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Climat

« Scènes apocalyptiques » au Mozambique après le passage du cyclone Idai

Le 15 mars, le cyclone Idai a dévasté la ville portuaire mozambicaine de Beira puis a traversé le pays, semant la désolation jusqu’aux Zimbabwe et Malawi voisins. L’aide internationale peine à arriver à cause des mauvaises conditions météorologiques et des infrastructures détruites. Le nombre de morts pourrait dépasser le millier.

De Beira, l’une des plus grandes villes du Mozambique, aussi peuplée que Lyon, il ne reste presque plus rien. Les rares images qui nous parviennent, depuis que le cyclone Idai s’y est abattu le 15 mars, témoignent de l’ampleur des dégâts : maisons englouties par les inondations, ponts et routes arrachés par les vents. 90 % de la cité portuaire, porte d’entrée vers l’Afrique australe, serait aujourd’hui « endommagé ou détruite », selon une première évaluation de la Croix-Rouge.

Le Mozambique (projection orthographique).

Six jours après la catastrophe, les organisations humanitaires n’ont toujours qu’une seule solution pour accéder à Beira : les airs. Touché par le cyclone, l’aéroport international a interrompu le trafic mais permet aux secours d’atterrir.

Dix-huit écoles et églises de la ville ont été transformées en refuges pour les sinistrés qui ont pu être transportés au sec. Mais, dans certains quartiers et dans l’arrière-pays, la population est par endroits encore coupée du monde, encerclée par les eaux dont le niveau peut atteindre six mètres, selon l’Agence France-Presse. « Mes collègues sur place me décrivent des scènes apocalyptiques, rapporte à Reporterre Typhaine Walton, chargée de communication du Programme alimentaire mondial (PAM). Des sortes d’océans intérieurs se sont formés, si vastes que l’on n’en voit ni le début ni la fin. » Le gouvernement mozambicain a confirmé qu’un territoire de 100 km de rayon était totalement inondé dans le centre du pays.

Un territoire de 100 km de rayon était totalement inondé dans le centre du pays.

« C’est le scénario du pire qui s’est produit, une sorte d’effet “tsunami” » 

Équipé pour l’heure d’un seul hélicoptère, le PAM a commencé à acheminer des vivres pour 500.000 personnes. « Nous menons des opérations d’héliportage de vivres et de bouteilles d’eau pour les personnes toujours bloquées sur les toits, en haut des arbres, sur des points en hauteur, explique Typhaine Walton. Plusieurs tonnes ont déjà pu être distribuées, nous avions heureusement déjà des stocks sur place. » D’autres organisations, comme la Croix-Rouge, Amnesty International ou encore Care sont sur place, mais prises de court, elles restent elles aussi sous-équipées.

Au Mozambique, après le passage du cyclone Idai.

La tâche des secours est d’autant plus difficile que les réseaux de communication sont coupés et les conditions météorologiques mauvaises, les obligeant à reporter certaines opérations. « La situation est très grave et empire d’heure en heure, dit Typhaine Walton. Si les pluies ne cessent pas, nous craignons que certains barrages ne cèdent. »

Mercredi, le président mozambicain, Felipe Nyusi, faisait état d’un bilan d’au moins 202 morts dans la région de Beira, mais estimait que le millier de victimes pourrait être dépassé. Un deuil national de trois jours a été décrété.

« C’est le scénario du pire qui s’est produit, une sorte d’effet “tsunami”, nous explique Philippe Caroff, responsable opérationnel du centre Météo France de La Réunion, chargé de la surveillance des cyclones dans le sud de l’Océan indien. D’une part, Beira a été frappé par le sud de l’œil du cyclone, c’est-à-dire les vents les plus violents, à plus de 200 km/h. D’autre part, la “marée de tempête” provoquée par le cyclone, c’est-à-dire la montée soudaine du niveau de l’océan, a été amplifiée par la situation même de Beira : la ville se trouve dans un cul-de-sac, dans une vaste baie où les fonds marins sont peu profonds. » Dernier élément aggravant, la mer s’est engouffrée dans les estuaires qui bordent Beira, remontant les fleuves Buzi et Pungue pour atteindre les plaines fertiles de l’arrière-pays.

Un camp de réfugiés monté par le PAM.

Les dégâts ne se limitent pas au Mozambique. Le cyclone Idai a poursuivi sa course au Zimbabwe et au Malawi, y provoquant glissements de terrain et coulées de boue. Au moins une centaine de personnes aurait aussi perdu la vie.

Au total, 1,7 million d’habitants se trouvaient sous la trajectoire de Idai. Sur le long terme, les conséquences de ces inondations pourraient être catastrophiques dans une Afrique australe essentiellement agricole. Au Mozambique, l’un des pays les plus pauvres du monde, les récoltes de cette année semblent compromises alors que 80 % de la population vit de la terre.

« Depuis le début de la saison, la proportion de phénomènes cycloniques est plus élevée que la normale dans la région » 

L’organisation Amnesty International a appelé la communauté internationale à se mobiliser face à l’urgence humanitaire mais aussi aux conséquences du changement climatique. « Alors que les effets du changement climatique s’intensifient, on peut s’attendre à ce que ces conditions climatiques extrêmes se produisent plus fréquemment », selon l’ONG, qui appelle à « des mesures ambitieuses pour lutter contre le changement climatique ».

Extrait du Journal de l’Afrique de France 24 du 19 mars 2019.

Même constat du côté du Programme alimentaire mondial : « À cause du changement climatique, ce genre de phénomène est de plus en plus violent et de plus en plus fréquent, assure Typhaine Walton. Il touche particulièrement les pays où la vulnérabilité des populations est déjà importante, comme au Mozambique. Avec les conflits, le changement climatique est l’autre source principale d’insécurité alimentaire. »

« Au Mozambique, sur les trente dernières années, nous n’avons pas de tendance avérée à une augmentation de la fréquence des cyclones, tempère Philippe Caroff, de Météo France. Il est trop tôt pour dire si Idai est lié au changement climatique. Mais, on constate que depuis le début de la saison, la proportion de phénomènes cycloniques est plus élevée que la normale dans la région. »

Le pays avait déjà été meurtri par de graves inondations en l’an 2000. La catastrophe avait alors fait près de 800 morts et 50.000 sans-abri.

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