Une enquête de quatre ans
Après deux décennies de recherches infructueuses, les observateurs et les collectionneurs d'art pensaient ne plus jamais revoir ce chef-d'œuvre resté introuvable.
Jusqu'à ce que l'expert d'art néerlandais Arthur Brand, surnommé l'«Indiana Jones du monde de l'art» pour ses exploits d'enquêteur, mette la main dessus au terme d'une enquête de quatre ans. Cette huile sur toile a été remise mi-mars à une compagnie d'assurances souhaitant rester anonyme, a-t-il déclaré à l'AFP.
Breaking: I just recovered the stolen 'Dora Maar' by Picasso. Painted in 1938 and stolen in 1999 in Antibes France. A great day for art-lovers, like me! pic.twitter.com/A0KciDJuza
— Arthur Brand (art detective) (@brand_arthur) 26 mars 2019
Arthur Brand apprenait en 2015 qu'un «Picasso volé sur un bateau» était utilisé comme monnaie d'échange dans des transactions illicites aux Pays-Bas. «A ce stade, j'ignorais encore de quel tableau il s'agissait», explique-t-il.
Lire également: L’épineuse question de l’art spolié
«Enveloppé dans un drap et des sacs poubelles»
Mi-mars, deux hommes travaillant pour un homme d'affaires néerlandais ont frappé au beau milieu de la nuit à sa porte à Amsterdam, le portrait sous le bras. «Ils avaient le Picasso, estimé à 25 millions d'euros, enveloppé dans un drap et des sacs poubelles noirs», raconte Arthur Brand.
L'homme d'affaires «était affligé» car il ignorait qu'il avait un tableau volé en sa possession, indique l'expert, qui a aussitôt informé les polices néerlandaise et française.
Arthur Brand a acquis une renommée mondiale en 2015 après avoir retrouvé en Allemagne les deux chevaux de bronze réalisés par Josef Thorak, l'un des sculpteurs officiels du IIIe Reich, qui ornaient l'entrée de la Chancellerie d'Hitler à Berlin, et qui avaient disparu après la chute du Mur.
En novembre, après une chasse au trésor de plusieurs années, il a permis aux autorités chypriotes de récupérer une mosaïque byzantine exceptionnelle, fragment d'une des fresques volées dans des églises de Chypre après l'invasion turque en 1974.
Trafics de drogue et des ventes d'armes
Le vol du Picasso, estimé à environ sept millions de dollars à l'époque, avait encouragé les propriétaires richissimes des yachts amarrés sur la côte d'Azur à revoir les systèmes de sécurité sur leurs bateaux. Après le cambriolage en 1999, les recherches de la police française étaient restées infructueuses. Les enquêteurs avaient fini par clore le dossier.
Le tableau est ensuite passé de main en main dans l'économie souterraine, «souvent utilisé comme garantie, apparaissant dans des trafics de drogue et des ventes d'armes», explique Arthur Brand. «Depuis le vol, la peinture a dû avoir changé de propriétaire une dizaine de fois», observe-t-il. Il fallait rapidement mettre la main dessus, car le tableau était «probablement en très mauvais état».
Après l'avoir déballé, le passionné d'art n'a pu s'empêcher d'accrocher le Picasso chez lui, faisant de son appartement «l'un des plus chers d'Amsterdam» le temps d'une nuit. Le lendemain, un spécialiste de Picasso de la galerie Pace à New York s'est rendu à Amsterdam pour vérifier l'authenticité de l'œuvre, en présence de Dick Ellis, détective britannique à la retraite et fondateur de l'unité d'art et d'antiquités de Scotland Yard.
Dick Ellis est connu pour avoir retrouvé la trace de plusieurs oeuvres volées, dont Le Cri d'Edvard Munch, dérobé à la Galerie nationale d'Oslo en Norvège en 1994. «Il ne fait aucun doute qu'il s'agit du Picasso volé», a déclaré à l'AFP Dick Ellis, qui dirige désormais une société de conseil basée à Londres. Il était à Amsterdam pour représenter la compagnie d'assurance désormais en possession du Buste de Femme.
Lire aussi: La «découverte» en Roumanie d'un Picasso volé était un canular