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Libération
Chronique «Miroir d'outre-Rhin»

En Allemagne, les «Parents for future» soutiennent leurs enfants qui sèchent l'école pour le climat

Chronique sur la vie, la vraie, vue d'Allemagne. Ce voisin qu’on croit connaître très bien mais qu’on comprend si mal. Au programme de cette semaine, des parents allemands soutenant leurs enfants dans la lutte contre le réchauffement climatique.
par Johanna Luyssen, correspondante à Berlin
publié le 15 mars 2019 à 15h17

Thomas Stegh est développeur informatique, il a quatre enfants. Il vit à Hürth près de Cologne, dans l'imposant Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Sa fille de 14 ans a été profondément marquée par le combat politique et écologique mené depuis août dernier par Greta Thunberg, l'adolescente suédoise à l'origine des «Fridays for Future». D'abord, il lui a affiché sa bienveillance. Puis il l'a concrètement soutenue.

Thomas Stegh faisait partie d'un groupe de messagerie instantanée où des jeunes, dont sa fille, échangeaient leurs idées et organisaient les manifestations du vendredi. Mais, dit-il, «il y a eu ce moment où nous nous sommes dit que nous ne voulions pas perturber nos enfants dans ce qu'ils faisaient. Alors nous avons fondé "Parents for Future"».

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60 groupes locaux

Dans une lettre ouverte adressée au ministre-président du Land, Armin Laschet (CDU), et à la ministre de l'Education locale, Yvonne Gebauer (FDP, libéraux), les «Parents for Future» se tiennent du côté des adolescents manifestants. Ce sont des parents, mais aussi des «grands-parents et amis», dit leur manifeste. «Nous sommes convaincus que les manifestations pour le climat des étudiants sont absolument nécessaires et urgentes. Nous sommes fiers qu'une génération se lève et dénonce avec force l'échec continu de la génération précédente et surtout des dirigeants politiques et économiques», écrivent-ils. A ce jour, près de 16 000 personnes ont signé ce texte. Les «Parents for Future» appellent à plus de solidarité avec les jeunes manifestants et rejettent toute tentative de «dénigrer le mouvement». En deux semaines, 60 groupes locaux et neuf groupes régionaux «Parents for future» ont essaimé dans toute l'Allemagne.

Dans le Bade-Wurtemberg, où les Verts sont au pouvoir dans une coalition noire-verte avec la CDU, des parents se sont adressés, dans les mêmes termes, au ministre-président du Land, Winfried Kretschmann.

«Catastrophe climatique»

Car il s'agit de rallier la bienveillance des autorités. En effet, certains politiques, généralement à droite de l'échiquier politique, voient à ces grèves scolaires à répétition d'un mauvais œil. D'autant que le mouvement Fridays for Future rencontre un certain succès en Allemagne. «C'est bien que les jeunes s'intéressent à leur avenir. Mais ce n'est pas en séchant les cours que l'on va faire changer le monde», commentait ainsi, début mars, le sénateur à l'éducation social-démocrate de Hambourg Ties Rabe. En Rhénanie-Palatinat, l'AfD, parti climatosceptique par excellence, songe même à réclamer aux autorités locales des sanctions contre les élèves sécheurs. Et si la coprésidente de Die Linke, Katja Kipping, a soutenu le mouvement en appelant aux autorités éducatives à un peu de souplesse, ses propos ont fait frémir Albert Rupprecht de la CSU. Ce dernier estime que Katja Kipping «participe à la radicalisation politique des jeunes».

Les «Parents for Future», eux, voient en ces défilés du vendredi une sorte de leçon de choses. Dans ce reportage, cette mère de famille explique que selon elle, une manifestation pour le climat enseigne davantage de choses en matière de démocratie directe et de politique qu'une matinée entière de cours. De toute manière, argumente le cofondateur de Parents for Future, Thomas Stegh, «ce n'est pas des grèves dont il faut parler, mais de la catastrophe climatique».

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