Les collages exquis de Tomi Ungerer

Impossible d’oublier Les Trois Brigands, leur soufflet au poivre et leurs grands chapeaux noirs ! Paru en 1961, ce livre pour enfants devenu culte est l’œuvre du regretté Tomi Ungerer (1931–2019). Mais la carrière de cet illustrateur génial, lauréat du prestigieux Prix Andersen en 1998 et auteur de plus de 140 livres, ne se résume pas à ses nombreux succès au rayon jeunesse. Publicités, dessins satiriques, croquis érotiques, affiches contre la ségrégation raciale et la guerre du Vietnam, sculptures… Installé à New York en 1956 puis en Irlande (patrie de sa seconde femme) de 1976 jusqu’à son décès début février, le dessinateur alsacien avait plus d’un tour dans son sac.

En témoigne une facette méconnue (encore une !) de son travail, actuellement exposée à Paris : un ensemble, inventif et graphique à souhait, de collages récents d’inspiration surréaliste. Croustillants comme des cadavres exquis ou des inventaires à la Prévert, ces rébus énigmatiques reflètent le regard décalé, à la fois drôle, tendre et corrosif, que l’artiste portait sur la violence et l’absurdité du monde. On savoure une brochette de prêtres survolant têtes baissées un paysage désert, ou encore, en vadrouille dans un musée, un trio d’oursons aux yeux ronds – ces derniers faisant référence à l’émouvant Otto (1999), l’un de ses livres pour jeunes lecteurs narrant, à travers les yeux d’un ours en peluche, le traumatisme de son enfance alsacienne marquée par la guerre et l’oppression nazie. Un beau cadeau d’adieu du plus sensible des brigands.