Je vais abonner ma fille de 7 ans au mag @tchika_mag. Il est temps que les petites filles entendent un son de cloche différent, un discours qui les place face à leur potentiel et leur avenir. Merci @lisadol pour cette belle démarche. #GirlPower #papafeministepower https://t.co/L8pXj8kqZ8
— Jérémy Felkowski (@JFelkowski) 16 mars 2019
Pour justifier sa ligne éditoriale, Tchika a publié quelques données intéressantes sur sa page de crowdfunding, dont celle-ci: «Dans les manuels de CP, les femmes représentent 40% des personnages et 70% de ceux qui font la cuisine ou le ménage. Mais seulement 3% de ceux qui font un métier scientifique.» Un constat d’une étude française qui fait écho à une recherche récente du «2e observatoire», institut romand de recherche et de formation sur les rapports de genre.
Dès l’enfance, on a des injonctions: les filles «sages comme des images», ça résume tout. La mission de «Tchika», c’est qu’au fur et à mesure les filles se posent des questions sur elles-mêmes et se construisent
Elisabeth Roman, créatrice du magazine
Les chercheuses Bulle Nanjoud et Véronique Ducret ont passé les manuels scolaires romands au peigne fin. Dans les livres de mathématiques par exemple, 76 personnages sont masculins, contre 27 féminins. Le plus souvent, les figures féminines sont reliées à la sphère privée ou représentées dans des fonctions d’enseignantes. Les résultats ont été publiés en octobre 2018 dans le guide «Le ballon de Manon et la corde à sauter de Noé», destiné à sensibiliser le corps enseignant primaire aux discriminations et aux violences de genre.
Si les clichés persistent même à l’école, un magazine jeunesse comme celui-ci est donc porteur d’un message quasiment militant. Et cela se retrouve dans la notion d’«empowerment» – ou «empouvoirement» – prôné par le média.
«Le but du magazine, c’est finalement de réussir à se trouver soi-même. Dès l’enfance, on a des injonctions: les filles «sages comme des images», ça résume tout. La mission de Tchika, c’est qu’au fur et à mesure les filles se posent des questions sur elles-mêmes et se construisent», résume Elisabeth Roman.
Tchika déclare la guerre aux clichés de genre, et pas seulement dans les différences entre filles et garçons: l’illustratrice Isabelle Mandrou a imaginé quatre «tchikas» aux profils variés pour prôner la diversité. Celle du monde réel, celle des petites filles qu’on croise chaque jour dans la rue.
Pas pour les garçons?
«Les gens me disent: c’est le magazine dont je rêvais et qui n’existait pas ou merci pour mes filles, enfin un magazine pour elles», cite Elisabeth Roman. Et pourtant, on serait tenté de se demander si pour vraiment déconstruire les stéréotypes, il ne faudrait pas aussi s’adresser aux garçons?
Pour Joëlle Darwiche, membre du Centre de recherche sur la famille et le développement au sein de la Faculté des sciences sociales de l’Unil, la réponse est: oui, et non. «Idéalement, il faut parler aux deux. Mais en même temps est-ce qu’on atteindrait notre cible, qui est d’aider les filles stigmatisées dès qu’elles sont petites? Les filles ont déjà, à cet âge, un traitement inégal, donc il s’agit de les coacher plus directement […] Ce magazine amène du concret. Je le trouve original, très novateur, et si l’accueil est positif ça veut dire que le changement social a quasiment devancé l’offre, alors que parfois c’est l’inverse.»
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Cependant l’équipe du magazine n’oublie pas les garçons, qui pourraient faire l’objet d’autres projets. «Notons quand même que les garçons peuvent lire Tchika! Les filles lisent des choses masculinisées à plein d’endroits. Ce n’est pas exclure les garçons, c’est d’abord s’intéresser aux filles», précise la rédactrice en chef. Tout est dit. L’aventure Tchika ne fait que commencer, mais sa fondatrice rêve d’en faire un mouvement. Podcasts, conférences et autres déclinaisons pourraient compléter cet ovni – bienvenu – de la presse jeunesse.