Génocide au Rwanda : le général Jean Varret parle d'une "faute" et d'une "responsabilité" de la France

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Génocide au Rwanda : le général Jean Varret parle d'une "faute" et d'une "responsabilité" de la France

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Des soldats français en patrouille passent devant les troupes hutus des forces du gouvernement rwandais, le 27 juin 1994, près de Gisenyie, à environ 10 km de la frontière avec le Zaïre.
Des soldats français en patrouille passent devant les troupes hutus des forces du gouvernement rwandais, le 27 juin 1994, près de Gisenyie, à environ 10 km de la frontière avec le Zaïre.
© AFP - PASCAL GUYOT

Enquête. Risque de génocide et livraisons d'armes illégales : la cellule investigation de Radio France et Mediapart apportent de nouveaux témoignages sur le rôle de la France au Rwanda dans les années 90.

À 84 ans, l’homme a décidé de livrer publiquement sa vérité sur le rôle joué par la France au Rwanda, dans les années 90. 

Jusqu’à présent, le général Jean Varret avait uniquement accepté de témoigner devant la Mission d’information parlementaire sur le rôle de la France au Rwanda, en 1998.

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Récemment, il a pris la plume pour raconter son parcours de militaire dans un livre, dans lequel il revient en quelques pages, très sobres, sur le rôle qu’il a joué au Rwanda.

Aujourd’hui, 25 ans après le génocide des Tutsis, il a décidé de parler devant micro et caméra.

Un général accuse "le lobby militaire"

D’octobre 1990 à avril 1993, Jean Varret est chef de la Mission militaire de coopération au Rwanda. Il tente de s’opposer au soutien apporté par l’état-major militaire français au régime du président rwandais Habyarimana, mais il est subitement écarté de ses fonctions. 

"Certains militaires à des postes clés sont allés trop loin, affirme aujourd’hui le général Jean Varret. J’appelle ça le lobby militaire. Ce groupe, dont je connaissais certains éléments, faisait pression, y compris pour m'évincer de mes responsabilités. Ces militaires n'ont pas voulu prendre en compte les risques de cette politique de soutien à Habyarimana. La coopération avait pour mission d'aider à former, d’équiper, mais certainement pas à combattre. Je pense que ce lobby militaire a été plus enclin à aider au combat.

"Les Tutsis ne sont pas très nombreux : on va les liquider !"

Pour le général Varret, la prise de conscience date de novembre 1990, lors d’une rencontre avec le chef d’état-major de la gendarmerie rwandaise, le colonel Pierre-Célestin Rwagafilita.

"Au cours de cette réunion, le chef de la gendarmerie me réclame des armes lourdes, se souvient Jean Varret. Je lui demande pourquoi et je lui explique que la gendarmerie n'est pas faite pour avoir des mitrailleuses. Devant mon refus catégorique, le chef de la gendarmerie lance à ses collaborateurs : 'Messieurs, vous pouvez partir, je reste avec le général'. Et là, il me dit : 'Nous sommes en tête à tête, entre militaires, on va parler clairement. Je vous demande ces armes car je vais participer avec l'armée à la liquidation du problème. Le problème, il est très simple : les Tutsis ne sont pas très nombreux, on va les liquider.' Il me dit ça très clairement. Je suis horrifié.

Jean Varret demande alors à voir le président rwandais Habyarimana. "Je lui exprime mon indignation, poursuit le général Varret. Le président Habyarimana me dit : 'Il vous a dit ça ce con là ? Je vais le vider.' Habyarimana est furieux, je ne sais pas pourquoi. Est-ce parce que son chef de gendarmerie a dévoilé un secret ? Ou parce qu'il a menti ? En tout cas, je note que le chef de la gendarmerie n’a pas été vidé tout de suite."

Cette information, le général Varret dit l’avoir faite remonter immédiatement auprès de l’ambassadeur de France au Rwanda et du ministère de la Coopération, dont il dépendait. "Je n'ai pas gardé cette information pour moi, affirme le général Varret. Le risque de génocide était réel. Cela a guidé toutes mes actions par la suite."

Le général Jean Varret
Le général Jean Varret
© Radio France - Benoît Collombat

Pourtant, selon l’officier français, son alerte ne suscite aucune réaction, ni de l’état-major militaire, ni du pouvoir politique. Jean Varret connaît pourtant personnellement les chefs militaires qui entourent le président François Mitterrand : le général Christian Quesnot, chef d'état-major particulier du chef de l’État, et son adjoint, le colonel Jean-Pierre Huchon, ou encore l'amiral Jacques Lanxade, chef d'état-major des armées. "Mes avertissements n’ont pas été pris en compte", regrette le général Jean Varret. 

Jean Varret n’est pas le seul à avoir alerté d’un risque de génocide au sein des services de l’État. Le renseignement extérieur (DGSE) a également fait remonter de multiples informations sur la radicalisation du conflit et le rôle actif joué par les extrémistes hutus jusqu’à l’attentat contre l’avion du président rwandais Habyarimana, le 6 avril 1994, "étincelle" d’un génocide préparé de longue date.

Un officier désavoué

Début 1993, Jean Varret fait un autre constat amer.

Au Rwanda, la situation devient de plus en plus critique. La mécanique du génocide monte d’un cran. En janvier 1993, une commission d'enquête dirigée par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) rassemble des preuves de massacres ethniques. 

En février 1993, de nouveaux massacres sont perpétrés par des extrémistes du Hutu Power, liés au parti politique du président Habyarimana. En réaction, les rebelles du FPR (le Front patriotique rwandais) dirigé par Paul Kagamé, l’actuel président rwandais, lancent plusieurs offensives. Ils enfoncent les lignes adverses et avancent jusqu’à 30 kilomètres de la capitale. Un million de réfugiés se massent alors autour de Kigali, coincés entre les deux armées. Les Français renforcent leur dispositif, puis envoient un nouveau détachement du 1er RPIMa (Régiment de parachutistes d’infanterie de marine) pour épauler l'armée rwandaise. Avec succès : en quinze jours, l’unité d’élite de l’armée française stoppe l'avancée des rebelles.

C'est dans cette période que le général Varret va, à nouveau, être désavoué. "Un jour, dans le parc de l'Akagera, j'inspecte le détachement d'assistance militaire et d'instruction (DAMI) du 1er RPIMa, qui était sous mes ordres. Et là, j'apprends qu'ils font des interventions que je n’admettais pas : ils avaient été en Ouganda, derrière les lignes ennemies, pour essayer d'avoir du renseignement sur le FPR.

L’acte est grave car les troupes françaises ont officiellement l'interdiction absolue de s'engager directement dans le conflit. Une ligne rouge à ne pas franchir. "Quand j'apprends cela, poursuit Varret, je les engueule. Je rentre à Paris et trois jours après, je trouve le message suivant : 'Les unités DAMI ne sont plus sous vos ordres'. J'ai pris cela comme un désaveu. On ne me faisait plus confiance."

Finalement, en avril 1993, le général Varret est évincé de son poste à la Mission militaire de coopération. Le ministre de la Coopération, Michel Roussin, lui annonce qu’il ne sera pas reconduit dans ses fonctions pour un an, comme il le souhaitait. Jean Varret est remplacé par le général Huchon, issu de l’état-major particulier de l’Élysée.

Un an plus tard, c’est le début du génocide.

"Une faute" de la France

Débarqué de son poste au printemps 1993, Jean Varret refuse la proposition honorifique que lui fait alors l'Élysée (gouverneur militaire à Lille). Il décide de quitter l'armée. 

Avec le recul, il estime que ce départ contraint a été "une chance" pour lui. "Sinon, j’aurais eu ma part de responsabilité, au moment du génocide, explique le général Varret. Heureusement que je suis parti."

Comment qualifie-t-il l’attitude de la France, à l’époque ? "Malheureusement, l’Histoire a prouvé que c'était une faute, plus qu'une erreur, puisque cela a débouché sur un génocide. La France était suffisamment informée sur les risques.

À ses yeux, "certains" responsables civils ou militaires ont bien "une responsabilité" dans l’enchaînement qui a mené au génocide des Tutsis : "Il y a quand même eu un aveuglement, estime Jean Varret. Aucun [responsable] civil ou militaire n'aurait souhaité le génocide. Aucun. Par contre, certains n'ont pas pris le risque au sérieux."

Et il conclut : "Je n’ai pas su convaincre du risque d’un génocide. Je voudrais que la France et l’Occident sachent se prémunir contre ce risque. La France a une responsabilité dans cette affaire."

► DOCUMENT | Lire la suite de l’entretien avec le général Jean Varret, par Benoît Collombat (cellule investigation de Radio France) et David Servenay (Mediapart)

L’amiral Lanxade : "On craignait une guerre civile. Pas un génocide"

Les accusations de Jean Varret sont totalement réfutées par l'amiral Jacques Lanxade que la cellule investigation de Radio France et Mediapart ont longuement interrogé. 

Ce proche de François Mitterrand a été chef d'état-major particulier du chef de l’État (1989-1991), puis chef d'état-major des armées (1991-1995). "Il n'y a pas eu d'aveuglement, rétorque l’amiral Lanxade. Je pense qu'on a été tout le temps conscient de ce qui pouvait se passer. C'est pour cela qu'on était là. Jean Varret a eu raison de dire ce qu'il a dit, mais on ne peut pas en tirer la conclusion que nous avons été imprudents."

L’amiral Lanxade n’en démord pas : pour l’ancien chef d’état-major des armées, la ligne suivie à l’époque par le président Mitterrand était la bonne. Et le témoignage de Jean Varret "justifie" à ses yeux l’action de la France au Rwanda. "Ce que Jean Varret ne voit pas – ce n'était pas dans sa mission à la Coopération – c'est que nous étions justement là pour empêcher que ceci [le génocide] n'arrive. Et ça n'a pas marché. Nous ne voulions pas la déstabilisation du Rwanda. Nous avons donc fait trois choses : une action politique sur Habyarimana pour qu'il accepte de démocratiser son pays, ce qu'il a commencé à faire. Ensuite, une négociation. Nous sommes très impliqués dans les accords de paix d’Arusha. Et enfin, un soutien à l'armée régulière de ce pays pour que le FPR n'entre pas et que la déstabilisation n’intervienne pas.

"Nous n’allions pas nous retirer, poursuit l’amiral Lanxade. On était là justement pour empêcher ce que Varret pensait comme une éventualité possible [le génocide] par une coopération technique avec la gendarmerie, avec les FAR (Forces armées rwandaises). Notre intervention visait à éviter que le gouvernement ne s’effondre et ne tombe dans la guerre civile. Qu'aurions-nous dû faire ? Partir ? Mais alors c'était la guerre civile tout de suite.

L'amiral Jacques Lanxade
L'amiral Jacques Lanxade
© Radio France - Benoît Collombat

À noter que, dans la bouche de l’amiral Lanxade, il est toujours question d’un risque de "guerre civile". Jamais de "génocide". Cela-veut-il dire qu’un risque de génocide des Tutsis n’est jamais remonté jusqu’à lui ? "Il n’y avait pas d’information disant clairement ça, soutient l’amiral Lanxade. L’information qui remontait de toute part, c’est que si Habyarimana n’était plus en mesure de contrôler le pays, alors nous entrerions dans une guerre civile qui serait atroce. C’est le point fondamental et la raison pour laquelle nous sommes intervenus. Il y avait des signaux de guerre civile avec les massacres qui l’accompagnent. C’est pour empêcher cela que nous sommes intervenus. La seule personne qui pouvait empêcher le drame d’arriver, c’était Habyarimana.

- Vous n'avez pas pensé qu'un génocide était possible ? Vous ne l’avez pas vu dans "vos radars" ?

- "Mais non, ce qu'on a vu dans nos radars, c'est le fait que si nous n'étions pas intervenus et si notre intervention ne suffisait pas à contenir les actions du FPR, à ce moment-là, nous entrions dans la guerre civile, poursuit l’amiral Lanxade. On n'a jamais parlé de génocide, jamais. Le génocide, c'est une notion qui est apparue après. À cette époque-là, on ne parlait absolument pas de génocide. On craignait une guerre civile, avec les massacres d'une guerre civile. Et c'est cela qu'on a voulu éviter. Et c'est ce qu'on a évité au départ. On a commencé à parler d’un génocide trois semaines ou un mois après l'attentat [contre l’avion du président Habyarimana]. Si nous n'étions pas intervenus, le génocide serait intervenu beaucoup plus tôt. C'est tout."

► DOCUMENT | Lire la suite de l’entretien avec l’amiral Jacques Lanxade, par Benoît Collombat (cellule investigation de Radio France) et David Servenay (Mediapart) 

Livrer des armes pendant le génocide : "C'est un business. Si ce n'est pas nous, d'autres le feront à notre place."

Les armes.

Depuis l’embargo des Nations unies, en mai 1994, soit un mois après le début du génocide, leurs livraisons sont interdites au Rwanda.

Malgré cette interdiction, des armes sont quand même acheminées vers les extrémistes hutus. La justice française enquête actuellement sur l’une de ces livraisons, depuis Les Seychelles jusqu’à l’aéroport de Goma, au Zaïre, en juin 1994

La cellule investigation de Radio France et Mediapart révèlent un nouveau témoignage.

Celui de Walfroy Dauchy, un bénévole de la Croix-Rouge, présent à Goma, de fin juillet à fin octobre 1994, au moment de l’opération Turquoise, une opération militaro-humanitaire, très ambigüe, menée par la France. Si Turquoise a permis de sauver des vies, elle a également facilité la fuite de génocidaires, voire l’acheminement d’armes

En juillet 1994, Walfroy Dauchy a 30 ans. Il est logisticien pour la Croix-Rouge, à Goma, chargé d’un dispositif de purification d’eau. Il arrive sur place quelques jours après un afflux massif de réfugiés, dont beaucoup d’ex-génocidaires, depuis le Rwanda. La situation est critique, à Goma. Le choléra ravage les camps de réfugiés. Il n’y a pas de nourriture, plus d’essence. Dans les camps, les gens sont armés. Il y a des règlements de compte, des assassinats.

L'équipe de la Croix-Rouge est composée d'une vingtaine de personnes. Walfroy Dauchy s'occupe également du budget : 300 000  dollars en cash à gérer, déposés dans une banque de Nairobi. Le logisticien bénévole fait des allers-retours réguliers au Kenya pour aller chercher de l’argent.

Walfroy Dauchy est donc présent régulièrement sur l’aéroport de Goma, contrôlé par l’armée française, dans le cadre du dispositif Turquoise. 

C’est là que, début août 1994, il rencontre le fils d’un transporteur aérien bien connu de l’armée française, dont la société est basée dans le sud-est de la France. "Je suis à l'aéroport et je vois arriver un type habillé en surfer, blond, l'air détendu, se souvient Walfroy Dauchy. Un civil avec une arme, c'était bizarre. De fil en aiguille, il m'explique qu'il travaille pour la société de son père. C'est un Français, assez jeune, 23-25 ans. Pas déconcerté par la tragédie en cours. L’entreprise de son père est située près d’Istres, une grosse base militaire française, et ils livrent des armes. Il me dit ça, comme ça, direct. Je lui demande si c'est la meilleure idée du monde de livrer des armes en plein milieu d'un génocide. Et le gars me dit : 'Oh, tu sais, c'est un business. Si ce n'est pas nous, d'autres le feront à notre place.' "

Entre début août et la mi-septembre, Walfroy Dauchy dit avoir assisté à "deux ou trois" livraisons d'armes. "À chaque fois, le gars arrive tranquille, avec son pistolet Glock à la ceinture, en nous expliquant qu'ils livrent des armes au pouvoir hutu, au gouvernement [rwandais] en exil."

Des armes destinées donc aux acteurs du génocide.

Des avions français en première ligne

"Je n’ai pas vu les armes, mais j'ai vu les caisses, poursuit l’ancien bénévole de la Croix-Rouge, qui connaît bien le monde militaire pour avoir été élève à Polytechnique et effectué un service militaire de 30 mois dans les commandos de l’air. Je vois les avions et je vois les caisses. Les avions sont français, des avions militaires français. Il y a des caisses avec un jeune gars français qui dit : 'Moi, je livre des armes'. Je suppose qu’il s’agissait d’armes légères. Il s’agissait de caisses de taille moyenne, dans lesquelles on ne mettait pas plus qu'un bazooka. Pas d'armement lourd. Je suis très surpris, car cela résume tout : des armes au milieu d'un génocide. Avec une situation humanitaire très compliquée : beaucoup de problèmes viennent du fait que des gens sont armés dans les camps du Haut-commissariat aux réfugiés. C'est très instable. Donc, rajouter de l'instabilité là-dedans... Je ne sais pas s'il suffit de leur livrer 20 000 kalachnikovs pour qu'ils soient capables de renverser une déroute militaire comme ça. C'est assez curieux d'imaginer que cette armée [des Forces armées rwandaises] totalement en déroute, par la magie de quelques livraisons, va se réorganiser. Mais visiblement, il y a des gens qui le pensent.

Des armes aux génocidaires : "Ce n’était pas un secret."

"Certains militaires français étaient au courant, assure Walfroy Dauchy. Parce que notre ami, le jeune livreur d’armes, ne s'en cachait pas. Il connaissait beaucoup de monde. Comme moi, il avait fait son service militaire dans les commandos de l'air. Il avait été à N’Djaména, au Tchad. Il était très à l'aise dans ce milieu, il parlait à tout le monde. Le commandement militaire ne pouvait pas l'ignorer. Pour autant, cela ne veut pas dire que les officiers français organisaient ces livraisons, mais ils étaient obligés d'être informés et de laisser passer. [Les militaires] étaient obligés d'être au courant. Rien ne rentre ou ne sort sans que cela ne soit visé par la hiérarchie de Turquoise. Nos avions n'étaient pas fouillés, mais tout ce qui arrivait avait la bénédiction du commandement français. Les avions militaires français sont forcément déchargés par des militaires français. Il n'y a pas de civils. Ils savaient que ce n'était pas du matériel Turquoise. L'idée qu'on livrait des armes aux Hutus, était connue et pas discutée. Sur la base, ce n'était pas un secret…"

"Que l'amiral Lanxade [chef d’état-major des armées] ne soit pas personnellement informé de ces livraisons d'armes, c'est tout à fait possible, poursuit Walfroy Dauchy. Mais que l'armée française, que des officiers aient donné leur feu vert à ces livraisons, c'est obligatoire. Si Turquoise avait voulu empêcher ça, cela leur aurait pris cinq minutes. C'était simple, il suffisait de le décider.

"Une question un peu délicate"

À l’époque, Walfroy Dauchy n’a pas osé aborder directement ce sujet sensible avec la hiérarchie militaire, de peur de ne plus bénéficier de l’aide logistique, indispensable, de l’armée française.

Walfroy Dauchy
Walfroy Dauchy
© Radio France - Benoît Collombat

"J'avais beaucoup de conversations avec des officiers de Turquoise, confie encore Walfroy Dauchy. On parlait beaucoup de la situation dans les camps et des problèmes d'insécurité. J'avais demandé pourquoi on avait laissé passer ces populations avec leurs armes. La réponse était : 'Vous savez, le Zaïre est un pays souverain. Si les Zaïrois avaient voulu les désarmer, ils l'auraient fait. Mais nous, on ne va pas se mêler de ça...'. Je n'ai pas parlé des armes avec mes contacts [militaires], parce que je dépendais beaucoup d'eux. Je n’avais pas envie de me faire engueuler, pas envie de me fâcher. Personne n'avait sa propre mobilité. Pour entrer et sortir de Goma, on dépendait de l'armée française. C'était une question un peu délicate."

► DOCUMENT | Lire la suite de l’entretien avec Walfroy Dauchy, par Benoît Collombat (cellule investigation de Radio France) et David Servenay (Mediapart)

Interrogé sur d’éventuelles livraisons d’armes aux extrémistes hutus, à Goma, pendant l’opération Turquoise, l’ancien chef d’état-major des armées, l’amiral Jacques Lanxade assure qu’il ne "sait rien" d’un tel "sujet qui n’est jamais venu jusqu’à l’état-major des armées", à l’époque, tout en estimant "pas matériellement impossible" que de telles livraisons aient pu avoir lieu. 

"Il n’y a aucune preuve là-dessus, estime l’amiral Lanxade. Il y a peut-être des armes qui sont passées, mais je peux vous dire que les forces armées françaises n’ont rien à voir avec ça."