Ce 22 mars, c’est la journée mondiale de l’eau. Une ressource de base, de plus en plus malmenée en raison de la pression démographique et des besoins industriels ou agricoles. Malgré une prise de conscience des risques liés à sa raréfaction et à la dégradation de sa qualité, les grandes entreprises mondiales accroissent leur pression, selon une étude du CDP.

L’accès à l’eau est un enjeu mondial majeur pour les populations, que ce soit en termes de santé, d’alimentation ou de lutte contre les inégalités. Il s’agit de l’un des 17 objectifs considérés comme prioritaires (ODD) pour permettre un développement durable au niveau mondial selon l’ONU. C’est aussi une ressource primordiale pour l’économie. Aujourd’hui, 70 % des prélèvements mondiaux en eau proviennent des chaînes d’approvisionnement agricoles et 19 % de l’industrie.
Dans ce cadre, les grandes entreprises doivent faire le grand écart entre l’utilisation d’une ressource qui leur est indispensable pour leur production et/ou leurs produits et sa nécessaire préservation. Une quadrature du cercle si l’on en croit la dernière étude du CDP (1), publiée ce 22 mars à l’occasion de la journée mondiale de l’eau.

Eau CDP 1 2019Prélèvements en eau des entreprises (en bleu : nombre d’entreprises ayant des objectifs de réduction / en orange : nombre d’entreprises réalisant un reporting sur leurs prélèvements)
Source : CDP


En 2018, 38 milliards de dollars de pertes financières liées à l’eau
Les grandes entreprises sont en effet conscientes des risques de stress hydrique, renforcés notamment par le changement climatique mais aussi les conflits et la pression démographique. Le trois-quarts des entreprises sollicitées par la plate-forme mondiale estime ainsi être exposées à "des risques substantiels liés à l’eau" comme sa raréfaction ou la dégradation de sa qualité.
Ces dommages pourraient perturber leur production, peser sur sa qualité et la réputation des marques et/ou de l’entreprise et, in fine, leur faire perdre leur licence d’exploitations dans certaines régions. Les crises liées à l’eau sont d’ailleurs l’un des risques majeurs pesant sur l’économie identifié par le rapport de référence Global Risk du Forum économique mondial. Et ce, depuis plusieurs années déjà.
Le risque est déjà matériel : en 2018, les entreprises (secteur extractif, énergétique et pharmaceutique principalement) ont déclaré 38 milliards de dollars de pertes financières liées à l’eau. Les conséquences sociales de la multiplication des crises liées à l’eau pourraient être désastreuses : trois emplois sur quatre dans le monde dépendent d’un approvisionnement fiable en eau.
De plus en plus d’entreprises ont commencé à prendre des engagements et des actions pour réduire leurs prélèvements d’eau. Mais cela reste insuffisant. Car sur les trois dernières années, de plus en plus d’entreprises avouent avoir augmenté ces mêmes prélèvements. Une tendance particulièrement prononcée en Asie et en Amérique latine, dans les secteurs de l’alimentation, des boissons, de l’agriculture, de la manufacture et de l’extraction minière, souligne le CDP.
CDP eau 2 2019

source : CDP


Une transformation de la chaîne de production, de distribution…et de décision
Selon le CDP, l’un des leviers pour faire progresser les entreprises en la matière serait d’inciter – notamment financièrement – les cadres dirigeants et les conseils d’administration à mieux gérer les problématiques liées à l’eau. À ce jour, seules 31 % des entreprises l’ont fait, comme Diageo, L’Oréal ou Microsoft. Autre levier de poids : la transformation du secteur de la grande distribution, pointé du doigt comme l’un des moins transparent sur sa gestion de l’eau.
"Composé d’entreprises proches du sommet de la chaîne de valeur agricole et disposant de larges revenus (28 000 milliards de dollars prévus en 2018), le secteur de grande distribution peut potentiellement stimuler des améliorations substantielles de la performance de l’eau chez les producteurs de viande, les cultivateurs et les teintureries du monde entier", précise le rapport.
"Nous nous trouvons donc face à un choix, pose clairement Paul Simpson, PDG du CDP. Soit saisir l’opportunité de la transition en cours pour stabiliser le climat et l’approvisionnement en eau, soit continuer le business as usual et faire face à des risques considérables". En 2030, selon l’OCDE, 40% de la demande mondiale en eau ne sera pas couverte…
Béatrice Héraud @beatriceheraud
(1)   Le rapport, Treading Water https://www.cdp.net/en/research/global-reports/global-water-report-2018 analyse les données sur l’eau de près de 783 sociétés cotées, employant plus de 36 millions de personnes dans le monde et représentant une capitalisation boursière de 18 000 milliards de dollars. Le CDP est une organisation à but non-lucratif soutenue par des investisseurs représentant 96 000 milliards de dollars d’actifs.

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