POLITIQUE - Il était acculé. Jeudi 21 mars au soir, dans la précipitation, Luc Lemonnier a présenté sa démission, lui qui était maire du Havre et président de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole. Un départ soudain pour un homme qui se trouvait au cœur d'une polémique dont les tenants et aboutissants ne font que commencer à émerger.
En effet, quelques heures seulement après cette annonce, la cellule d'investigation de Radio France publiait une enquête édifiante quant aux comportements de l'élu de 50 ans, successeur du Premier ministre Édouard Philippe à la tête de la ville normande. Déjà accusé par une femme d'une quarantaine d'années de lui avoir envoyé des photos pornographiques, il s'avère que les victimes sont en réalité bien plus nombreuses.
France Bleu Normandie et le service d'enquête de la radio publique française se font ainsi le relais des témoignages de quatre femmes qui accusent toutes l'édile normand de comportements déplacés. L'une d'entre elle est donc l'ancienne colistière d'Édouard Philippe par qui le scandale est arrivé. Au mois de mai 2018, elle avait envoyé l'un des clichés reçus au Premier ministre et aux élus de la majorité municipale au Havre afin de dénoncer les agissements du maire. Une initiative qui lui avait valu un rappel à la loi pour "diffusion de photos sans l'accord de la personne". Et qui avait surtout mis l'élu sous pression.
Des photos "dégoûtantes" reçues par une connaissance de vingt ans
Elle raconte avoir reçu de la part de Luc Lemonnier un selfie où on le voyait le sexe en érection. Outrée par les agissements d'un homme qu'elle connaît depuis longtemps, elle aurait même reçu des dizaines de photos du même genre, et ce alors qu'elle a demandé à plusieurs reprises à l'élu d'arrêter. "Pour moi, ça a été un viol", déclare-t-elle, sur l'antenne de France Bleu Normandie.
La deuxième femme qui témoigne évoque, elle, des faits plus anciens, mais relativement similaires. Elle dit connaître Luc Lemonnier depuis près de vingt ans, époque à laquelle leurs enfants fréquentaient la même école privée. Le futur maire avait même été invité à son mariage. Puis en 2011, elle reçoit des photos "dégoûtantes", des clichés de l'homme nu dans des positions suggestives.
Réalisant quelques années plus tard que l'auteur des photographies pornographiques se trouve désormais en bonne place sur la liste municipale d'Édouard Philippe, elle et son mari tentent alors d'alerter certains colistiers, dont une femme qui préviendra le procureur. Aucune poursuite ne sera engagée.
Des dizaines de femmes seraient concernées
Une autre femme qui témoigne dans l'enquête de Radio France évoque, elle aussi, un récit douloureux. En 2018, elle écrit au maire du Havre via Facebook, pour lui expliquer qu'après avoir perdu son fils des suites d'une longue maladie, elle se retrouve en grande difficulté financière vis-à-vis de son bailleur. Après quelques échanges, elle sollicite un emploi auprès de Luc Lemonnier. La conversation dévie progressivement jusqu'à ce qu'elle reçoive à son tour un cliché pornographique.
Si elle se dit consentante en ce qui concerne des échanges érotiques, elle réalise plus tard ce qu'il s'est passé. "J'étais sous antidépresseurs, je sortais de l'hôpital, en fait, je me suis laissée faire. J'ai marché dans son plan, puis je me suis sentie très mal. Moi je voulais de l'aide, pas des photos de nu. J'ai pris ça comme un coup de couteau."
"C'était un secret de Polichinelle", réagit, sous couvert d'anonymat, un élu de premier plan de la région. Une ancienne élue de la mairie ajoute: "J'ai coupé nos relations pourtant très fortes il y a plusieurs mois (avec Luc Lemonnier, ndlr), quand j'ai été informée du phénomène." Si elle n'a jamais reçu de photo personnellement, elle affirme que des dizaines de femmes sont concernées. Une ex-employée parle ainsi d'une "ambiance hyper-sexualisée" à l'hôtel de ville, où certaines victimes n'auraient jamais osé parler par peur des représailles ou à cause d'une situation fragile.
Comme le confirme le pénaliste Éric Morain à Radio France, ces envois peuvent être considérés comme répréhensibles par la loi. Ils sont "offensants, imposés à la personne qui n'a nullement envie de les recevoir", justifie l'avocat. Selon les informations de Radio France, c'est Édouard Philippe en personne qui a orchestré le départ de Luc Lemonnier. Au cours d'un rapide voyage, le 21 mars au matin, le Premier ministre aurait expliqué à son successeur que la situation n'était plus tenable. Dans un communiqué, le locataire de Matignon a réagi laconiquement: "C'est une décision responsable".
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