On pense souvent (à tort) que les jeunes filles sont épargnées par les violences conjugales. Il n’en est pourtant rien. Un chiffre ? En Ile-de-France, 20% des violences conjugales concernent les 20-24 ans*. « Des recherches ont montré qu'un nombre important d'adolescentes sont confrontées à des situations de violences dans le contexte de leurs relations amoureuses », rappelle Alexia Lerond, présidente de Elle cætera. Cette toute jeune association, soutenue par la Fondation des femmes et la mairie de Paris, a eu une idée astucieuse. Le 15 mars prochain, elle lancera un chatbot sur Facebook Messenger. L’idée ? Libérer la parole et accompagner les plus jeunes. « La majorité de ces jeunes femmes vivent dans le silence, dans la peur d’être jugée. Certaines d’entre elles n’ont même pas conscience que ce qu’elles vivent sont des violences. En effet, la méconnaissance de leurs droits, la complexité de la procédure et le manque de confiance dans les institutions sont autant de facteurs qui freinent les jeunes femmes à pousser les postes portes ? d’un commissariat ou d’une association », explique Alexia Lerond. Pour  sensibiliser ces jeunes filles, cette juriste a donc eu l’idée d’utiliser « un nouveau mode de communication, plus adapté aux usages de cette génération : un chatbot (* chat = discuter ; bot = robot) sur Facebook Messenger ». Il sera accessible 24/24h et 7/7j, aussi bien sur un Smartphone qu’une tablette ou un ordinateur, via la page Facebook de Elle Caetera.

 Comment ça marche ?

 
Première étape : envoyer un message. « Le bot va alors commencer par se présenter et proposer à l’internaute de débuter une conversation. Il va ensuite poser une série de questions simples et rapides auxquelles la jeune femme pourra répondre selon un panel de réponses prédéfinies », décrypte Alexia Lerond. Après une conversation d’environ deux minutes, le chatbot est capable « d’identifier l’infraction dont semble être victime l’internaute, de lui expliquer cette infraction en des termes compréhensibles puis de l’orienter vers la structure adaptée à sa situation ». Hormis les violences conjugales, les jeunes filles pourront donc se confier sur l’ensemble des violences auxquelles auxquelles elles pourraient être confrontées, qu’il s’agisse de harcèlement (moral, sexuel, de rue) ou de violences sexuelles (viol, agression sexuelle, exhibition sexuelle). Car, en ce qui concerne les agressions sexuelles, les chiffres sont là aussi effarants. Plus d’une sur trois s’est produite alors que la victime était âgée de 18 à 25 ans*.

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« Porter plainte ? Un pas qui parfois demande du temps avant d’être franchi. »

Les jeunes filles seront ainsi soutenues, et cela de manière gratuite et sans qu’elles aient à se déplacer dans un premier temps. Puis elles seront accompagnées via les associations référentes si elles souhaitent déposer plainte. Une démarche - quel que soit son âge - qui effraye encore de nombreuses victimes. « Porter plainte peut être vu comme une étape cruciale dans le processus de guérison/rétablissement de la victime mais c’est aussi pour certaines un pas qui demande du temps avant d’être franchi. Porter plainte, c’est souvent accepter de revivre l’agression que l’on a vécue, livrer son témoignage à des inconnus, rouvrir les plaies d’un traumatisme qui bouleverse une vie, enclencher une procédure judiciaire », rappelle la présidente de l’association Elle cætera. D’où la nécessité d’être épaulée à chaque étape. On ne peut donc que saluer la création de cet outil numérique au service des jeunes femmes et souhaiter qu’il soit rapidement étendu à l’ensemble du territoire. Car, depuis #MeToo, Alexia Lerond en est persuadée : « Les mentalités évoluent. Il nous incombe de faire en sorte que les nouvelles technologies, en général, et les réseaux sociaux en particulier, soient à présent au service des victimes et non des harceleurs. » Il y a urgence en effet.
 
*Selon les chiffres d’une étude menée par le centre Hubertine Auclert en 2016.