Écologie : les contradictions de Marine Le Pen

Si, à l'approche des européennes, la présidente du RN verdit son discours, « l'écologie se résume pour elle à l'amour qu'elle porte à ses chats ».

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Marine Le Pen au Salon de l'agriculture en 2019.

Marine Le Pen au Salon de l'agriculture en 2019.

© Yann Castanier / Hans Lucas

Temps de lecture : 5 min

À l'approche des européennes, un scrutin où les écologistes font habituellement leurs meilleurs scores, Marine Le Pen verdit son discours. Le 14 février, la présidente du RN a visité un salon de « la transition énergétique des bâtiments et des territoires » à Lyon avec la tête de liste du RN pour les européennes, Jordan Bardella. Le même jour, elle a assisté à une conférence d'Hervé Juvin, numéro 5 sur la liste du RN, pour parler « énergie, alimentation, (et) territoires » dans la même ville. Le manifeste de 100 pages, avant-goût du programme, que le RN dévoilera le 25 mars, « appelle à une civilisation écologiste », annonce au Point Philippe Olivier, conseiller de la présidente du Rassemblement national. « Nous mettons l'écologie en vedette. Nous l'intégrons dans une vision institutionnelle générale », précise-t-il encore.

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Traditionnellement, l'écologie n'est pas la tasse de thé du parti lepéniste. Même s'il intègre la thématique dans son programme en 1990 pour gagner en crédibilité, Jean-Marie Le Pen la considérait avant tout comme « la nouvelle religion des bobos gogos », contrairement à Bruno Mégret. L'ancien numéro deux du FN s'était emparé de l'écologie pour servir son discours identitaire : « Nous ne voulons pas être les mammouths ou les pandas de l'espèce humaine. Pourquoi se battre pour la préservation des espèces animales et accepter dans le même temps le principe de disparition des races humaines par métissage généralisé ? » interrogeait-il dans un colloque sur l'écologie à Saint-Raphaël à l'automne 1991.

« Pour elle, l'écologie se résume à l'amour qu'elle porte à ses chats »

Culturellement, Marine Le Pen n'est pas beaucoup plus férue d'écologie que ne l'était son père. Selon plusieurs cadres du RN, elle n'évoque jamais spontanément le réchauffement climatique, la disparition des écosystèmes, ou les organismes génétiquement modifiés que ce soit en privé ou lors des réunions politiques de son parti. « Pour elle, l'écologie se résume à l'amour qu'elle porte à ses chats », s'amuse Laurent Ozon, ancien responsable de Cap écologie au FN, qui a quitté le parti en 2011 à la suite d'un différent avec sa présidente. Toutefois, sous l'impulsion de Florian Philippot, Marine Le Pen a progressivement intégré la thématique à son discours nationaliste pour le transformer en colbertisme vert. L'écologie devient ainsi un argument de taille pour critiquer les multinationales et l'Union européenne qui handicape les entreprises françaises de panneaux photovoltaïques par rapport aux entreprises asiatiques.

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Aujourd'hui, comme en 2017, le programme de la candidate devrait mettre en avant les circuits courts, le refus des traités de libre-échange, l'opposition aux fermes-usines, l'interdiction des OGM, la traçabilité « totale » de l'origine géographique et du lieu de transformation des produits. Mais comme en 2017, le discours nationaliste se heurte à la vraie logique du localisme. « Ce n'est pas du localisme si à Strasbourg on vous pousse à faire venir des produits de Quimper plutôt que de Karlsruhe », explique Ozon.

Ce qui est plus inédit, c'est que, sous l'impulsion d'Hervé Juvin, le RN défend une « écologie des civilisations ». « C'est la diversité (des espèces animales et végétales, NDLR) qui fait la survie. Si on réduit cette diversité, on s'expose au risque de la disparition de l'espèce. Je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas la même réflexion au sujet de la diversité des espèces humaines », explique-t-il dans une interview au Figaro Vox. Et de lier le multiculturalisme de la société brésilienne avec son taux de criminalité élevé. S'il n'utilise pas le mot « race », son discours écolo identitaire est proche de celui que tenait Bruno Mégret dans les années 1990. Pour Juvin, la solution passe par la souveraineté nationale : « On ne répondra aux problèmes écologiques actuels qu'avec des États en pleine possession de leur territoire, qui contrôlent l'économie et leurs frontières », explique-t-il.

Concernant les pesticides, Marine Le Pen marche sur des œufs

En revanche, concernant les pesticides, Marine Le Pen marche sur des œufs. Si elle entend séduire les électeurs de plus en plus regardants sur les produits qui garnissent leur assiette, la patronne du RN veut éviter de froisser les agriculteurs, de plus en plus nombreux à se tourner vers elle. Ancienne cadre du FN, Mireille D'Ornano a notamment rejoint les Patriotes de Florian Philippot fin septembre 2017 parce qu'elle n'arrivait pas à faire entendre sa voix hostile aux pesticides. « Philippe Loiseau (député européen RN, membre de la commission agriculture et développement) nous criait dessus dès qu'on voulait proposer une mesure en faveur de l'environnement. Il a plus de 100 hectares de terrain, c'est un gros céréalier pro-pesticide », dénonce-t-elle encore.

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Il faut croire que l'eurodéputé n'a pas totalement perdu son influence. En janvier 2019, Mireille d'Ornano a fait voter un amendement au Parlement européen pour permettre « de mettre un terme, sans délai ou dérogation possible, à l'épandage de pesticides sur de longues distances à proximité d'habitations, d'écoles, de crèches, de terrains de jeux, d'hôpitaux, de maternités ou d'établissements de soins ». Le texte est plébiscité par tous les partis (563 votes pour) sauf… le Rassemblement national puisque les députés Marie-Christine Arnautu, Nicolas Bay, France Jamet, Gilles Lebreton, Christelle Lechevalier, Philippe Loiseau, Dominique Martin, Joëlle Mélin, Jean-Luc Schaffhauser, Mylène Troszczynski ont voté contre. La plupart d'entre eux ont également voté contre l'interdiction totale des néonicotinoïdes tueurs d'abeilles, également proposée par Mireille d'Ornano le 1er mars 2018. Et aucun eurodéputé du parti n'a voté pour l'amendement de Younous Omarjee qui prévoyait d'interdire le glyphosate, alors que Marine Le Pen s'est publiquement prononcée contre l'utilisation de cette substance. Peut mieux vert.

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Commentaires (45)

  • TSLR

    D’accord avec vous

  • CADET ROUSSELLE

    LES GARS DE LA MARINE SAVENT BIEN QU'EN POLITIQUE IL FAUT NAVIGUER A VUE

  • lorraine 57300

    Pour tout sauf L. R ! Bien sûr que cela vaut des poursuites pour marine... J'attends
    j'espère qu'elles viendront au bon moment ! C'est bien pour cela qu'elle re-vise cette élection ! 6, 8 millions... 54 contrats de collaborateurs parlementaires... Dont son garde du corps ! Sans être pour fillon, lui a payé (au prix fort) pour une collaboratrice fictive !