EXCLUSIF. En cas de nouveaux attentats, un Français sur deux serait favorable à un militaire à la tête du pays

VIDÉO. Un sondage Odoxa confirme la montée en puissance de la popularité d'un recours aux militaires et aux mesures d'exception. Inquiétant.

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Temps de lecture : 5 min

Face au risque terroriste, 55 % de nos compatriotes sont favorables à de nouvelles mesures d'exception « pour mieux assurer la sécurité des Français quitte à limiter leurs libertés », contre 44 % qui s'y opposent. En cas de nouveaux attentats, un Français sur deux soutient même l'idée de nommer, de manière temporaire, un militaire à la tête du pays. Voici les résultats frappants d'un sondage Odoxa effectué en février sur un échantillon de 1 002 Français représentatifs de la population française adulte. L'étude a été commandée par JC Lattès, éditeur qui publie le 1er mars Article 36 du journaliste Henri Vernet, un roman de politique-fiction imaginant que les militaires prennent le contrôle du pays.

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C'est une tendance musclée que l'on voit monter dans les démocraties occidentales. En octobre dernier, un sondage de l'Ifop montrait déjà que 41 % des Français seraient en faveur d'« un pouvoir politique autoritaire » pour réformer en profondeur le pays face au déclin. Comme nous l'expliquait le politologue de Harvard Yascha Mounk, auteur du Peuple contre la démocratie (éditions de l'Observatoire), « en 1995, seul un Américain sur seize pensait qu'un régime militaire constituait un bon système de gouvernement ; aujourd'hui, c'est un sur six. En France aussi, il y a vingtaine d'années, 35 % de la population estimait qu'un dirigeant “musclé” qui ne serait pas limité par le Parlement ou des élections serait une bonne chose. En 2017, les dernières données nous disent qu'ils sont désormais près d'un sur deux ! » D'un côté, on constate que les jeunes sont moins attachés à la démocratie libérale – et plus ouverts à un régime autoritaire – que la génération qui a connu la Seconde Guerre mondiale. De l'autre, la montée du terrorisme islamique a alimenté une demande croissante de sécurité au détriment des libertés.

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« Allez, mon général, quand est-ce que vous prenez le pouvoir ? »

Selon le sondage Odoxa, pour six Français sur dix, la France est ainsi « en guerre » contre le terrorisme. Et l'armée est de très loin l'institution à laquelle nos compatriotes font le plus confiance dans cette lutte contre le terrorisme (54 %), devant la police (20 %), la justice (20 %), l'Europe (8 %) ou le gouvernement (7 %). Le sondage Odoxa montre d'ailleurs de fortes divergences selon la sensibilité politique des personnes interrogées. Chez les sympathisants de La République en marche, ils ne sont « que » 25 % à se dire « tout à fait d'accord » ou « plutôt d'accord » sur l'hypothèse de nommer un militaire à la tête du pays en cas de nouveaux attentats terroristes. Sans surprise, les soutiens de Marine Le Pen marquent l'adhésion la plus forte (71 %) à ce recours à un homme fort, suivis des Républicains (58 %).

En revanche, parmi les sympathisants LREM, ils sont 67 % à être favorables à des mesures d'exception pour mieux assurer la sécurité des Français, là où les sympathisants du Rassemblement national ne sont que 60 %. C'est chez les partisans de La France insoumise que l'on retrouve la plus forte réticence à des mesures d'exception, avec 67 % d'entre eux qui s'y opposent, contre 57 % chez les socialistes.


Rédacteur en chef adjoint au Parisien, Henri Vernet a eu l'idée de son roman Article 36 au moment où la France se trouvait touchée par des attentats à répétition. « Je me suis rendu compte qu'il y avait en France la possibilité de proclamer l'état de siège avec l'article 36 de la Constitution, c'est-à-dire un recours à l'armée. Ce sont quand même des pouvoirs extrêmement importants en matière de restauration de l'ordre, avec des tribunaux militaires pour juger des actes liés à la sécurité de l'État. C'est un régime exceptionnel dont on ne parle jamais, une survivance du XIXe siècle, époque où l'armée maintenait l'ordre et où il y avait une défiance des politiques vis-à-vis de la police. Ce livre est une fiction, mais j'ai enquêté. J'ai vu des constitutionnalistes, des avocats, des responsables militaires. »

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Dans son intrigue, le président de la République fait appel à un homme providentiel pour en finir avec le terrorisme et des désordres en France. Un général populaire qui a des airs de l'ancien chef d'état-major des armées Pierre de Villiers. « Les militaires ont gagné une extraordinaire popularité. Il faut voir le succès des bouquins de De Villiers, les files d'attente incroyables quand il fait des dédicaces. Il y a un vrai engouement pour les valeurs militaires. J'ai entendu des formules du type “Allez, mon général, quand est-ce que prenez le pouvoir ?” », explique Henri Vernet.

Alerte

Pour le journaliste, les Français ont repris l'idée, d'abord émise par les responsables politiques, que nous serions en guerre contre le terrorisme. « Là où ils sont logiques, c'est qu'ils vont jusqu'au bout. Puisque c'est la guerre, quoi de plus naturel que de confier les rênes du pays, pour un temps provisoire, à un militaire. C'est quand même extraordinaire quand on pense qu'il y a encore quelques années, c'était l'antimilitarisme qui prévalait, à l'image du Grand Duduche de Cabu ! Les militaires, dès qu'ils se mêlaient à la politique, étaient vus comme des putschistes. Cette image s'est complètement retournée, d'abord avec les actions humanitaires de l'armée, puis avec le terrorisme ».

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Le sondage Odoxa entre aussi en résonance avec l'actualité des Gilets jaunes. En décembre, Christophe Chalençon réclamait la démission du gouvernement d'Édouard Philippe et la nomination du général de Villiers. « C'est un thème qui rôde chez les Gilets jaunes. Et symboliquement, de l'autre côté, quand le gouvernement sent qu'il est débordé, avec un ras-le-bol des Français face aux casses du samedi, Benjamin Griveaux évoque le renfort de la mission Sentinelle. Bien sûr, les militaires sont déjà dans les rues et il ne s'agit pas de maintien de l'ordre, mais le symbole est très fort. On met en valeur les militaires dans un contexte de crise sociale. Ça traduit bien quelque chose dans l'air du temps. La réalité aujourd'hui va presque plus loin que mon roman », assure Henri Vernet, avant de conclure : « En France, on aime bien le culte du chef, de l'homme providentiel. Ça reste prégnant. Le roman est aussi une façon de donner l'alerte. Attention, il ne faut pas trop jouer avec la démocratie. Les démocraties sont fragilisées, et le césarisme n'est jamais loin »...


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Commentaires (139)

  • patachon91

    D'autant que les exemples de miliaires au pouvoir, totalement désintéressés, pullulent...

  • logiques

    Un militaire digne de ce nom serait moins inféodé aux influences politiques et plus proche de l’intérêt du pays.

  • Le sanglier de Génolhac

    Toujours d'accord. Dommage qu'un organisateur, un administrateur, un visionnaire de ce niveau soit allé se disperser dans des guerres perdues d'avance à cause de la masse des coalisés. Oui, dommage.