Virée pour avoir « volé » des aliments périmés, la justice lui donne raison

Le combat de 8 ans d'une directrice de magasin licenciée est à l'origine d'une jurisprudence contre le gaspillage alimentaire. Explications.

Par

Par deux fois, la Cour de cassation a donné raison à cette directrice de magasin licenciée pour avoir récupéré pour elle des produits impropres à la consommation (Photo d'illustration). 

Par deux fois, la Cour de cassation a donné raison à cette directrice de magasin licenciée pour avoir récupéré pour elle des produits impropres à la consommation (Photo d'illustration). 

© Edith Geuppert / GES-Sportfoto / Picture-Alliance/AFP

Temps de lecture : 3 min

C'est une histoire ubuesque. Le 22 décembre 2011, Catherine*, caissière depuis 1979 dans un supermarché Schiever, avant de devenir, grâce à sa longue expérience, directrice de magasin, dépose dans sa voiture, comme elle a l'habitude de le faire, un sac rempli de produits impropres à la consommation. Catherine ne le sait pas, mais des salariés du magasin l'ont dénoncée à sa hiérarchie et, ce jour-là, sur le parking, le responsable régional la surveille. Catherine est licenciée pour faute grave et fait immédiatement l'objet d'une plainte pour vol.

Le point du soir

Tous les soirs à partir de 18h

Recevez l’information analysée et décryptée par la rédaction du Point.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

La directrice, elle, affirme n'avoir sorti du magasin que des produits périmés. Et avoir agi ainsi pour éviter un gaspillage alimentaire indécent. Une perquisition a aussitôt lieu à son domicile, où les gendarmes découvrent un deuxième méfait, tout aussi grave que le premier : un réfrigérateur rempli de jambon, de yaourts aux fruits et autres cuisses de poulet – tous périmés – pour un montant de préjudice estimé à 49 euros. Un doute existe quant à la péremption ou non de poires (95 centimes d'euro) et de bananes (1,28 euro) prétendument dérobées au magasin.

Lire aussi Gaspillage alimentaire : faut-il modifier les dates de péremption ?

Ras-le-bol du gâchis

Catherine engage un contentieux devant le conseil des prud'hommes de Chalon-sur-Saône et fait également face à une procédure pénale. « Ma cliente en avait marre de voir des produits périmés ou proches de leur date de péremption détruits par les magasins, alors, elle les a rapportés chez elle pour sa propre consommation. Elle avait fait le choix, à l'époque, de ne pas donner les produits au personnel, car cela générait des querelles intestines. Il faut se replacer dans le contexte : à l'époque, on préférait les couvrir de javel plutôt que de les donner à des associations caritatives », explique son avocat, Me Cuinat.

Le 21 mai 2014, Catherine est condamnée à 1 000 euros d'amende avec sursis par la cour d'appel de Dijon. Les magistrats s'appuient sur le règlement intérieur du magasin, lequel interdit « d'user pour son propre compte, sans autorisation, des machines, outils, matériaux, marchandises et fournitures appartenant à l'entreprise », écrivent les juges.

Lire aussi Moins de viande, plus de noix : le régime sain qui préserve la planète

Un an plus tard, la Cour de cassation tranche le conflit, dans un arrêt qui fait aujourd'hui jurisprudence : « Il était constant que les objets soustraits, devenus impropres à la commercialisation, avaient été retirés de la vente et mis à la poubelle dans l'attente de leur destruction, de sorte que l'entreprise avait clairement manifesté son intention de les abandonner. » En clair : on ne peut pas voler quelque chose qui n'appartient à personne.

Après le pénal, les prud'hommes

Une décision limpide sur laquelle les juges de Dijon n'ont pourtant pas hésité… à s'asseoir. Alors que Catherine avait gagné devant les prud'hommes, la cour d'appel de Dijon a donné raison au supermarché, confirmant le licenciement pour faute dans un arrêt rendu en 2017. Une décision qui vient d'être annulée en toutes ses dispositions par la Cour de cassation, au motif que la directrice avait été relaxée définitivement au pénal pour les faits de vol. Ces derniers ne pouvaient donc pas justifier son licenciement.

Lire aussi 35 % des poissons pêchés n'arrivent jamais dans nos assiettes

« C'est la seule fois dans ma carrière que j'obtiens à deux reprises la cassation de la cour d'appel de Dijon dans la même affaire », sourit Me Cuinat, avocat tout juste retraité. Catherine a elle aussi raccroché après une procédure judiciaire pénible venue clôturer une longue carrière dans la grande distribution, où elle aura gravi de nombreux échelons, de caissière à directrice de magasin. Un combat fastidieux et ruineux devant nos tribunaux, dont elle a fait, confie son conseil, une « question de principe ».

* Le prénom a été changé

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (30)

  • Djill

    Vous ne connaissez pas encore TSLR (Tout Sauf Les Républicains) ?
    Vous apprendrez à le connaître si vous lisez souvent les commentaires.
    Ex TSUMP (Tout Sauf l'UMP), il est capable de trouver matière à dézinguer un LR (Sarkozy de préférence) dans un article traitant de la pétanque, de la pêche, ou encore de la chasse aux papillons.
    Il faut une sacrée imagination, qu'il a d'habitude. Mais là, et je comprends votre étonnement, il en a sacrément manqué.

  • bd31

    Si cette directrice ne voulait pas voir les produits impropres à la vente finir à la poubelle elle pouvait demander à les donner à une association et en cas de refus démissionner ou monter une association ou encore autre chose qui lui soit personnel. Le vrai problème est qu’elle a de son seul et propre fait dérober un produit II ne lui appartenait pas pour satisfaire sa conscience en résumé elle s’est fait sa propre justice ce que vient de valider la cour de cassation. Impensable. Mais on sait qu’on y a plusieurs justices : une de gauche et une de gauche sans oublier celle de gauche et touts sont impartiales

  • Ardielle

    8h24 ? C’est quoi ces noms qui n’ont rien à voir avec l’article ?