Un Français lauréat du prix Turing, avec deux autres pionniers de l'IA

Découvrez le parcours et les avancées des trois lauréats du prestigieux prix, mais aussi leurs mises en garde sur les progrès de l'Intelligence artificielle.

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Yan Le Cun est professeur à la New York University et en charge de la recherche sur l'Intelligence artificielle chez Facebook.  

Yan Le Cun est professeur à la New York University et en charge de la recherche sur l'Intelligence artificielle chez Facebook.  

© Brian Ach / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Temps de lecture : 5 min

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La plus importante société savante d'informatique, Association for Computing Machinery, a attribué le prix Turing a trois chercheurs en Intelligence artificielle. Plus précisément, des pionniers du « deep learning » (« apprentissage profond »). Le Français Yann Le Cun fait partie du trio. Natif de Soisy-sous-Montmorency (Val-d'Oise), Yann Le Cun est professeur à la New York University. Il a aussi en charge la recherche sur l'Intelligence artificielle chez Facebook, à la tête d'une équipe d'une centaine de doctorants et chercheurs – installés entre Menlo Park, dans la Silicon Valley, New York et Paris, qu'il dirige depuis son portable Lenovo équipé du système d'exploitation libre Ubuntu Linux.

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Enfant, le chercheur était déjà passionné d'informatique et de modélisme. Lorsqu'il est en terminale, il s'offre – pour 2 400 francs – un SYM-1. C'était un circuit imprimé sans écran, un délice de bidouilleurs. Adolescent, il va voir au cinéma le chef-d'œuvre d'anticipation de Stanley Kubrick 2001, l'Odyssée de l'espace. Il en ressort bouleversé. « Tous mes sujets d'intérêt étaient traités simultanément : le voyage spatial, la place de l'humanité dans le futur... » expliquait-il au Point il y a deux ans.

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Jean Piaget et Noam Chomsky à propos de l'inné et l'acquis

L'homme a également été marqué par la retranscription du dialogue qui a lieu en 1975 entre le psychologue suisse Jean Piaget et le linguiste américain Noam Chomsky à propos de la part de l'inné et de l'acquis. Yann Le Cun a d'abord intégré l'école d'électronique ESIEE à Paris en 1983 avant de rejoindre l'université Pierre-et-Marie-Curie, où il a obtenu un DEA et un doctorat. Sa thèse portait sur une variante de l'algorithme de « rétropropagation du gradient », qui permet l'apprentissage des réseaux de neurones. En 1987, il rejoint l'université de Toronto puis, un an plus tard, les labos du géant des télécoms américains, AT&T. En 2016, Le Cun obtient par ailleurs la responsabilité d'une chaire au Collège de France. (retrouvez ici sa leçon inaugurale)

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Le chercheur apprend aux machines à réfléchir, comme on apprend à un enfant à comprendre notre langage

Sur quoi planche-t-il aujourd'hui ? Sur l'apprentissage réseau, c'est-à-dire les « architectures de réseaux de neurones artificiels qui apprennent à représenter les données de manière hiérarchique ». Pas assez clair ? « Les machines apprennent ainsi à représenter le monde avec de multiples niveaux d'abstraction. » Le chercheur apprend aux machines à réfléchir, comme on apprend à un enfant à comprendre notre langage, puis à parler et, enfin, à prendre les meilleures décisions au meilleur moment. En clair, Le Cun réfléchit à mettre au point des algorithmes d'apprentissage correspondant à ces architectures. Récemment, il a écrit avec le neuroscientifique Stanislas Dehaene La Plus Belle Histoire de l'intelligence, paru chez Robert Laffont, et a accordé une interview vidéo au Point dans laquelle il a donné une intéressante définition de l'intelligence.


Montréal, plaque tournante de l'IA

Le deuxième lauréat du prestigieux prix Turing s'appelle Yoshua Bengio. Et il est né à... Paris en 1964. Arrivé au Canada à l'âge de 12 ans, il expliquait en janvier dernier au Point : « Quand je suis arrivé avec mon frère Samy, cela a été un choc. Je n'étais pas un enfant très sociable. Je me réfugiais dans la lecture des ouvrages d'Arthur C. Clarke [l'auteur de 2001 : l'Odyssée de l'espace, NDLR]. » Ce fan de Star Trek a commencé à programmer à l'âge de 13 ans sur une calculatrice TI-58 C, avant de faire ses armes sur un Apple II, puis un Atari 800.

Lecture d'Arthur C. Clarke

Aujourd'hui installé à Montréal, où il enseigne et où il a co-créé l'entreprise Element AI, il a été, dans les années 1990, l'artisan d'une révolution silencieuse. Il a contribué à l'apprentissage supervisé structuré, c'est-à-dire des modèles combinant des réseaux de neurones artificiels et des modèles de langage qui se sont avérés importants dans le développement de systèmes de reconnaissance et de compréhension de séquences, tels que la parole, le texte et les vidéos.

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Clin d'œil de l'histoire, Yoshua Bengio a participé à la fin des années 1990 dans l'équipe de Yann Le Cun à mettre au point un système qui lisait automatiquement 10 % de tous les chèques signés en Amérique du Nord. Plus récemment, il a été à l'origine de progrès déterminants pour la traduction automatique avec des réseaux neuronaux, ainsi que les Generative Adversarial Networks, un type de réseau neuronal qui permet aux machines d'être créatives, en particulier à imaginer et peindre des images. Yoshua Bengio, qui a fait de Montréal une des plaques tournantes de l'Intelligence artificielle, s'est enfin engagé contre les robots tueurs, ce qu'il a réaffirmé fin janvier à Montréal aux côtés de Patrice Caine, le numéro un de Thales. « Spinoza m'a influencé sur l'importance de la rationalité, sur l'objectif à poursuivre dans la vie, sur la démocratie, qu'il ne faut jamais prendre pour acquise, et sur la liberté, si essentielle à la recherche scientifique », explique celui qui soutient par ailleurs le prometteur Institut africain des sciences mathématiques (AIMS), situé à Kigali.

Contre les robots tueurs

Enfin, le troisième lauréat s'appelle Geoff Hinton. Né à Londres et aujourd'hui installé également au Canada, il a été l'un des premiers à mettre en application l'algorithme de rétropropagation du gradient pour l'entraînement d'un réseau de neurones multi-couches. Figure de la communauté de l'apprentissage profond, il a beaucoup inspiré les travaux de Yann Le Cun et de Yoshua Bengio. Chercheur à Google Brain et professeur d'informatique à l'université de Toronto (voir ici sa page personnelle), il s'est également engagé contre les robots tueurs. Passionné, il met cependant en garde contre les dangers liés à l'Intelligence artificielle, qu'il résume régulièrement par cette formule : « Ce sera un danger lorsque des objets se mettront à commander des êtres plus intelligents qu'eux. »

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Commentaires (5)

  • mayen2

    ... Au passage qu'il n'est pas resté en France après son doctorat (un classique chez nos jeunes chercheurs).

    On peut crier "Cocorico" mais le succès revient au final à "New York University".

  • BAUVAN

    Prof à New York... Quand nos élites scientifiques " percent", c'est souvent hors de France, ce qui montre que notre pays est loin d'être le terreau idéal pour faire émerger des "têtes" et les porter au plus haut niveau...

  • guy bernard

    Bonjour
    excellente réflexion, mais je vous rappelle que les aventures humaines actuelles se résument en France à l'exploitation de fonctions simples : manger (Top chef) ou ne pas manger (Koh Lanta), soigner son apparence (les reines du placard), ou chanter (the voice).
    ces parcours sont brillants mais nous sommes encore à mille lieues d'en saisir l'importance et etre aptes à les diffuser.
    bien cdt