pourrait par exemple y mettre des filtres », suggère ce même spécialiste.

    « On essaie de prélever l'air extérieur en dehors des zones de pollution, répond Sophie Mazoué, responsable développement durable à la RATP. On fait les prélèvements les plus judicieux possible. Mais on reste en milieu urbain dense. »

    «Il y a une grande inquiétude chez les salariés»

    Et si l'exposition pour les voyageurs est souvent limitée à une ou deux heures en moyenne par jour, la situation est encore plus préoccupante pour le personnel : « Il y a une grande inquiétude chez les salariés qui restent au moins 6h30 là-dessous, assure Bastien Berthier, de l'Unsa-RATP. En octobre, la RATP nous a présenté un plan d'actions de 45 millions d'euros. C'est bien qu'il y a un danger! »

    Selon lui, « c'est aussi la législation qu'il faut revoir. Aujourd'hui, nous pouvons légalement être exposés à des niveaux 100 fois supérieurs à celui des voyageurs. Nous demandons la fin de cette règle d'exception ». Les syndicats espèrent également des mesures de prévention : « par exemple, un contrôle des niveaux lors des visites médicales annuelles », poursuit Bastien Berthier.

    La RATP assure qu'elle se conforme à la réglementation du Code du travail, sur l'exposition aux poussières. « Pour les voyageurs, il n'y a pas de valeurs réglementaires. Pour les salariés, c'est le Code du travail qui s'applique. Il ne parle pas de PM 10 ou 2,5, mais de poussière totale (seuil à 10 mg/m3) et de poussières alvéolaires (5 mg/m3). Ces valeurs sont respectées », indique Sophie Mazoué.

    L'entreprise a aussi mené des études auprès de dizaines de milliers d'agents sur plus de trente ans, depuis les années 1980. Elles font apparaître une sous-mortalité globale de 13 % des agents et de 34 % des conducteurs par rapport à la moyenne de la population en Île-de-France.

    La RATP ne reste donc pas les bras croisés face aux menaces de pollution. « Mais cela ne va pas assez vite. Et la RATP fait tout pour éviter d'en parler », regrette Olivier Blond, président de l'association Respire.