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Saccage des Champs-Elysées : ces commerçants et assureurs qui veulent attaquer l'Etat

Samedi dernier, les commerces ont été victimes des attaques de manifestants. Pillages et incendies posent la question de la responsabilité de l'Etat.

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Les pompiers interviennent sur un feu à la boutique Longchamp, pendant la manifestation des "gilets jaunes", sur les Champs-Elysées  à Paris, le 16 mars 2019

Le maroquinier a été attaqué et pillé par des manifestants

AFP - Alain JOCARD

Qui paiera la facture? Selon la Fédération française de l’assurance, le coût des dégradations dépasse à présent 180 millions dans toute la France. Cela correspond à 10.000 déclarations de sinistre depuis le début du mouvement des gilets jaunes. "La question qui se pose concerne la responsabilité des pouvoirs publics, indique Bernard Spitz, son président. Au cas par cas, certains assureurs peuvent décider de se retourner contre l’Etat." Au sein du Comité des Champs-Elysées, qui rassemble 180 enseignes de l’avenue, des adhérents comme Alain Nemarq, PDG de Mauboussin, envisagent de porter plainte contre l’Etat pour son incapacité à maintenir de l’ordre après la terrible journée du samedi 16 mars. "La République n’est pas en mesure de protéger les commerçants contre les délinquants", s’insurge le dirigeant de Mauboussin, dont le magasin des Champs-Elysées a été pillé. Mais comment évaluer les dégâts?

La responsabilité de l'Etat est engagée

"Le préjudice est incommensurable, estime la gorge serrée le directeur général de Longchamp. Le monde entier a vu les images de notre magasin brûler." Lundi 18 mars, Jean Cassegrain tenait une conférence dans sa boutique des Champs-Elysées. Ou ce qu’il en reste. L’odeur âcre de l’incendie et le chaos général dans les rayons témoignent de la violence du pillage qui a eu lieu deux jours plus tôt. Entouré de sa sœur et de son père, ainsi que d’une vingtaine d’ouvrières en blouse blanche de l’usine de Segré-en-Anjou Bleu (Maine-et-Loire) venues "apporter leur soutien", il reprend la chronologie de l’attaque, comme avec son assureur plus tôt dans la matinée. "A 11h30, les premiers jets de projectiles ont commencé. A midi, tout le personnel a été évacué. A 16h45, les vitrines ont été brisées et un feu allumé. Puis une centaine de personnes se sont engouffrées dans le magasin, emportant sacs, lunettes et foulards. C’est un choc énorme pour tout le monde."

Des centaines de salariés au chômage technique

Pour la Chambre de commerce de Paris-Ile de France, ce samedi 16 mars est celui de trop depuis le déclenchement du mouvement des gilets jaunes fin novembre. "La nature de la violence a évolué", s’insurge Didier Kling, son président. En quelques heures, la plus belle avenue du monde est devenue le terrain d’une guérilla urbaine. Cinq kiosques ont été incendiés. "Nous sommes assurés contre un tel risque, indique Jean-Paul Abonnenc, le directeur général de MediaKiosk (JCDecaux). Mais nos assureurs vont se retourner ensuite contre l’Etat qui a manqué à sa mission de garantir l’ordre public. Les procédures sont déjà lancées." Le long de l’avenue, des razzias ont eu lieu chez Zara, Lacoste, Morgan, Lacoste, et Hugo Boss mais aussi Bulgari et Mauboussin alors que le restaurant du Fouquet’s a été mis à sac et brulé. "Ce sont près de 200 employés, serveurs et cuisinier qui se retrouvent au chômage technique", indique un salarié du groupe Barrière, qui en est propriétaire.

Le scénario est toujours le même: derrière les casseurs, des individus pillent. Sur Twitter et Facebook, des centaines de vidéos circulent montrant des hommes cagoulés sortir du magasin Mauboussin les mains pleines de bijoux, ou de chez Hugo Boss emportant des chemises, alors que d’autres filment avec leur smartphone. Devant la boutique Longchamp, les sacs dérobés sont brûlés comme une provocation ultime alors qu’un peu plus loin, un homme équipé d’un masque à gaz brandit sa disqueuse. Celle sans doute qui a servi à découper les hautes grilles du magasin Bulgari, lui aussi dévalisé par des manifestants. Car les marques de luxe sont les cibles privilégiées des gilets jaunes depuis le début du mouvement. Dès le 1er décembre, la boutique Chanel du 19, rue Cambon avait été pillée. Elle venait d’être inaugurée après trois ans de travaux. Fin novembre, une boutique Christian Dior (LVMH) a été vandalisée malgré ses vitres blindées ainsi qu’une boutique Givenchy. Aussi, depuis cinq mois, le flagship Louis Vuitton à l’angle des Champs-Elysées et de l’avenue George V est corseté dans une immense cotte de maille pour protéger ses vitrines.  

L'image de Paris et de la France sérieusement écornée

"Les Champs-Elysées sont le symbole de Paris, l’image de la France. C’est un bien commun qui a été attaqué. Un bien dont beaucoup de gens vivent", se désole Jean Cassegrain. 15.000 personnes très précisément. D’où l’incompréhension vis-à-vis de ceux qui démolissent les magasins à coup de hache. Et une exaspération non dissimulée envers l’Etat. "Depuis fin novembre, nous perdons 150.000 euros de chiffre d’affaires par mois", tempête Alain Nemarq, le PDG de Mauboussin. "Nous sommes à moins 60% de nos objectifs chiffrés", indique Cécile Argoud, la directrice du magasin Longchamp incendié samedi dernier. Et après son saccage du week-end dernier, le magasin restera fermé pendant trois mois... "Mais nous n’allons mettre personne au chômage technique car nous ne voulons pas faire appel à la solidarité nationale, affirme Jean Cassegrain. Ça n’est pas au contribuable de payer."

Les annonces du Premier ministre, Edouard Philippe, pour interdire les manifestations dans certaines zones à Paris, Toulouse et Bordeaux quand des casseurs sont annoncés, sont une première réponse. Mais au-delà des dégradations matérielles, c’est un poison plus insidieux qui a commencé à se répandre, comme après les attentats de 2015. Celui d’une capitale où la violence a le droit de cité avec des conséquences catastrophiques en matière d’activité et d’emploi. Selon la CPME, 70.000 salariés dans plus de 5.000 entreprises sont au chômage partiel en raison du mouvement des gilets jaunes.

"Ceux qui manifestent doivent comprendre qu’ils seront les premiers à subir les conséquences de la disparition programmée de ces milliers de commerçants de proximité condamnés, de leur fait, à une double peine", indique la CPME. "On observe une désaffection des centres-villes le samedi, déplore William Koeberlé, président du Conseil du commerce de France. Et c’est en ce moment que beaucoup d’étrangers décident où ils vont partir en vacances cet été." A Bercy, lundi, le ministre de l’Economie a annoncé de nouvelles mesures en faveur des commerçants. "S'il faut prendre à notre charge des impôts pour un commerçant ou un artisan qui aujourd'hui ne pourrait plus faire sa fin de mois et boucler sa trésorerie, nous le ferons", a affirmé Bruno Le Maire. C’est donc bien le contribuable qui paiera.

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