Six restauratrices au chevet de l’Arc de Triomphe après les dégradations

Six femmes réparent les œuvres saccagées pendant les manifestations des Gilets jaunes le 1er décembre à l’Arc de Triomphe à Paris.

 Paris (8e), le 19 mars 2019. Agnès le Boudec (à gauche) et Julie André-Madjlessi réparent le visage du Génie de la Patrie. Et promettent de le rendre (presque) comme neuf.
Paris (8e), le 19 mars 2019. Agnès le Boudec (à gauche) et Julie André-Madjlessi réparent le visage du Génie de la Patrie. Et promettent de le rendre (presque) comme neuf. LP/Philippe Lavieille

    Elles sont six femmes, six restauratrices indépendantes, qui se sont donné deux mois pour réparer les œuvres de l'Arc de Triomphe saccagées lors d'une manifestation de Gilets jaunes le 1 er décembre dernier. L'image du Génie de la Patrie, appelé aussi la Marseillaise, le visage défiguré, la joue droite arrachée, avait fait le tour de monde. Deux par deux, sous la houlette d'Agnès le Boudec, elles vont se relayer jusqu'à la mi-mai au chevet de cette statue de tête de femme blessée représentant Marianne, mais aussi d'une maquette très fortement abîmée de l'Arc de Triomphe.

    Elles restaurent l'Arc de Triomphe vandalisé

    Entre les cris des enfants tout excités par la visite et les soupirs des adultes essoufflés d'avoir grimpé les 284 marches qui mènent au sommet de l'Arc de Triomphe, pas facile de se concentrer. Mais les restauratrices n'ont pas le choix, elle doivent être sur place et même si des cloisons ont été montées pour les isoler du quidam, une fenêtre permet de les regarder à l'oeuvre. « C'est important que le public puisse comprendre ce qui s'est passé et voir le travail de restauration », estime Bruno Cordeau, administrateur de l'Arc, qui avoue avoir retrouvé le sourire depuis que les restauratrices ont investi les lieux. Montant des travaux : 20 000 €.

    Presque tous les morceaux retrouvés

    Les premiers collages sur le visage du Génie de la Patrie représentant Marianne ont débuté ce mardi matin. Un travail minutieux : sous le coups des impacts, le visage en plâtre réalisé en 1898 par François Rude été déformé. « Les éclats et les trous seront rebouchés et les fissures consolidées », explique Julie André-Madjlessi, l'une des restauratrices. Un peu amères - « en novembre, ces œuvres étaient en parfait état » -, ces chirurgiennes de l'art restent confiantes, car pratiquement tous les morceaux ont été récupérés. « Le personnel du Centre des musées nationaux a fait un travail remarquable, pointe Agnès le Boudec. Les centaines de fragments de plâtre de la maquette, dont certains ont la taille d'un ongle, ont été collectées tout de suite après les dégradations. » Malheureusement, pour la version miniature de l'Arc de Triomphe, elles ne retrouveront pas le buste du guerrier central, le glaive du Génie de la Patrie et une tête.

    Presque tous les morceaux, même les plus petits, ont été récupérés tout de suite après les dégradations./LP/Philippe Lavieille
    Presque tous les morceaux, même les plus petits, ont été récupérés tout de suite après les dégradations./LP/Philippe Lavieille LP/Philippe Lavieille

    Depuis deux semaines, l'équipe féminine s'attelle à la maquette en plâtre de l'Arc de Triomphe, réalisée en 1938 par l'architecte Georges Chedanne. Des trous béants, une filasse qui pend, le relief du « départ des volontaires de 1792 » très endommagé ou encore les traces de chaussures par endroits témoignent de la violence des actes. Pour reconstituer cet immense puzzle en trois dimensions, il faut faire preuve d'une infinie patience. « C'est peut-être pour cela qu'il n'y a pratiquement que des femmes dans notre métier », rigole Julie André-Madjlessi. Les fragments sont identifiés et « localisés », le travail le plus long, avant d'êtres collés.

    Une fois les sculptures nettoyées, elles retrouveront en mai leur place initiale et le public. « Seul un œil averti verra la différence avec l'œuvre avant la dégradation », promet Agnès le Boudec.