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Souad Massi : « Voir autant de femmes dans les rues d’Alger me fait énormément plaisir »

L’artiste algérienne, qui vit à Paris depuis début 2000, dit sa fierté de voir surgir cette « intelligence des entrailles d’une Algérie qu’on croyait aveuglée ».

Propos recueillis par 

Publié le 22 mars 2019 à 07h15, modifié le 22 mars 2019 à 07h15

Temps de Lecture 3 min.

Souad Massi avec des amis place de la République à Paris, le 18 mars 2019. (Page Facebbok officielle de l’artiste).

Il y a vingt ans, on découvrait Souad Massi. Une voix envoûtante accompagnée par des mélodies folk ou chaâbi, la musique populaire née dans les rues d’Alger au début du XXe siècle.

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Installée à Paris où elle prépare son sixième album pour le mois d’août, la native de Bologhine, un quartier populaire de la capitale algérienne, a décidé de « prêter sa voix » aux manifestants. Elle coorganise le 3 avril à Paris, au théâtre Le Palace, l’événement « Un seul héros, le peuple », un concert pour le changement en Algérie et en solidarité avec les mobilisations dans le pays.

On vous a vu manifester à Paris, aux côtés des Algériens de France qui soutiennent les manifestations en Algérie…

Souad Massi J’ai voulu participer à ces manifestations place de la République, à Paris, parce que j’habite en France et que c’est le seul moyen que j’ai d’être solidaire des manifestants et des manifestantes en Algérie. En tant qu’artiste, je prête ma voix à celles et à ceux qui sont en train de marcher dans les rues d’Algérie – des centaines de milliers de personnes – pour leur dire qu’on est là, on soutient ce mouvement ; contre ce pouvoir qui est en place. On veut un changement radical, une IIe République libre et démocratique. Et que vive l’Algérie de maintenant, et de demain ! Qu’elle vive avec ses enfants, avec plein d’espoir !

Le fait de voir autant de femmes dans les rues d’Alger m’a fait énormément plaisir. La femme algérienne est l’épine dorsale de ce peuple. Il était donc normal et légitime qu’on la voit s’approprier cet espace public qui lui était – entre parenthèses – interdit dans le passé.

Vous avez débuté en Algérie dans les années 1990, lors de la « décennie noire », dans un groupe de hard-rock, cela ne devait pas être évident…

Oui, c’était le groupe Atakor [qui est aussi le nom du plus haut sommet d’Algérie]. Je chantais plutôt dans la première partie qui était plutôt rock et je salue ce groupe qui a beaucoup aidé à ma culture musicale. Ce n’était pas évident dans l’Algérie de cette époque-là d’exister en tant qu’artiste et de pouvoir s’exprimer. C’est encore le cas maintenant, d’ailleurs.

Cette époque m’a évidemment marquée. C’était une période délicate. Très dure. On ne pouvait pas s’exprimer, on ne pouvait pas se produire… Et on était touchés par ce qui se passait, cela nous a atteints. Cela m’a aussi amenée à écrire des chansons un peu dures, tristes. Revendicatives aussi. C’est de cela que l’on s’inspire aussi.

Vos premiers albums étaient à tonalité très folk, mais vous avez exploré d’autres univers par la suite comme le chaabi, la musique populaire algérienne, pour arriver jusqu’à la poésie arabe dans votre dernier album. Racontez-nous ce chemin.

J’avais déjà 17 ans quand j’ai commencé à chanter. J’adorais le folk. J’adore toujours le rock et le folk. Mais avec l’âge, le fait de vivre loin de son pays, de ses amis, de sa famille, j’ai été submergé par beaucoup de nostalgie. Chose qui s’est traduite par un besoin de revenir à mes sources et d’introduire les instruments traditionnels algériens ou de m’inspirer de la musique populaire qui est le chaabi algérien. J’y reviens un peu dans mon prochain album.

Je me suis permis d’ouvrir une petite parenthèse avec cet hommage à la poésie arabe, d’abord parce que j’adore la poésie. J’avais aussi travaillé avec les Chœurs de Cordoue [avec le guitariste Eric Fernandez ]. On avait rendu hommage à Cordoue et à la beauté de cette culture arabo-musulmane.

La chanteuse et guitariste algérienne Souad Massi à Rabat, en juin 2014.

J’ai essayé à travers ce travail, l’album Al-Mutakalimoun (« Les Orateurs ») d’attirer un petit peu l’attention des gens et leur dire que cette culture, il ne faut pas l’oublier. J’ai voulu lui rendre hommage avec mes moyens. Avec de la poésie, la calligraphie, avec de la musique aussi. Je suis partie du VIe siècle avec un poème de Zoheir Ibn Abi Salma, en passant par le poète Al-Moutanabi, au Xe siècle, jusqu’aux plus contemporains comme Abou Kassem Al-Shabi (Tunisie, 1909-1934) et l’Irakien Ahmad Matar.

Il y a dix-huit ans, vous chantiez Bladi (« Mon pays ») « une terre devenue un enfer ». Bladi, c’est quoi pour vous aujourd’hui ?

Bladi aujourd’hui se traduit par un beau sourire, plein d’espoir. Je suis très optimiste et très fière de voir les slogans et la maturité de la jeunesse algérienne qui est aussi apaisée et consciente. Je suis fière aussi de voir cette intelligence sortir des entrailles de cette Algérie qu’on croyait aveuglée par beaucoup de choses. Je la vois rayonnante, plurielle et belle. Portée aussi par ces femmes qui sont présentes et je n’ai pas d’inquiétude à ce sujet.

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